L'oiseau bleu
L'eau ruisselle devant moi. Un oisillon de bleu vêtu chante : Cela faisait plus d'un an que je n'avais pas eu l'occasion de déambuler sur ces petits chemins de campagne, seul. Je ne m'y sentais plus appelé. Car oui je les ai perdus. Cette liberté, cette paix, cette plume passionnée, je les ai perdus. Les doutes, les tracas, les souvenirs de mes petites hontes du passé ont pris de façon considérable du terrain. Plus aucune pensée douce, entre le travail, les transports en commun, les études, simplement des pensées pratique, terrestre, simple. Je ne parviens plus à pleurer sur des musiques, ni même à tomber amoureux.
Mes écrits sont rares : J'ai presque honte de m'y être mis un jour. Les idées ne me viennent plus, la magie qui poussait mes histoires à m'arracher de la réalité pour les avancer n'est plus. Les larmes sont si rares, mes rires si superficiels. J'ai perdu la carte qui m'indiquait le chemin vers mes mondes, mes univers. Cette fantaisie qui m'offrait de m'extraire de cette triste réalité pour vivre avec mes personnages s'est envolée. J'ai l'impression d'avoir grandi. D'avoir perdu cet enfant qui me donnait encore d'être heureux. Les aventures d'Hélène semblent avoir été balayées par mes cours, mon personnage Rémi semble s'être fait enlever par la fatigue, mes billets d'humeur censurés par mes pensées douloureuses.
Comme si ce romantique que j'espérais être a laissé place à un immonde homme du monde, inquiet par sa fiche de paye et sa popularité. J'écrivais à un ami mon inquiétude de voir un jour, ces univers qui m'étaient si chers, et si vitaux, disparaître de ma vie : Je crois que ce jour est arrivé.
Cet état pour lequel j'éprouve le plus terrible des regrets ressemble terriblement à la vie d'adulte. Mais je ne veux pas, moi. Ma courte expérience ne me fait que confirmer l'horreur de celle-ci. Ramenez-moi quelques années auparavant. Lorsquequ'il m'était encore possible de m'échapper. Car J'ai aujourd'hui la sensation d'être capturé pour une plus longue durée. Ils m’ont eu et refusent de me dire lorsqu'ils daigneront m'ouvrir la froide grille de ma cellule et s'obstineront à m'empêcher une quelconque évasion. Je suis à eux.
L'oisillon qui cessait son chant vint se poser sur mon épaule. Sa petite taille donnait envie de prendre soin de lui.
"Tu es libre, toi" pensais-je.
Comme pour me donner raison, il prit son envol.
Une larme coula sur ma joue.
Une seconde
Une troisième
Il faut rentrer.
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