Les Battantes

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Sororité

Louise et ses copines « les Georgette » comme elles aiment à se définir, en lien avec le collectif Georgette Sand, s’apprêtent à se retrouver dans leur café habituel, rue du pont. Elles affectionnent ce lieu convivial, où respire la bienveillance et toujours reçues chaleureusement par la propriétaire. Les tables disparates font le charme de cet endroit atypique ainsi que les peintures accrochées aux murs et renouvelées régulièrement. Sur la plus petite paroi un portrait géant de grande qualité dans un cadre en forme de médaillon représente une femme guadeloupéenne, à l’œil malicieux.

Installées dans la salle du fond, autour d'une table en chêne rectangulaire, les quatre amies de ce cercle de sororité peinent à détacher leur regard de ce tableau, un peu comme une complicité avec cette belle femme expressive. Elles attendent tranquillement le cinquième maillon, en retard comme à son habitude. Elle demeure dans un autre département, une autre région, et pourtant seulement à trois cents mètres, en franchissantle Patouillât. Marie, ne se déplace qu’à vélo. Cette grande brune aux cheveux courts qui lui donnent un charme fou à tout simplement crevé. Tout en réparant son pneu, elle se remémore le volte-face imposé à sa solitude parisienne grâce à ce confinement, très salutaire pour sa survie. Après maintes remises en causes, elle s’est mise à réfléchir sur le moyen de quitter la capitale où tout l’oppressait, à cela s'ajoute le harcèlement qu’elle subissait depuis des mois de la part de ses collègues du service des espaces verts d’une entreprise sous-traitante à la mairie de Paris.

Les critiques dans son dos, les moqueries à peine dissimulées, ceux qui briguent son poste, les discriminations sexistes quotidiennes l’amènent au bord du burn out et de la dépression alors que des restrictions sanitaires nationales se mettent en place. Au bout de quelques semaines d’isolement elle va déjà mieux. Mais rien qu’à l’idée de reprendre le travail prochainement, de retrouver cette ambiance néfaste pour elle, lui procure des brûlures d’estomac, des éruptions cutanées ainsi qu’un bégaiement qui exciterait les railleries de ses co-équipiers.

Une lettre reçue de sa tante Odile qui l’avait élevée suite aux décès accidentels de ses deux parents, lui offrit une solution. Et celle-ci i arrivait à point nommé, comme une évidence.

Tantine Dilou, comme elle l’appelait, l’informait que sa vue se brouillait de plus en plus, qu’une intervention à chaque œil devenait urgente, et qu’un retour à une vue optimale prendrait beaucoup de temps.

Comme une évidence, sans plus réfléchir, Marie qui adorait Dilou, petit surnom affectueux et qui sonnait comme maman dans sa bouche, passa deux coups de fils. Le premier pour avoir un rendez-vous avec sa responsable pour une négociation de rupture conventionnelle et le suivant pour informer sa tantine qu’elle venait prendre soin d’elle.

Une dizaine de cartons plus tard, elle quitta son meublé de trente-cinq mètres carré de banlieusarde. Sans attache amoureuse ni enfant pour se retrouver à l’air libre en Berry, en bordure d’une petite ville bourguignonne, peu médiatisée, mais réputée pour ses galeries de peintures.

Peu de temps après son arrivée, elle fit connaissance de ce quatuor de femmes pétillantes. Chacune d'elles l’aident à nourrir sa résilience, à refaire le monde, en toute bienveillance, et toujours pour la bonne cause. Aujourd’hui elle retrouve ses sœurs de cœur pour organiser des actions communes autour de la journée internationales des droits de la femme.

Dès son entrée dans le café, le petit groupe la salue d’une même voix. À cet instant, elle comprend qu’elle est au bon endroit, à sa place, la bonne place.

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