Le seigneur devenu saigneur recevait ce soir trois chefs de territoire. Il allait sans joie ni hospitalité au fond du coeur mais il fallait se forcer, l'argent tintinait déjà sous ses yeux dévorés par la cupidité. Car il aimait l'argent tout autant que lui-même, seul compagnon fiable qui ne manquait jamais.

• Vous êtes tous réunis - dans mon palais - la séance peut commencer. Qu'avez-vous à m'offrir ?
• Des esclaves ! proposa le duc Défalanges.
  

Le seigneur claqua du doigt, il n'avait guère de temps à perdre avec ce plaisantin. Un esclave ne se mesurait qu'à la valeur de sa chaîne et seule la sienne avait la longueur et la fermeté requise. L'affaire était classée et le sort du duc jeté.

• Comment osez-vous ! protesta le conte Belloffrande. Un homme de pure lignée ne peut être évincé d'un claquement de doigt !
  

Le saigneur leva le doigt et le conte se rétracta.

• Bien, puisque vous avez besoin que je définisse mes besoins, attendez que ma phrase touche enfin à sa fin, sauf à vouloir périr.
  

Le silence regna, cela allait sans dire.

• Je requiers de l'or, des joyaux et des pierres.
  
• Des pierres ? s'étonna la contesse Delarotonde.
  
• Des pierres garnies.
  
• Garnies de quoi ?
  
• De quoi faire des pierres, se gaussa-t-il mordant.
  

Les deux convives en restèrent sans voix et repartirent bien vite, contraints à l'obédience. Ne restait qu'un seul bougre attendant la sentence.

• Que faites-vous de moi ? demanda le duc d'une voix troublée, presque attendrissante.
  
• Ah oui, pour vous ce sera la mort. Par crevaison.
  

Il s'éloigna alors sous les cris de supplique qu'adressait en vain un duc sur sa fin.