In my veins

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Elle est là, je la sens comme je sens l'air oppressant entrer dans mes poumons. Elle s'immisce en moi et je ne peux pas échapper à sa morsure.

Comme une statue, je reste pétrifiée sur place. Que se passe-t-il? Plus aucun de mes membres ne daigne répondre. La douleur fulgurante me percute de plein fouet à l'estomac, cette douleur qui me paraît familière, lancinante, qui remonte des pieds à la tête et me fait perdre un instant mes repères.

Comment est-ce possible? Jamais je n'avais ressenti une telle force m'envahir, j'en ai le souffle coupé. Je m'effondre sur le sol brûlant dans un tas de poussière. Tout me semble lourd, je me débarrasse de mon attirail. Je dois continuer d'avancer coûte que coûte, la raison me perdra.

Doucement. Concentre-toi!

La source de ce malaise semble se déplacer et s'éloigner. Respire.

Je peux enfin bouger, mes jambes sont toutes engourdies mais j'arrive à me redresser et à faire quelques pas vers l'entrée du bâtiment d'un siècle passé, comme sorti tout droit du néant, tombant en ruine. Cette zone étant habituellement déserte, est aujourd'hui infestée de monde.

Je rêve.

D'où viennent-ils? Cela fait des mois que je n'ai vu personne, ce brouhaha soudain et incessant me donne mal à la tête. Je ne sais pas comment je suis arrivé jusqu'ici, mais à en voir l'état de mes pieds ensanglantés, cela fait un moment que je marche dans ce désert de terres arides. Je suis assoiffée et à bout de force. Ai-je perdu connaissance? A quel moment ai-je perdu le contrôle?

Malgré les décharges que je perçois à chacun de mes pas me rapprochant de cette chose, je m'avance avec une contenance des plus assurées. Après tout, cela fait un long moment que je n'ai pas vu de monde, autant que je le fasse avec un minimum de prestance! Cela n'a pas l'air d'impressionner les deux clones à l'entrée qui me dévisagent aussi intensément que l'on voudrait voir un moustique mort.

Je n'en mène pas large avec ma carrure frêle, même si élancée, habillée de noir, les cheveux tressés en bataille et toute en sueur. Je leur fais mon plus beau sourire enjoué. Les deux mastodontes ne bronchent pas mais ne s'interposent pas non plus. Dans un autre état, je les aurais mis K.O. de toute façon. A en déduire par leur tête, ils ont dû en voir d'autres.

Je m'avance prudemment, et passe sous un muret, dévoilant une salle sombre où la musique bat son plein. La fumée des cigarettes ayant envahi l'espace, difficile de discerner les silhouettes qui se déhanchent au rythme de la musique. Mon cœur bat la chamade, une douce chaleur envahit mon être et me berce. Je suis enivrée par elle. Elle est le refuge que j'attendais depuis longtemps. Un pansement sur la plaie béante de ma solitude et de mon mal-être. Un regain d'énergie me submerge, je suis galvanisé par cette sensation de plénitude qui se mélange subtilement à la peur abyssale du rejet.

Elle est là, à l'étage, dans la pénombre, une lumière d'une palette d'un bleu des plus nuancé s'avance vers la rambarde. Ce même bleu qui coule dans mes veines et qui me percute au rythme des battements de mon cœur.

Cette chose appelle ce qui a de plus primitif en moi et je ne peux y résister, c'est plus fort que tout ce que j'ai connu. Je déambule à travers les masses informes, toutes plus alcoolisées les unes que les autres, exhibant leurs verres en s'enlaçant et s'émouvant dans des danses érotiques.

Je suis secouée de nausées, j'appelle toute la force qu'il y'a en moi pour la voir. Je m'approche difficilement de l'escalier et entame un long périple pour arriver à l'étage. Personne ne me remarque. Tant mieux à vrai dire, il faut que je puisse m'enfuir rapidement au besoin sans altercations, je suis trop faible pour me battre aujourd'hui.

Plus je me rapproche et plus mes pas sont lourds et ancrés dans le bois abîmé, les marches craquellent sous mon poids. Mon esprit s'embrume quand un chant m'envahit, telle une force attractive mais qui me repousse à la fois et brûle tous mes sens, fait tomber toutes mes barrières une par une. Des larmes coulent et trahissent ma faiblesse. Toutes mes défenses sont rabaissées. L'air manque et tout au fond de moi, je suis persuadée que cet être ressent la même chose que moi avec la même intensité. Il faut que je respire, il faut que je LE respire.

Étrange comme la mémoire nous joue des tours. J'ai déjà senti cette présence, il y'a longtemps, il y'a un siècle. Il y'a une vie.

Maintenant, il me regarde dans les yeux.

Et le monde peut s'écrouler autour de moi.

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