Le temps d'une longue phrase

2 minutes de lecture

Rayonnant dans son art par la duplicité de ses mots, la ruse outrageante de son verbiage, la lourdeur et la cuistrerie d'un talent inutilement orienté vers la pompe ; par sa facilité déconcertante à caractériser aisément l'indicible, à orner ses propos d'une frivolité insolente, à outrer même les éhontés par la profondeur de ses phrases les plus légères ; magistralement incapable de parler avec médiocrité, traitant les sujets les plus sensibles avec une dextérité et une clairvoyance à rendre la vue à un aveugle ; c'est peut-être ainsi que se définirait un écrivain génial ; c'est peut-être le fantasme de toutes les créatures écrivassières de cette terre - et voici pourquoi la question de l'humanité du génie est prégnante, car peut-on naïvement continuer à affubler le "génie" d'un qualificatif aussi pauvre que celui ''d'humain" quand il eut le privilège de charmer une masse cérébrée de lecteurs, de les priver un instant de toute raison, de bâtir autour de leur esprit une montagne de mots obstruant leur déterminisme intellectuel - eh bien non, mesdames, messieurs ! nous n'avons pas affaire à un homme, à un roseau pensant, une espèce d'insensible jongleur de lettres et de syllabes, d'accoucheur psychopathe de poétiques formulations et d'idées, non ! nous faisons face à une espèce nouvelle et dangereuse de sujet ; à un être qui se rend sciemment coupable d'essorillage d'esprits, de manipulation de sentiments, un être suprême qui mérite ou la mort ou l'éternité... mais laissons à l'histoire le droit de trancher !

Bonus (c'est la phrase, 17 lignes !, qui m'a donné l'idée du défi) :

"On me le disait avec tristesse mais avec fermeté : si je ne revenais pas au plus tôt aux saines méthodes d'antan, aux règles d'or de l'époque bénie où blancs et noirs coexistaient dans le respect des hiérarchies naturelles, où les grands travaux s'exécutaient pour la plus grande gloire de la France, le plus grand profit des entrepreneurs et la plus grande douleur de la peau noire, bref où chacun, chaque chose était à sa place, où nul ne concevait l'idée funambulesque d'accorder aux Africains des droits politiques et des garanties de travail, si je ne rétablissais pas l'ordre démagogique de 1946, eh bien, les nationaux, les patriotes, me rejetteraient, me dénonceraient, m'accuseraient d'avoir livré l'Afrique et trahi la France." F. Mitterand, Le coup d'Etat permanent, 1964, Editions Plon, p. 41.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire jules27400 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0