La purificatrice
Au départ, je ne les connaissais pas. Mais une fois découverts, ils ont immédiatement instillé en moi un sentiment de répulsion franc et massif. Ces entités malsaines se retrouvaient partout dans mon monde et se l'était approprié insidieusement. Ils avaient créé leur propre monde, grouillant de vie, par dessus l'univers parfait et uniforme qui les précédaient.
Les étendues plates et désertiques n'étaient pas ostensiblement affectées, mais des traces de passages demeuraient ici et là. C'était à la frontière du désert et des montagnes qu'ils étaient le plus visibles. Là, il y avaient de monstreuses structures, légères et volumineuses à la fois, qui tenaient on ne se sait comment. C'était probablement leurs maisons, ou leurs temples, en tout cas, leurs abominations. Parfois, ils laissaient aussi, sans explication, un artefact probablement précieux car circulaire et formé d'une seule matière. Avaient-ils essayé de me soudoyer avec une telle offrande ? Ils ne pourraient s'approcher en rien de la pureté qu'ils avaient souillée. Leurs objets ne seraient jamais aussi étendus et immaculés que le sol qui les accueillait et qui n'appartenait qu'à moi, l'impératrice des continents.
Même les forêts, dans lesquelles ils pullulaient, relevaient d'une beauté calme qu'ils ne pourraient jamais atteindre avec leurs lianes et ponts ridicules. Prise dans sa globalité, une forêt est uniforme et donc parfaite. Elle ne saurait souffrir des cicatrices que ces envahisseurs s'amusaient à créer. Et les vergers, bien ordonnés comme dans un jardin d'Eden, était défigurés par d'étranges intrusions grosses comme des baobabs.
C'était intolérable et j'allais détruire ce monde car il le méritait.
Je commençais donc par le désert en soufflant et soufflant si fort que même les plus petites formes de vie étaient condamnées. Puis vint le piedmont et ses affreux montages. Je ne fît qu'une seule bouchée des structures fragiles qui n'avaient aucun sens. Les artefacts compacts me donnaient plus de difficulté, mais ils partaient aussi après mes coups répétés. Pourtant je laissais derrière un objet intéressant car massif et brillant d'une pureté inattendue. Ce sera un temple à ma gloire, moi, la purificatrice du monde. Et bien sûr aucun fidèle n'y fera plus d'apparition.
Alors que j'allais aborder l'étendue des forêts, j'apercevais un marais désséché. Ceci déclencha ma colère, ma fureur, ma haine sans limite. Je les poursuivrai tous et j'y mettrai fin. Je m'acharnais sur l'ancien marais en rasant tout ce qu'il y avait ou presque. Il n'y avait plus que des objets gluants incrustés à jamais dans mon monde déformé. Ma rage n'était en rien apaisée et je décidais de m'attaquer au plus dur : la végétation. Une forme de vie scélérate l'avait infesté. Et la difficulté était de l'en décrocher. Ces répugnantes créatures n'avaient aucun respect pour la beauté et la pureté. La preuve ? Elles refusaient de mourir. Elles s'accrochaient aux branches et tout ce qui passait pour ne pas être emportées par ma vengeance rageuse. Maintes fois, je repassais aux mêmes endroits pour être certaine de les avoir éradiqués.
Mais finalement je fut pris d'un doute. A force de terrasser, n'allais-je pas aussi détruire mon propre monde par ma folie destructrice ?
Philosophe, je décidais d'arrêter mon entreprise de purification. Ma victoire était totale, en tout cas incontestée.
Cependant, intérieurement je savais que la guerre reprendrait un jour. Il ne me restait plus qu'à me reposer et faire le plein d'énergie pour que, quand ce jour viendrait, je sois parfaitement prête.
***
- Maman, j'ai fini.
- Oui, j'ai entendu. Ah, tu as oublié de remettre les coussins bien droits. Et tu rangeras l'aspirateur toute seule ? Mais, tiens voilà tes cinq euros.
- Merci
- Tu sais ce que tu veux en faire ? Tu veux une glace tout de suite ou les garder pour plus tard ?
- C'est pour aller avec toi au cinéma, Maman.
- Oh, tu es vraiment la plus adorable de toutes les petites filles.
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