Comme un volcan sous un torrent de neige
Mais mon regard s'efface,
Je suis l'étranger dans la glace,
Ma mémoire s'efface...
L'étranger dans la glace, Thiéfaine
La tempête a craché son épave comme un déchet d'une glaciation souterraine, et désormais s'expose sur la place publique ce que nul n'a jamais vu. Un corps nu dans une prison gelée. Comme tombé des étoiles. Jamais, semble-t-il, il ne quittera sa blanche hermétique. La chaleur extérieure ne le touche pas. Elle glisse sur sa surface, lisse et pâle, où quelques éclats à peine se déposent, un instant. Où à peine quelques gouttes de sueur perlent : elles s'évaporeront bientôt dans l'atmosphère impassible. La foule passe près de la relique mais ne s'y attarde pas. Au dépit des orbites vides qui lancent, pour qui sait voir, des jets lacrymaux qui tachent le sol comme des marques canines au milieu des mégots et des feuilles mortes.
Les passants l'ignorent mais côtoient un volcan endormi, ou plutôt assoupi. Une puissance vive pulse dans les veines de la glace, et le creux dans sa poitrine que cache un fin voile d'épiderme est une gueule ouverte. Ils ignorent que ses bras faibles sont ceux d'Atlas. Dans leur inertie courbaturée, ils embrassent le vide infini de l'espace, vers lequel les tire inlassablement comme un désir d'étoiles. Sur sa peau le soleil a tracé des éruptions cutanées.
Un charme d'opale a fané sous le froid, et le gouffre a creusé la chambre dont les persiennes sont gercées et fendillées, exhalant profondément une fragrance d'effroi. On entend au fond des battements imposer leur lent tempo, dans l'attente d'un futur tremblement. Car un jour surgira de cette carcasse oubliée le geyser que les Muses inspirent comme la lune ses marées. Jamais le temps n'épuise les érections latentes. Toujours l'hémoglobine se presse, toujours elle finit par surmonter l'asphalte.
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