Chapitre 6

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Jeudi arriva trop rapidement pour Ace. Il redoutait le tête-à-tête avec Tyler, craignant ne pas pouvoir le supporter. Il se demandait s'il arriverait à se contrôler devant la nature exubérante et agaçante de Tyler. Ce dernier lui avait dit qu'il lui enverrait par message l'adresse du bar où ils étaient supposés se retrouver. Ace finissait les cours dans une heure et il n'avait toujours rien reçu. Il détestait attendre mais prit sur lui.

Ce ne fut qu'une fois sorti de l'établissement que son téléphona sonna.

De : Tyler

4:07 pm : RDV là-bas dans dix minutes.

S'ensuivit un lien internet qui affichait le plan de la ville et le chemin jusqu'à un bar non loin. Ace soupira ; il était hors de question qu'ils passent l'après-midi à boire des verres. Le téléphone en main, il commença à marcher jusqu'au lieu de rendez-vous. Il n'était pas du genre à arriver en retard car il détestait cela.

Mais Tyler devait l'être, lui.

Assis sur un fauteuil à une table éloignée de celle des autres, Ace regarda pour la troisième fois l'heure sur son téléphone depuis qu'il était arrivé. Il pianota des doigts sur la table en bois pour tromper son agacement. Tyler avait un quart d'heure de retard, qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ? Il était censé avoir eu cours toute la journée et il ne fallait tout de même pas une heure pour rallier le bar ! Ce type avait le don de le mettre en rogne. Il se demandait s'il n'y prenait pas un malin plaisir.

Forcé d'attendre, Ace détailla le bar dans lequel il se trouvait : rien de bien extraordinaire, c'était un bistro de quartier avec une décoration rustique mais accueillante. Des photos de familles inconnues étaient accrochées aux murs et rappelaient celles que l'on trouvait dans chaque foyer. Au fond à gauche, un espace à l'écart offrait une certaine tranquillité à l'abri du bruit de la rue ainsi que du brouhaha des clients.

La petite sonnette retentit, signe qu'une personne venait d'entrer. Ace leva la tête et reconnut aussitôt la voix qui venait de saluer le barman. Tyler regarda autour de lui. Quand il aperçut Ace, un sourire naquit sur ses lèvres. Le jeune homme était habillé d'un pull à col roulé bordeaux, qui faisait ressortir ses cheveux et ses yeux clairs, ainsi que d'un pantalon noir. Le tout était classe et chic, typique de la classe sociale à laquelle il appartenait.

— Tu es en avance ! s'exclama Tyler en prenant place devant Ace.

L'Espagnol arqua un sourcil. Il se foutait vraiment de lui ?

— C'est toi qui es en retard, je te signale.

— Tu savais qu'en France, il est courant d'arriver à un rendez-vous un quart d'heure plus tard que prévu ? On appelle ça « le quart d'heure français ».

Qu'est-ce qu'il en avait à faire des Français ? On était aux Etats-Unis aux dernières nouvelles.

Tyler balaya d'un sourire l'accueil glacial de son camarade.

— Le principal, c'est que nous soyons là.

Évidemment. Ace laissa couler. Il ne fallait pas qu'il s'énerve dès les premières minutes sans quoi, ils n'avanceraient pas.

— Alors, tu aimes ? Demanda Tyler en se retournant pour admirer les lieux. C'est plus sympa que la bibliothèque universitaire !

— Avec le bruit qu'il y a, je ne vois pas comment on pourrait bosser...

C'était la fin de journée, le bar accueillait toutes sortes de personnes qui venaient boire un coup pour se détendre. Deux hommes en habit de travail étaient accoudés au bar et parlaient fort. Il y avait aussi un homme en costume dont l'attitude ne laissait aucun doute aux pensées que lui faisaient naître la jeune femme devant lui. Il y avait aussi quelques étudiants.

— Ce que tu peux être chiant des fois.

Ace écarquilla les yeux.

— Pardon ?

— Tu verras, on va bosser comme des dingues.

Une serveuse arriva, empêchant Ace de répliquer.

— Qu'est-ce que je vous sers mes chéris ?

Tyler sourit devant le nom affectueux de la femme.

— Un mojito pour moi, Maria. Et toi, Ace ?

— Rien, merci.

— Oh, allez ! Ne fais pas ton rabat-joie ! Il fait son rabat-joie, n'est-ce pas ? demanda-t-il à la serveuse, qui opina. C'est moi qui paye la tournée, prends ce que tu veux.

— J'ai dit que je ne voulais rien, rétorqua le brun.

Ace fixa froidement Tyler, qui roula des yeux devant sa mine énervée.

— T'as une tête à aimer la bière alors une bière pour lui, s'il te plaît, tu seras un ange, commanda Tyler.

Ace se mordit la lèvre pour taire la réplique cinglante qui lui venait en tête. Si Tyler voulait faire semblant d'être amis, grand bien lui fasse !

— Tu sais que je ne peux rien refuser à un si joli minois ! s'exclama Maria.

Elle pinça la joue du blondinet qui lui fit les yeux doux. Puis, elle s'éloigna, promettant que leurs boissons arriveraient rapidement.

— Je connais Maria depuis un bon bout de temps, expliqua Tyler. C'est la propriétaire du bar. Avant, j'avais pour habitude de venir prendre un verre après les cours.

— Pourquoi plus maintenant ? ne put s'empêcher de demander Ace.

— Je ne sais pas. Je suppose que je n'en ai plus envie.

Il leva un sourcil perplexe. Pourquoi se retrouvaient-ils ici alors ?

Maria revint quelques minutes plus tard déposer leur commande. Ils sirotèrent leurs verres et se lancèrent enfin au travail. Ils commencèrent par chercher leur sujet. Ils se mirent d'accord sur le fait qu'il devait être d'actualité : ils pourraient ainsi trouver des informations récentes et de manière générale, cela séduirait le jury.

— Que dirais-tu de prendre une grande affaire pénale en cours ? proposa Ace. On pourrait essayer de montrer comment elle pourrait être jugée et...

La sonnerie du téléphone de Tyler lui coupa la parole.

— Désolé, c'est un ami, s'excusa-t-il en prenant l'appel. J'en ai pour une minute.

Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, Tyler se leva et se dirigea vers la sortie de la salle. Sérieusement ? Il venait de le planter pour un appel alors qu'ils venaient tout juste de se mettre à bosser ? Ace se mordit la lèvre. Ok, un appel... Ça pouvait arriver à tout le monde. Ace prit sur lui et attendit patiemment que Tyler revienne.

Une dizaine de minutes plus tard, le blond refit apparition.

— Excuse-moi, Morgan avait oublié que j'étais avec toi.

Il lui fit un sourire et s'assit.

— Je disais donc, reprit Ace, qu'on pourrait parler d'une affaire qui se déroule en ce moment...

Il s'arrêta devant la mimique du blond.

— Quoi ?

— Je ne suis pas convaincu... Le jury pourrait penser qu'on se prétend être capable de juger ou de défendre, alors qu'on est que des étudiants encore.

—Tu proposes quoi, alors ? demanda Ace d'une voix tranchante.

Tyler réfléchit.

— J'avais pensé... On pourrait évoquer un sujet qui touche la société, quelque chose de tabou ou d'encore méconnu... tel que l'adoption homoparental ou encore le droit des femmes. Ou même l'inceste, la pédocriminalité. Oh, je sais !

Ace attendit la suite. Qui ne vint pas ; le téléphone de Tyler sonna une seconde fois.

— Pardon.

— Encore ?

— J'en ai pour une seconde.

— On est censé bosser, rappela Ace.

— Une toute petite seconde, lança Tyler en se levant.

Il lui adressa un sourire désolé avant de s'éloigner. Il le faisait exprès, ce n'était pas possible ! Le projet allait leur demander des mois avant d'être terminé, et il n'avait que peu de temps devant lui. Il ne pouvait pas répondre plus tard ? Lui non plus, n'avait pas envie de s'embêter avec ce stupide mémoire ! Si Tyler n'y mettait pas du sien, ils n'y arriveraient jamais.

Ace contenait tant bien que mal l'impatience qui cédait peu à peu à la colère. Il regarda l'écran de son téléphone. Ça faisait déjà un quart d'heure. Bon sang, mais qu'est-ce qu'il faisait ?

Quand Tyler revint dix minutes plus tard, Ace était sur le point d'exploser. Le sourire que lui adressa le blondinet eut le don de l'énerver encore plus.

— Je suis désolé, c'est entièrement de ma faute : j'avais promis de rappeler un ami et j'ai complètement oublié. J'organise une soirée ce week-end et tout n'est pas encore prévu. J'ai dû appeler quelques personnes pour leur dire qu'elle tenait toujours...

Ace inspira profondément en fermant les yeux pour évacuer son envie de meurtre. Quand il les rouvrit, il assassina du regard son camarade.

— Tu voudrais bien éteindre ton foutu téléphone, s'il te plaît ?

Sa voix détachée ne laissait aucune place à la négociation. Tyler s'exécuta sans rechigner, pour une fois.

— C'était quoi ton idée avant que ton ami ne se rappelle à ton bon vieux souvenir ? reprit-il sur le même ton.

— J'ai oublié, marmonna-t-il, un air gêné sur le visage.

— Pas grave, j'ai eu le temps de réfléchir, moi. Je te propose de parler des agressions sexuelles à l'encontre des femmes, principalement. Ça te va ?

Le visage de Tyler s'illumina.

— C'est parfait comme thème ! Et on pourrait par exemple parler de la notion de consentement, enchaîna-t-il rapidement. Des prétendus violeurs qui ne cessent de dire que la victime était consentante, alors que c'est faux, sinon on ne qualifierait pas ça d'agression.

Ace hocha la tête. Il était d'accord avec lui. Il devait admettre que, pour une fois, Tyler avait eu une bonne idée.

La suite se déroula dans une atmosphère plus détendue, du moins pour Tyler. L'Espagnol était sur des charbons ardents, son binôme semblait prendre un malin plaisir à le taquiner.

Le portable d'Ace vibra, alors qu'ils étaient en train de faire des recherches sur Internet.

— On n'avait pas dit « plus de téléphone » ?

Ace lança un regard noir à un Tyler tout sourire et jubilant. Il le fixa droit dans les yeux tandis qu'il l'éteignait. Le sourire du blond s'élargit.

— J'aime mieux ça.

— Si tu l'avais fait dès le début, on n'aurait pas perdu autant de temps et on n'aurait pas à se supporter plus longtemps.

— Qui t'a dit que je n'aimais pas être avec toi ?

Ace ouvrit la bouche, et la referma d'un claquement sec. Tout dans l'attitude de Tyler montrait qu'il cherchait à le titiller et à l'agacer. Ce qui était chose faite.

— Je t'arrête tout de suite, moins on se voit, mieux je me porte.

Tyler fit une mine boudeuse. Il joua avec son doigt, le faisant glisser sur le rebord de son verre.

— Je n'ai plus qu'à faire tout ce que je peux pour t'obliger à passer du temps avec moi. En faisant exprès de téléphoner par exemple...

Les yeux de Tyler pétillèrent d'une lueur joueuse tandis qu'un sourire en coin naquit sur ses lèvres. Il était penché en avant, le coude sur la table et la tête appuyée sur la main. N'arrivant pas à supporter le regard azur de son compagnon, Ace baissa les yeux sur son ordinateur.

— Travaille et tais-toi, lâcha-t-il.

Son compagnon laissa échapper un petit rire moqueur, qui lui valut un coup d'œil meurtrier.

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