Chapitre 14 (1/2)

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Ace fixait le portail fermé qui le surplombait de toute sa hauteur. Cela faisait dix minutes qu'il avait engagé un duel de regard avec lui, juste assez pour en avoir mal aux jambes à force de rester immobile mais pas suffisamment pour prendre sa décision. Après dix minutes de métro pour traverser le Queens et rallier la côte ouest de Manhattan, Ace avait dû faire une marche forcée à travers le quartier résidentiel. Chaque maison voulait rivaliser de grandeur avec sa voisine, c'était à celle qui témoignerait de la plus grande richesse de ses propriétaires. Quoi qu'il en soit, il était arrivé, s'il se fiait au gps de son téléphone. Il jeta un coup d'oeil entre les interstices du portail et aperçut la maison de Tyler. Le manoir, devrait-il plutôt dire. La propriété était entourée d'un haut mur de briques rouges, et Ace était certain qu'il y avait bon nombre de caméras.

Le jeune homme s'approcha de l'interphone. Maintenant qu'il se trouvait là, il se demandait s'il avait fait le bon choix. Il pouvait encore faire demi-tour, prétextant une fausse excuse que personne ne croirait mais qu'importe, il n'aurait pas à affronter ça.

— No eres un cobarde, chuchota-t-il pour se donner du courage.

Il inspira et appuya sur la touche. La voix de Tyler lui parvint, légèrement déformée par le crépitement.

— Oui ?

— C'est moi... Ace.

— Ace, super ! Je t'ouvre.

Il pouvait entendre la musique derrière. Elle devait être assourdissante lorsqu'on était dans la villa.

Le portail s'ouvrit, et Ace fit quelques pas avant de s'arrêter brusquement.

— Hostia...

Devant lui, s'étendait une vaste pelouse entretenue où serpentait un chemin de pierre jusqu'à l'entrée. Des fleurs de multiples couleurs et autres petits arbustes étaient plantés çà et là. Il y régnait un tel sentiment d'harmonie qu'Ace avait du mal à se croire en plein cœur de la ville.

La bâtisse, quant à elle, était deux à trois fois plus grande que son foyer familial à Hackettstown. Il y avait deux étages et un grand garage adjacent.

Ace avisa la porte d'entrée. Il souffla un bon coup et avança en suivant précautionneusement le chemin. Il ne pouvait pas s'empêcher de jeter des coup d'œil autour de lui ; jamais il n'avait vu une telle démonstration d'argent. Il n'osait imaginer à quoi ressemblait l'intérieur. Il entendait la musique d'ici, et d'après les flashs de lumière qu'il pouvait apercevoir par-dessus le toit, la fête se prolongeait en extérieur.

— « Une soirée chill », mon cul... grogna-t-il entre ses dents.

Lorsqu'il arriva devant la porte, il n'eut pas le temps de frapper ; elle s'ouvrit en grand sur une tête blonde qu'il connaissait bien.

— Je suis trop content que tu ais pu venir ! s'écria Tyler pour couvrir de sa voix la musique assourdissante qui s'échappait par l'entrée.

Il s'avança vers lui, les bras grands ouverts. Ace lui tendit la bouteille. Tyler l'a prit, y jeta un coup d'œil.

— Merci.

Ace hocha la tête. Il détailla Tyler, il portait un pantalon gris clair et une chemise blanche dont les premiers boutons étaient libres, dévoilant le début d'un torse pâle et des clavicules. Certaines mèches de ses cheveux retombaient sur son front. Ses yeux brillaient et ses joues étaient trop rouges. Il avait bu.

— Entre, vas-y.

Il s'écarta pour laisser passer Ace. Dès qu'il mit un pied à l'intérieur, deux choses le frappa : premièrement, il faisait chaud, bien trop chaud malgré le fait qu'il soit en t-shirt. l'atmosphère était pesante, et se posa sur ses épaules telle une chape de plomb. Ensuite, il fut totalement saisi par la grandeur de la pièce à vivre : une foule de gens dansaient, des néons étaient installés et des projecteurs se trouvaient aux quatre coins. Son appartement pouvait quasiment tenir dans cette seule pièce. La décoration était impersonnelle, le sol en marbre et les murs blancs tranchaient avec les meubles foncés.

Tyler s'approcha de lui.

— Suis-moi, on va rejoindre tes amis.

Son souffle chatouilla le cou d'Ace qui frissonna. Le blond passa devant lui. Son parfum traça un sillage derrière lui. Il portait le même que la dernière fois.

Ace se laissa guidé à travers les corps qui dansaient. Tyler se dirigea vers les baies vitrées ouvertes et ils sortirent sur la terrasse. Là aussi, des personnes se trémoussaient. À quelques pas de là, se trouvaient une piscine où des jeunes hommes aventureux, certainement en quête de reconnaissance féminine, s'amuser à plonger, éclaboussant au passage leurs groupies.

— Tu avais dit que ça allait être une soirée chill.

Tyler se retourna en souriant.

— Parce que tu penses sincèrement que je fais les choses à moitié ? Allez, viens !

Il n'eut pas d'autre choix que de le suivre. Les sens de l'Espagnol étaient saturés et il commença à avoir la nausée. Cette soirée se révélait être exactement ce qu'il ne voulait pas.

Tyler, la bouteille de son ami toujours dans ses mains, s'arrêta devant une table où s'entassaient des gobelets en plastique et divers alcools. À côté, un gros fût avait été disposé, dont le contenu était inconnu d'Ace. Tyler en saisit une louche et la versa dans un verre qu'il tendit à Ace.

— C'est quoi ?

— Prends. Ne t'inquiète pas, je ne cherche pas à t'empoisonner.

Il se servit et prit une gorgée. Ace le regarda faire, avant d'aviser le gobelet entre ses doigts d'un regard suspicieux. Il trempa ses lèvres et avala difficilement.

— C'est dégueulasse !

— C'est de l'alcool, ricana Tyler en levant les yeux au ciel. Ce n'est pas fait pour être bon.

Ils rejoignirent un groupe de personnes qui discutait assis sur des fauteuils et des poufs.

— Ace ! Il ne manquait plus que toi pour le fête commence ! s'écria Abby en voyant les deux hommes arriver.

— Je vois que vous avez déjà pris de l'avance.

Il avisa les bouteilles de bières vides et les verres d'alcool autour du groupe.

— Trois fois rien !

La jeune femme se leva pour faire la bise à son ami, accompagnée de Matthew. Ace salua les autres d'un signe de la tête. Il reconnut Morgan, mais n'avait jamais vu le garçon roux.

Abby tapota la place à côté d'elle sur le canapé qu'elle partageait déjà avec Morgan. Ils s'échangèrent un sourire et se comprirent. Il la soupçonna d'avoir méticuleusement préparé la soirée. Elle portait une longue robe noire fendue sur un côté. Elle avait lissé ses cheveux qui laissait parfaitement voir son balayage blond.

— C'est donc toi le fameux Ace !

Il se tourna vers Morgan et surpris un regard entre les deux amis.

— C'est ça. Tu es le partenaire d'Abby pour le projet de Johnson ?

Il hocha la tête en portant sa bière à ses lèvres.

— Si j'ai bien compris que ce Tyler m'a expliqué, votre sujet est la parole de la victime d’agressions sexuelles ?

— Tout à fait, mais je ne te cache pas qu'on galère à trouver des sources.

— Nous aussi, intervint Abby. Il faut dire qu'on est un peu à la ramasse...

Morgan lui adressa un sourire charmeur.

— Et donc, ça fait combien de temps que vous vous connaissez tous les trois ? Changea de sujet Tyler.

— Depuis la rentrée, répondit Matthew.

— C'est tout récent !

— Assez quand même pour avoir compris dans quoi je m'engageais...

— Tu y vas fort, Matt ! s'écria Abby. Dis qu'on est insupportables pendant que tu y es.

— Abby est une vraie tête de mule, souffla Matt en se tournant vers Tyler et Morgan.

— Pas facile à vivre, acquiesça Ace.

Eh oh ça va vous de vous liguer contre moi ! Je vous rappelle que je suis la seule femme du groupe ! Vous devriez être tout mignon avec moi.

Est-ce que tu le mérites ?

Elle fit volte-face et fusilla Morgan du regard.

— Pour te supporter à ne rien faire, je mériterais la palme d'or.

— Pourquoi pas les lauriers de César ?

La remarque fit rire le groupe. Abby se renfrogna dans le canapé et croisa les bras sur sa poitrine.

— Je suis de tout cœur avec toi, Abby. J'ai déjà eu affaire à cet individu (Tyler désigna Ace du menton) alors s'il y en a deux comme lui...

— Sacré garnement, tu as vu ! Mais il est comme une huitre, chuchota-t-elle : il se cache derrière ses airs de caïd et son air maussade mais à l'intérieur, il cache une vraie perle.

— Plus personne ne dit « caïd » Abby, et merci de de la comparaison, grogna Ace.

Ils éclatèrent à nouveau de rire.

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