Chapitre 15

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PDV Tyler


La lumière du soleil éblouit Tyler lorsqu'il ouvrit les yeux. Il grogna, se retourna et enfouit son visage dans l'oreiller quand vilaine migraine lui vrilla le cerveau. Il étouffa un gémissement. Il ferma les yeux, luttant contre la douleur. Sacré gueule de bois.

Il essaya de rassembler les souvenirs épars de la veille : il y avait beaucoup de monde, la musique était forte ; il se souvint qu'il avait beaucoup bu et qu'il avait dansé une bonne partie de la nuit, complètement ivre.

Il souleva la couverture. Aucune idée de comment il s'était retrouvé en caleçon dans son lit. Avait-il réussi à monter tout seul et à se glisser dans les draps ? Il regarda autour de lui, les sourcils froncés. Quelque chose lui échappait, comme si son cerveau refusait de lui fournir les pièces manquantes du puzzle. Il se laissa retomber sur le lit et soupira bruyamment, les poings appuyés sur les yeux. Il n'arrivait pas à réfléchir, il se rappelait juste qu'il était excité par la soirée, qu'il avait hâte que....

— Putain, fait chier !

Son juron résonna dans toute la pièce. Sa mémoire lui revint immédiatement : la discussion sur le balcon juste devant lui, le bien-être qui l'avait enveloppé à ses côtés, grisé par l'alcool, puis sa proximité dans le couloir, ses lèvres sur les siennes, son visage défiguré par la colère...

Il avait embrassé Ace.

Le jeune homme grimaça et se prit la tête entre les mains. Comment avait-il pu faire ça ? La fureur de l'Espagnol lui revint en pleine face, il avait réellement pensé qu'Ace le frapperait, à cet instant. Il avait complètement merdé sur toute la ligne, c'était la pire chose qu'il aurait pu faire.

Et pourtant, il n'arrivait pas à s'en vouloir totalement. Il arrivait à se rappeler le goût de ses lèvres gercées sur les siennes, de la chaleur de son corps près du sien. L'alcool lui avait totalement embrumé l'esprit, il avait mal interprété les signaux, il avait cru que.... En vérité, il ne savait pas ce qu'il avait imaginé.

Soudain, il se redressa. Ace n'avait-il pas répondu à son baiser ? Impossible.

Pourtant, n'avait-il pas posé les mains sur lui ? Était-ce un mauvais tour que son inconscient lui jouait, à fabriquer un faux souvenir pour le conforter ?

Il n'était même pas sûr que tout était de la faute de l'alcool. Ce serait mentir que de dire qu'il n'en avait pas eu envie, qu'il n'en avait pas rêvé. Il n'avait pas pensé aux répercussions, il avait été idiot, débile de croire que cela n'impacterait pas Ace. Il se serait giflé s'il n'avait déjà pas assez mal au crâne.

Tyler était allongé sur son lit, le regard fixé au plafond quand il entendit quelqu'un monter l'escalier. Restait-il des personnes qui avaient dormi ici ? Il n'avait pas le courage de les chasser, encore moins de faire la conversation. Il voulut se lever pour aller vérifier mais on le devança : des coups résonnèrent et la porte s'ouvrit sur une tête bien connue.

— Bien dormi, la Belle au bois dormant ?

Morgan regarda son ami, un sourire narquois aux lèvres.

— Tiens, devança-t-il en lui tendant un verre d'eau dans lequel une aspirine finissait de fondre.

Tyler le gratifia d'un regard remerciant et s'empressa de finir d'une traite la boisson. Il fit une grimace. Il avisa le sac poubelle que le jeune homme tenait dans sa main.

— Tu es resté pour tout ranger ?

— Il fallait bien que quelqu'un s'y colle, je savais que tu n'allais pas pouvoir le faire.

Tyler le regarda ramasser ses affaires sur le sol et les jeter dans le couloir.

— Laisse, je le ferais, lança-t-il en se levant d'un bond.

Il se retint au lit, subissant un assaut de sa migraine.

— Bien sûr, railla Morgan.

— Tu peux me dire ce qu'il s'est passé hier soir ? Je ne me souviens pas de grand-chose après...

— Après qu'Ace soit parti en trombe comme une furie ? Il a dû incendier quelques personnes au passage, il me semble...

— Oui, souffla Tyler d'une petite voix.

— T'es complètement parti en vrille, mon pote. Tu t'es saoulé la gueule à ne plus pouvoir marcher, quand bien même on a essayé de t'arrêter. Tu ne faisais que de t'excuser. Ensuite, tu es parti danser et tu as failli te mettre à poil devant tout le monde, heureusement que Matthew et Damon veillaient. Ah oui, et t'as essayé d'embrasser à peu près tous les mecs de la soirée, moi y compris. Tu m'as même susurré... Attends que je me souvienne... « Putain t'est trop beau, j'aurais dû baiser avec toi depuis longtemps ». Je t'avoue que sur le coup....

— Oh, je suis tellement désolé !

Son ami éclata de rire.

— Ne t'inquiète pas pour ça. Je t'ai déjà excusé auprès de tout le monde.

— Mais je ne voulais vraiment pas, je...

— On parlera de ça plus tard, coupa Morgan. Va prendre une douche, le temps que je finisse de ranger tout ce bazar. Ensuite, tu me raconteras tout.

Il lui lança un regard entendu avant de quitter la chambre, traînant derrière lui son sac poubelle et sifflotant un air de musique passé quelques heures plus tôt.

Morgan siffla pour marquer sa surprise lorsque Tyler eut fini de lui raconter les évènements de la veille.

— T'es conscient que c'est mort, là ? Ace ne voudra plus jamais te parler et vous avez un mémoire à faire ensemble.

— Merci, tu sais vraiment trouver les bons mots pour réconforter tes amis.

Son compère lui servit le bol de chocolat chaud qu'il venait de faire chauffer.

— J'avais trop bu, je ne savais plus ce que je faisais...

— Je comprends. Je t'avoue que je ne sais pas quoi te dire. Tu as fait fort pour le coup, tu es bien loin de toutes les bourdes que j'ai faites.

Le blond soupira.

— Changeons de sujet, supplia Tyler. Bien que j'étais totalement bourré, je ne pense pas avoir rêvé quand je t'ai vu danser avec Abby... Tu as conclu ?

— Tu doutes de mes talents, maintenant ?

Morgan s'assit à l'îlot central de la cuisine.

— On s'est embrassés et putain, ce que c'était incroyable. Je ne saurais pas comment te dire, c'était comme si, comme si... je sais pas. C'était vraiment bien. On s'est mis à l'écart dans le jardin, on s'est allongé dans l'herbe et on fait que de discuter. Je te jure que c'était incroyable, j'arrivais pas à ne pas la regarder, tu vois, et quand elle surprenait mon regard, elle souriait et je souriais aussi comme un con. J'aurais pu passer toute la nuit à l'écouter parler. Ça m'était jamais arrivé. C'est grave docteur ?

Tyler gloussa.

— Je ne pense pas non.

— Tant mieux ! Je pense que c'est la bonne, mec.

Des étoiles dansaient dans ses yeux, Tyler sourit. Il était heureux pour son ami, Abby était la fille parfaite pour lui, travailleuse, téméraire, belle, sociable. Il l'aimait bien.

— Nous voilà dans la merde tous les deux. Enfin, un plus qu'un autre... Tu sais comment t'y prendre pour arranger la situation ?

Son camarade secoua la tête.

— Tu devrais aller lui parler. Ne le laisse pas mariner dans ses pensées, il va s'imaginer mille et une choses. Dis lui que tu ne voulais pas faire ça, que tu as pété un câble, que tu regrettes. Je sais pas, n'importe quoi.

— Pourquoi ne pas dire la vérité ?

— Surtout pas ! La dernière fois ne t'a pas servi de leçon ? Non, crois-moi, c'est une très mauvaise idée. Dis-lui juste que tu regrettes.

— T'as raison, je vais aller lui parler. Mais pour l'instant, on a quelque chose à fêter : le plus beau coureur de jupons de la ville s'est enfin casé ! s'écria Tyler en levant son bol comme s'il portait un toast.

— T'es con, toi, pouffa Morgan.

Il entrechoqua sa tasse et ils rirent aux éclats.


XXX


Ce n'est que lorsque Tyler se vit comme au ralenti appuyer sur la sonnette de l'appartement d'Ace qu'il se rendit compte qu'il était vraiment stupide. Pourquoi avait-il changé d'avis et n'avait-il pas envoyé ce message ? Non, il n'était pas comme les autres, il réglait ses problèmes en discutant. À coup sûr, il se prendrait une droite et il l'aura bien cherché. Il n'avait pas dormi depuis deux jours, ressemblait à un épouvantail et deviendrait bientôt borgne. Super.

Il fut pris d'une violente envie de s'enfuir à toutes jambes mais la malchance s'acharnait sur lui, bourreau et exécuteur de sa peine. La porte s'ouvrit au même moment, il se figea sur place. Au lieu du visage qui hantait ses jours et ses nuits, apparut un homme aux cheveux châtains clairs à la mâchoire carré.

— Bonjour ?

Tyler déglutit. Il avait probablement son âge, mais était plus grand et plus large que lui. Il posait un regard interrogateur sur lui, ne sachant pas s'il devait le faire déguerpir ou lui venir en aide. Le blond recula d'un pas, impressionné.

— Vous cherchez quelque chose ?

Il avait un accent, différent de celui d'Ace, plus râpeux.

— Je pense m'être trompé d'appartement... Excusez-moi, répondit-il, prêt à tourner les talons.

— Attendez ! Tu n'es pas Tyler, par hasard ? Je suis Andreï, le coloc d'Ace.

Tyler esquissa un sourire, les battements de son cœur ralentirent. Il avait complètement oublié qu'Ace vivait avec son meilleur ami. Il comprit ce qu'avait voulu dire l'Espagnol à propos des études de son ami.

— C'est ça... Est-ce que ça serait possible de lui parler ?

Un air désolé passa sur le visage d'Andreï.

— Il n'est pas à l'appart, il est parti s'entraîner. Il a besoin de se défouler en ce moment.

La poitrine de Tyler se serra.

— Oui je...

Les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Le jeune homme semblait sonder son âme et lire en lui comme dans un livre ouvert.

— Tu peux entrer l'attendre si tu veux, il ne devrait plus tarder.

— Non, non, ça ira, s'empressa-t-il de répondre. J'avais une course à faire dans le coin et j'en ai juste profité pour passer. Je lui enverrai un message.

Il était persuadé qu'Andreï n'était pas dupe, pourtant, il eut la bonté de ne rien insister.

— Dans ce cas, je lui dirai que tu es passé.

— Merci.

— C'était un plaisir de faire ta connaissance. À une prochaine fois.

Tyler hocha la tête avant de le salua d'un petit sourire. Il dévala les escaliers, déboucha dehors et prit une profonde inspiration. Il ne s'était jamais senti aussi mal, et ce n'était pas à cause de la présence d'Andreï mais de la culpabilité qui menaçait de le submerger.

Il avait joué au con. Il avait perdu.

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