Chapitre 20
Tyler se réveilla en sursaut, déboussolé. Quelle heure était-il ? Faisait-il jour ? Son cerveau enregistra enfin la sonnerie de son téléphone, il s'en saisit en grognant. Qui pouvait-il bien le déranger un dimanche matin... ?
Il écarquilla les yeux devant le nom qui s'afficha. Putain, son réveil n'avait pas sonné ! Il n'eut pas le temps de décrocher, il avisa les trois appels manqués et plusieurs textos qu'Ace lui avait envoyé.
Merde, merde, merde.
Il bondit de son lit, ses doigts pianotants déjà une réponse rapide. Il descendit quatre à quatre les marches de l'escalier, courut à travers la pièce à vivre pour écraser son doigt sur le bouton d'ouverture du portail. Puis, il se retourna, avisa le bazar qui régnait dans le salon.
— Fait chier !
Il se précipita vers la table basse, empoigna les déchets du repas de la veille, renversa les miettes dans une de ses mains, balança le tout dans la poubelle. Il eut juste le temps de replacer les coussins du canapé qui se trouvaient par terre que la sonnette retentit.
Tyler eut envie de se gifler. Il avait pourtant mis plusieurs réveils pour être certain d'être réveillé à temps. C'est lui qui avait invité Ace à venir, il n'avait même pas été capable d'être prêt alors que le brun avait du se lever bien plus tôt. le soleil l'éblouit un instant quand il ouvrit.
— Salut, je suis vraiment désolé, mon réveil n'a pas sonné...
La silhouette d'Ace se distingua dans la lumière du jour et Tyler sentit ses lèves s'étirer dans un sourire bête. Il était vraiment beau. Ses cheveux bruns formaient un petit épi à l'arrière de sa tête, qui lui donnait un air gamin. Il eut envie de l'arrange mais passa une main dans sa propre tignasse pour essayer de discipliner ses mèches. Ses yeux verts le fixaient, les sourcils légèrement froncés comme s'il quelque chose le contrariaient. Ses lèvres étaient entrouvertes.
— Tyler...
Le blondinet leva un sourcil. Était-il en train de rêver ou bien les joues d'Ace se teintait d'une jolie couleur rosâtre ?
— Tu... tu es en caleçon.
Il ouvrit grand les yeux et se regarda. Putain, il était à moitié à poil.
— Merde, jura-t-il pour la énième fois. Je suis désolé, j'ai pas fait gaffe, je venais de me réveiller, désolé.
Il recula précipitamment.
— Entre, je... je vais m'habiller.
— T'inquiète, ce n'est pas grave.
Il s'arrêta. Ace esquissait un petit sourire. Il vit ses yeux quitter son regard avant de remonter subitement. Il se racla la gorge.
— Tu va attraper froid.
Le cœur de Tyler se réchauffa. Ace était-il en train de s'inquiéter pour lui ? Il se détourna pour cacher ses émotions qui se jouaient sur sur son visage.
— Fais comme chez toi, tu connais la maison. Je reviens.
Il alla au premier étage, ouvrit son armoire et en sortit un jean et un t-shirt propre. Il fit un crochet par la salle de bain pour s’asperger le visage d'eau, glissa ses mains mouillés dans ses cheveux pour leur donner une consistance, sans grand succès.
Tyler retrouva son ami assis sur le canapé, qui l'attendait sagement. Il avait enlevé sa veste qu'il avait soigneusement posée sur le dossier, dévoilant son tatouage sur le bras. Le blond voulut s'approcher pour mieux l'observer mais se retint, il n'avait pas oublié les quelques fois où il était entré dans l'espace personnel du brun.
— Tu veux boire quelque chose ?
L'Espagnol se retourna, il pencha la tête de côté pour réfléchir. Tyler se mordit la lèvre, depuis quand il pouvait être aussi mignon ? Jusqu'à maintenant, il était plutôt regard de travers, et moue fermée.
— Un jus de fruit, s'il te plaît.
Tyler hocha la tête et rejoignit la cuisine. Il en sortit quelques instants avec deux verres plein.
— Tu veux que je te fasse visiter ? proposa-t-il en lui tendant un verre. Tu n'as pas dû prendre tes marques à la soirée et tu ne seras pas dépaysé la prochaine fois que tu viendras.
Il remarqua qu'Ace tiqua. Il acquiesça et le cœur de Tyler reprit sa course dans sa poitrine. Il l'invita à le suivre. Il lui montra les pièces principales avant monter l'escalier en colimaçon. Ils passèrent devant deux chambres ainsi qu'un grand dressing – réservé à ses parents – et une bibliothèque. Il termina enfin par sa propre chambre.
— Elle fait le double de la mienne ! s'écria Ace quand il entra.
— C'est un peu le bazarre, s'excusa Tyler, ne trouvant rien d'autre à dire de mieux.
— T'as pas peur de te perdre dedans ?
Il suivit le doigt qui désignait son lit.
— Je peux faire l'étoile de mer, c'est si confortable, répondit-il en s'y jetant de travers.
Ace laissa échapper un sourire. Il s'avança jusqu'à le fenêtre qu'il ouvrit.
— Ah, c'était donc ta chambre.
Tyler hocha la tête, sans qu'il ne puisse le voir.
— Oui.
Le brun referma la porte-fenêtre et ils retournèrent le salon. Ace s'approcha du coin gauche et posa les doigts sur le piano.
— Je l'avais remarqué tout à l'heure. Tu sais en jouer ?
— Un peu. Il appartient à ma mère, mais le dernier souvenir que j'ai d'elle assise devant remonte à mon enfance. Je n'ai jamais su pourquoi elle avait arrêté.
Ace passa encore quelques instants à le contempler avant de rejoindre le blond sur le canapé. Là, ils se décidèrent à travailler un peu, ils continuèrent leur dossier qu'ils allaient rendre comme support écrit.
Ils se penchèrent également sur la façon dont ils allaient soutenir leur mémoire à l'oral comme Ms. Pierce leur avait demandé. Ils devaient réussir à regrouper tous les moyens possibles de prouver qu'il y avait eu – ou non – consentement lorsque la victime portait plainte pour agression sexuelle. Bien sûr, leur sujet ne se résumait pas à cela. Ils expliquaient également dans leur dossier la différence entre la qualification « d'agresseur » ou de « violeur », les différentes formes violences que la loi punit, les conséquences d'une agression sexuelle sur le plan physique et psychologique ainsi que les sanctions qu’encourrait l'agresseur.
— L'idéal serait de jouer des rôles, lança Ace. Il suffirait que l'un de nous deux joue une victime et l'autre son avocat.
— Tu as raison, mais de ce cas-là, on n'aurait que la version de la victime. Il faudrait aussi celle de l'agresseur, ou au moins pouvoir apporter des preuves contraires.
— Et si on demandait à Ms. Pierce de jouer le rôle de la victime ? On pourrait être tous les deux avocats des parties.
— Je ne sais pas si les professeurs référents ont le droit de jouer un rôle dans notre oral, hésita Tyler. Même si là, elle aura juste à jouer un rôle, quitte à ce qu'elle lise un script, de toute façon c'est nous qui l'écrirons.
— On peut toujours lui demander. Elle nous avait donné son numéro de téléphone. Si tu veux, je m'en charge.
Tyler accepta.
En quelques minutes, Ace envoya le message. La réponse ne se fit pas attendre. Ms. Pierce leur confirma que c'était possible, à condition qu'ils s'occupent de tout.
Ace et Tyler furent soulagés. Ils décidèrent donc que leur professeure jouerait la victime, tandis que Tyler serait son avocat et Ace, l'avocat d'un agresseur fictif. Leur morale leur interdisait d'intégrer le rôle dans leur oral. Ils se mirent d'accord sur la forme, également : ce sera plaidoirie devant une cour d'assises, Ace devra interroger la victime tandis que Tyler se chargera de démontrer qu'elle n'avait pas été consentante.
Une fois qu'ils furent fixés, ils enchaînèrent immédiatement sur les révisions d'Ace. Ni l'un ni l'autre n'était suffisamment à l'aise. C'était la première fois qu'ils se retrouvaient seul depuis leur réconciliation et ils durent bien admettre que leur lien était encore trop ténu pour oser s'ouvrir.
Ils commandèrent à manger lorsque leurs ventres se mirent à protester. Tyler insista pour tout payer en soutenant qu'il l'avait invité pour la journée. Ace finit par céder, non sans avoir essayé de le faire changer d'avis ; il détestait être redevable, même si le blond ne le voyait pas de cet œil là.
Ils bavardèrent poliment, évoquèrent la fac ou leur mémoire jusqu'à ce que la discussion dévie sur le couple que leurs amis formaient.
— Morgan est un vrai tombeur, raconta Tyler, du moins, jusqu'à ce qu'il rencontre Abby. Je ne pensais pas qu'il tomberait aussi raide dingue que ça... Enfin, je veux dire, je ne l'aurais pas laissé continuer s'il n'avait pas des sentiments pour elle.
Il grimaça, mais Ace le rassura d'un petit sourire.
— Il me parle d'elle dès qu'il en a l'occasion.
— C'est pareil pour Abby. Elle aime paraître détachée de tout ça, mais je t'assure qu'elle n'arrive pas à cacher ses émotions. Elle est tout le temps sur son petit nuage, ricana Ace.
— Il faut bien avouer que leur rencontre était inéluctable.
Il vit Ace détourner le regard, prenant une gorgée de son soda pour ne pas répondre.
— On a bien avancé, reprit-il innocemment. On pourrait sortir, t'en penses quoi ?
Il retint sa respiration. Il pourrait passer toute l'après-midi seul avec Ace, mais il ne se voyait pas parler de la pluie et du beau temps toute la journée, d'autant plus que son camarade n'était pas bavard. Un peu de distraction leur ferait du bien et il avait envie de bouger.
— Enfin, si tu veux. On peut rester chez moi, ça me va aussi.
— Je suis partant. Tu veux faire quoi ?
Tyler tenta de camoufler sa surprise par un grand sourire.
— Ok, cool ! Je vais juste prendre une douche et on y va.
Il la prit en un temps record et redescendit du premier étage, essoufflé. Qui aurait pu deviner que prendre une douche dans la précipitation pouvait être aussi fatiguant ?
— Si tu es prêt, on peut partir, lança-t-il à Ace qui rêvassait. J'ai prévenu Georges, il nous attend déjà.
— Georges ?
— Le chauffeur de mon père. Comme il est parti en déplacement, j'en profite un peu.
Il se rendit compte de la frontière que cela créa entre lui et Ace lorsque ce dernier leva un sourcil étonné.
— Je ne pensais pas que tu avais un chauffeur.
Tyler se retint de le corriger.
— Une femme de ménage et un jardinier. J'avais même un nourrice quand j'étais petit et que mes parents s'absentaient trop longtemps.
Ace ne répondit rien. Le blond déglutit et passa devant lui pour sortir. Leurs corps se frôlèrent devant l'entrée que le brun rendait étroit par sa carrure, mais cela suffit pour que ses sens s'éveillèrent. Le souvenir de la soirée surgit dans sa mémoire, le corps chaud d'Ace contre lui, ses doigts qui avait couru sur sa peau et qu'il n'avait pas imaginé, il en était certain, mais surtout ses lèvres qu'il avaient goutées. Il se rappelait encore de leur goût rendu sucré à cause de l'alcool. Son visage devenait dangereusement chaud et il se précipita dehors pour cacher son trouble.
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