Chapitre 30

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La soirée se poursuivit sans nouvel accrochage entre Ace et Cloe. Le jeune homme dansa un peu avec ses amis, et fit même un slow avec Abby. Elle en profita pour essayer de rendre jaloux son copain, sans grand succès ; Morgan n'était pas dupe.

Pendant ce temps, Tyler dansait avec Cloe. Il les vit échanger quelques mots. Son amie semblait contrariée. Parlaient-ils de son comportement de tout à l'heure ?

Quand la musique se termina, Abby retrouva les bras de son amant. Ace regarda autour de lui, fronça les sourcils. Matthew avait disparu. Il s'en assura auprès d'Andreï qui lui confia l'avoir vu se chercher un verre avant de s'éclipser devant la maison.

Il ouvrit la porte d'entrée, le vent froid lui fouetta le visage. Il faisait froid mais la danse et l'alcool l'avait réchauffé. Il s'approcha de son ami, assis sur les marches du perron.

— Qu'est-ce que tu fais ici tout seul ?

Matthew tourna la tête, sourit en apercevant son ami.

— J'avais juste besoin d'air.

Mais Ace vit une lueur étrange dans ses yeux qui le décida à s'asseoir à ses côtés.

— Je vois.

Ils restèrent un instant plongés dans leurs pensées. Ace farfouilla dans sa poche à la recherche de son paquet de cigarettes.

— Je suis vraiment content pour Tyler et toi. Je t'ai vu danser avec lui tout à l'heure.

— Merci, répondit-il en lui donnant un coup d'épaule.

Il expira sa bouffée.

— Tu sais, je suis aussi heureux avec lui que quand je suis avec toi. Même si on ne parle pas beaucoup entre nous.

— C'est vrai, admit son ami. Nous ne sommes pas des personnes qui se confient souvent, tous les deux.

Le brun hocha la tête. Le châtain but une gorgée de son verre.

— On pourrait commencer tout de suite. Je peux te poser une question ?

Matthew lui adressa un regard suspicieux mais sourit.

— Vas-y.

— Pourquoi tu n'as jamais dit à Abby qu'elle te plaisait ?

Le visage de son ami s'assombrit. Il se frotta les yeux derrière ses lunettes et plongea son regard dans l’obscurité, ses doigts trituraient le bord de son gobelet.

— Ça se voit tant que ça ? chuchota-t-il.

— À vrai dire, je ne suis pas sûr qu'elle l'ait remarqué. Tu sais comment elle est, elle vit à mille à l'heure et fonce tête baissée. Mais quand on vous voit de l'extérieur...

Ace se tut pour laisser le temps à son ami de parler s'il en avait envie.

— Parce que nous ne sommes pas faits pour être ensemble. Abby et moi, on est trop différents. Elle est extravertie, toujours souriante et avenante. Moi, je suis réservé et bien trop timide. On est un peu comme le ying et le yang.

— Et c'est ce qui fait leur complémentarité.

— Pourquoi devons-nous être forcément en couple pour être complémentaires ? Je ne suis pas en train de me morfondre sur ma situation, Ace. J'ai fini par comprendre que notre duo fonctionnait bien mieux comme il est maintenant. Oui, elle est belle, intelligente et me fait rire, qui ne la remarquerait pas ? Je ne peux pas nier le fait que je ressente des choses, c'est vrai. Mais je ne veux pas engager notre amitié dans la balance, au risque de la perdre.

— Au point de te sacrifier ?

— Je me sacrifie pas. Je suis vraiment satisfait des choses telles qu'elles sont, je t'assure. Je préfère avoir ce rôle d'ami et de confident car je sais qu'il y a moins de chances que je la perde que si nous étions ensemble.

Ace hocha la tête. Si c'était ce que voulait Matthew, alors il ne pourrait rien y faire.

— Tu sais, je t'ai toujours vu comme le pilier de notre trio, le médiateur entre Abby et moi. Celui sur qui on peut compter et qui sait dire les choses quand on fait de la merde.

Matthew sourit.

— Je sais déjà tout ça, Ace. Tu devrais arrêter de boire, l'alcool te rend sentimental.

L'Espagnol gloussa.

— Tu as raison. C'est à cause de Tyler et de ses soirées, blâma-t-il.

— Au lieu de casser du sucre sur son dos, va le rejoindre. Il doit te chercher.

— Et toi, viens t'amuser, rétorqua-t-il en se levant.

— Pars devant, je vous rejoins.

Il lui lança un regard interrogateur mais Matthew lui fit signe de s'en aller. Ace posa une main sur l'épaule de son ami avant de rentrer. Il avait compris son besoin de solitude.

XXX

Les verres s'enchaînèrent à une vitesse sidérante. Ace ne comptait plus le nombre de fois qu'il avait fini son gobelet ; tout ce qu'il savait, c'est que les murs bougeaient autour de lui. Mais il n'avait pas encore atteint sa limite, il nageait dans une douce béatitude, les pensées aussi fumeuses que son corps.

Il dansait avec Andreï et Abby, fit rire aux éclats la jeune femme lorsqu'il tenta de faire bouger son bassin.

Soudain, un visage d'ange surgit dans son champ de vision. Tout sourire, il se glissa dans le cercle. Sans qu'il ne comprenne bien, il se retrouva seul avec lui. Il ne s'attarda pas sur ce détail, bien trop occupé à contempler son ami, illuminé par les spots de couleur.

Le blond se pencha à son oreille :

— Suis-moi, souffla-t-il.

Et sa voix se fit écho dans tout son corps. Tyler lui prit la main entre ses doigts fins et ils franchirent la foule. Ace ne cessait de regarder sa main emprisonnée dans celle du blond. Elle était si chaude, si douce. Ils s'enfuirent dans le couloir, le blondinet ouvrit une porte et la referma quand ils entrèrent.

Le temps se suspendit quand leurs regards se croisèrent. Le cœur d'Ace s'affola dans sa poitrine à mesure qu'il se perdait dans les deux miroirs d'eau de son ami.

— Qu'est-ce qu'il y a ? parvint-il à demander.

— J'ai une putain d'envie de t'embrasser depuis que t'es arrivé.

Ace frémit d'impatience. Il poussa Tyler contre la porte et l'embrassa à pleine bouche. L'afflux de sensations explosa sous l'effet de l'alcool. Leur baiser se fit frénétique, Tyler gémit quand Ace força le barrage de ses lèvres, ses mains s'agrippèrent à ses hanches qu'il attira contre lui.

Il finit par s'écarter à la recherche d'air. Son rire résonna aux oreilles d'Ace.

— Désolé, on avait dit qu'on prendrait notre temps.

Il sentit son visage s'échauffer.

— À propos de ça... commença-t-il.

Il s'éloigna de Tyler en se frottant le cou.

— J'ai peut-être parlé de nous à Abby et à Matthew....

— De nous ?

Ace leva la tête. Un immense sourire barrait le visage de son ami. Il sentit ses joues chauffer.

— Tu m'as compris, souffla-t-il.

Le blond gloussa.

— Je croyais que tu voulais y aller doucement.

— Oui ! Mais tu connais Abby une fois qu'elle a trouvé un os, elle ne le lâche plus. Je n'aurais pas pu le lui cacher.

Tyler acquiesça bien volontiers.

— Qui d'autre est au courant ?

— Andreï.

— Quoi ? Tu veux dire que quand je l'ai salué tout à l'heure, il savait déjà ?

Ace lui adressa un regard d'excuse.

— Comment tu as pu lui en parler sans me le dire ? Bon dieu, j'aurais fait plus attention si j'avais su.

— Ça, va, ce n'est pas mon père non plus.

Tyler plissa les yeux.

— Parce que tu veux déjà me présenter à ton père ?

L'Espagnol poussa râla d'exaspération.

— Boucle-la.

Il glissa une main dans sa nuque pour l'attirer contre lui et l'embrassa à pleine bouche.

Leurs mains se firent baladeuses, celles d'Ace glissèrent sous la chemise de son ami à la recherche de sa peau. Elle était brûlante, trahissant son envie et son excitation naissance, avivant la sienne comme un brasier. Le brun déposa un baiser sur sa mâchoire, puis un second juste en dessous de l'oreille. Le souffle de Tyler s'échoua sur sa joue.

— Et si on se calmait un peu ?

Ace s'écarta aussitôt. Il se mordilla la lèvre, soudain embarrassé.

— Désolé, je... on est bourrés.

— J'adore quand tu es bourré, répondit-il malicieusement. Mais je ne pensais pas que tu serais si... entreprenant.

Il passa son pouce sur la joue de son ami qui baissa les yeux.

— Moi aussi. C'est bien la preuve que tu me fais perdre la tête.

Il voulut se taire mais c'était trop tard. Bon sang, pourquoi était-il aussi plein qu'une amphore à vin ?

— Ah sí, ¿ te estoy volviendo loco ?

Il roula des yeux devant la tentative de son ami d'imiter son accent. Je te rends fou ?

— Sí, cabrón.

Tyler sourit et le regarda de haut.

— Je le savais.

Sa réplique mourut contre les lèvres du blond. Tyler ouvrit la porte d'un coup et s'échappa, le laissant pantois.

Ace se sentait de plus en plus fatigué. Les amis décidèrent qu'il était temps de partir, mais Abby resta encore un peu, pour profiter de Morgan. Les deux emprunteraient probablement une chambre pour y passer le reste de la nuit, trop amochés pour repartir.

Tyler les raccompagna jusqu'à la voiture.

— Tu ne veux pas rester dormir ? proposa-t-il. J'ai encore quelques chambres d'amis de libre pour toi.

Ses yeux trahirent son envie. Ace lui fit une moue désolée.

— Je ne peux pas, je travaille demain... enfin ce soir. Il faut que je me repose.

En vérité, il ne se sentait pas encore capable de sauter ce pas. Tyler dut le comprendre, car un sourire vint vite remplacer la déception sur son visage.

— C'était très cool, je me suis vraiment amusé, souffla le brun. Au fait, j'aime beaucoup tes yeux et...

Un geste accompagna ses paroles.

— Merci, c'est gentil.

Derrière eux, des portières claquèrent.

— Bon eh bien, salut.

— Salut. On se revoit bientôt.

Ace hocha vivement la tête. Il s'éloigna avant de regarder subitement autour de lui. S'assurant que les ombres les cachaient suffisamment, il remonta les marches et l'embrassa rapidement.

— Ne t'imagine pas que j'y prends plaisir. Je reprends juste ce que tu m'as volé.

— Bien sûr, évidemment !

Tyler mima le dégoût mais il n'arrivait pas à cacher son immense sourire. L'Espagnol gloussa avant de rejoindre Andreï.

Ils roulaient depuis plusieurs minutes dans un silence reposant, quand Ace se tourna vers son ami.

— Vas-y crache le morceau.

Andreï se tut, se contentant de sourire.

— ¡ Habla, conõ !

— C'est pour quand le mariage ?

Ace s'enfonça dans son siège.

— Ce que tu peux être con.

— Ça se voyait à mille à la ronde que vous mourriez d'envie de vous embrasser. Abby avait parié que ça se ferait aux alentours de minuit. Moi, j'avais dit plus tard.

L'Espagnol grinça des dents.

— Vous avez parié ?

— Merci, j'ai gagné dix dollars.

— ¡ Gillipollas !

Andreï rit franchement.

— Tyler est vraiment un spécimen, reprit-il quand il se fut calmé. Il m'a l'air d'un gars qui s'est ce qu'il veut et qui l'obtient toujours.

Il jeta un regard en coin à son ami.

— Vous avez parlé ?

— Rapidement, de choses sans conséquences. Je l'aime bien.

— Comme si ça m'importait.

— J'espère bien que ça t'importe ! Je suis ton meilleur ami, tout de même, tu devrais toujours écouter mon avis.

Ace fit une mimique dubitative, ils éclatèrent de rire. Il était rassuré. Cette soirée s'était merveilleusement bien passée, ses amis étaient de tout cœur avec lui et il avait pu montrer à Tyler qu'il ferait des efforts.

Il plongea son regard dans le paysage qui défilait. Il y avait encore du chemin à faire, et quand bien même, il appréciait les moments avec Tyler, il n'était pas encore certain qu'il serait capable d'affronter le reste. S'il le décevait une nouvelle fois ? S'il s'était trompé sur ses sentiments ?

Il chassa ces pensées, la fatigue et l'alcool commençaient à lui peser un peu trop. Il savait que ce qu'il ressentait était réel. Ils iraient à leur rythme et verraient au moment venu, voilà tout.

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