Le 4 novembre

Ça y est, c'est la fin des vacances de la Toussaint. J'ai passé de supers moments avec mes nouvelles amies. On est allé presque tous les jours à la patinoire. C'était génial de courir sur la glace avec la musique. Ça ressemblait à une danse, et puis les filles ont été très gentilles avec moi. Mais presque chaque jour, il y avait ce garçon qui nous observait… ou plutôt qui m'observait moi, j'en suis persuadée. Il griffonnait continuellement sur un carnet, et je ne sais pas s’il dessinait ou s’il prenait des notes. Mais je m'en fais peut-être trop. Un amoureux transi probablement. En tout cas il n'est pas mon genre !

Le 7 novembre

C'est vrai que je m'amuse beaucoup avec les filles. J'ai réussi à introduire ma demi-sœur. Elle m’en sera, je cite, « éternellement reconnaissante ». Tout à l'air de s'arranger pour moi. Mais je ressens comme un vide. Je t'avais dit que je voulais faire une pause, mais sauver des gens me rend pleinement vivante, plus encore que les sorties entre copines.

Le 10 novembre

Le garçon dont je t'ai parlé, celui qui ne cessait de me suivre, m'a abordé aujourd'hui à la fin des cours. C'est Charles, le journaliste du bahut, et il a enquêté sur moi. Il est même remonté jusqu'à cet été à Gourdon, et il affirme que tout ce que j'ai fait depuis que je communique avec toi, ne peut pas être le fruit du hasard. J'ai dit que c'étaient des coïncidences mais il n'y croit pas un seul instant.
Je lui ai demandé de me laisser tranquille. Mais il a répondu qu'il continuerait son investigation, et qu’il trouverait le fin mot de l'histoire. J'ai un peu peur mais j'ai toujours envie de sauver des gens. Il faudra être vraiment discrète.
Je suis une sorte de super-héroïne avec une double vie. lol !

Le 11 novembre

Alors, est-ce que tu aurais une mission pour moi ? Malgré la menace que représente Charles, je veux continuer à aider les gens.

Chère Cassie,

Effectivement, j'en ai une pour toi aujourd'hui avec le lycée. Vous allez participer à la commémoration du 11 novembre. Il n'y a déjà plus de poilus encore vivants à ton époque, ils sont représentés par leurs descendants, et l'un d'entre eux va faire un malaise lors de la cérémonie.
Tu sais depuis la noyade de cet été que plus il y a le monde plus le temps de latence est important. Et là, il faudra agir vite : cet homme va faire un malaise cardiaque, et tu connais les premiers gestes pour secourir quelqu'un dans ce cas-là.

Il va falloir que j'embrasse un vieillard, enfin, que je lui fasse du bouche-à-bouche donc ?

Oui il va falloir que tu prennes sur toi si tu veux sauver des gens. Il faut que tu sois prête à tout. Où est passée la super héroïne ?

Mais je sais que tu t'en sortiras, que tu peux lui sauver la vie.

Le 12 novembre

Effectivement, j'ai réussi à le sauver, et je n'ai eu aucun problème de pudeur. J'étais aux aguets, et dès qu'il est tombé, je me suis précipitée sur lui. Je ne pensais qu'à une chose : il va mourir si je ne fais rien. Tout le monde a été surpris par ma rapidité de réaction. Ils m'ont félicitée immédiatement, et plus encore quand ils ont appris, quelques heures plus tard, que leur ami était tiré d'affaire.
Une fois de plus, j'étais très fière. J'éprouvais ce sentiment indescriptible que je ressens toujours lorsque je sauve quelqu’un. Mais Charles était là. Il a pris de nombreuses photos. Je me demande même s’il ne m'a pas filmée avec son smartphone.

Il est venu me voir après le départ des pompiers, et il m'a lancé un ironique :

-Encore une coïncidence c'est ça ?

Je lui ai répondu du tac au tac :

- Une coïncidence exactement. On était tous là, c'est juste que j'ai réagi plus vite que les autres.

Il m'a lancée un regard noir puis il s'en est allé.

Le 16 novembre

Charles devient de plus en plus collant. Qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour son article ! Je le soupçonne même de m’épier quand je suis dans ma chambre. C'est peut-être de la parano mais je le sens capable de tout.

Si tu pouvais me donner une nouvelle mission ça me changerait les idées...

Je vais tenter de trouver ça ma chérie. Donne-moi juste un peu de temps.

Le 20 novembre

Chère Cassie,

Il faudrait que tu te rendes à la station de métro Châtelet avant 22h. Cette nuit tu y trouveras un SDF qui va mourir lui aussi d'hypothermie si tu ne fais rien. Mais pas seulement. Quand tu le trouveras, il sera également affaibli par la malnutrition. Il n'a rien mangé depuis deux jours.
C'est dégueulasse la manière dont on traite les SDF ! Tu savais qu’à ton époque déjà, les bancs de métro de Paris étaient inclinés de sorte qu’on puisse s’y asseoir, mais qu’on ne puisse pas s’y allonger. De nos jours, la situation des SDF est encore pire. Donc quand tu le trouveras, il sera par terre, sur le carrelage glacé, en carence nutritionnelle et à moitié mort de froid.

Ne t'inquiète pas Cassandra je ferai ce qui doit être fait. Je prendrai des compotes et des boissons énergisantes ainsi que de quoi le réchauffer.

Le 22 novembre

Chère Cassie,

Je sais que tu as sauvé ce pauvre homme étant donné que j’en ai le souvenir, mais je m'étonne que tu ne m’en aies pas parlé, ni hier, ni aujourd'hui. Bon j'attends de tes nouvelles…

Le 27 novembre

Bonjour Cassandra, puisque je dois vous appeler ainsi, c'est Charles. J'ai bien lu votre correspondance. Je savais que tout cela ne pouvait être dû au hasard. Il va falloir que vous me donniez des réponses, j'ai de nombreuses questions à vous poser.

Bonjour Charles,

Je répondrai en temps voulu à tes questions. Mais promets-moi qu'après, tu rendras ce journal à mon moi plus jeune.

On verra ça. Pour l'instant je ne sais pas trop que penser de ce journal magique. Je vais réfléchir à tout ce que cela comporte d'opportunités, et je reviendrai vers vous…