Chapitre 13
Sandie
Il est trois heures trente du matin, la soirée bat son plein, le mercredi tout le monde est de sortie j'ai l'impression, enfin je devrais dire le jeudi au vu de l'heure. Qu'en sera t'il du samedi si c'est comme cela en semaine ! J'enchaîne les commandes et les pourboires. Lisbeth n'est pas en reste non plus, ils sont tous chauds ce soir.
J'arrive à la table d'une bande de jeunes « bobos », avec leurs blagues à deux balles, qu'ils me sortent à chaque fois que je leur emmène une nouvelle tournée. Mais je peux les supporter si c'est pour vendre plus d'alcool.
— Eh poupée ! me dit l'un d'entre eux.
Grr ! Je vais me le faire celui-là, mais pas dans le sens où il voudrait mais plutôt dans le sens « tu vas sucer des glaçons durant les prochains jours ».
— Oui ! réponds-je avec un faux sourire, moi c'est Lucía au cas où tu l'aurais oublié. La poupée c'est celle avec laquelle tu joues, quand t'as pas réussi à lever une nana avec tes surnoms à la noix, continué-je.
Je n’ai pas pu m'en empêcher et je pointe du doigt sa braguette. Ses potes sont morts de rire et ronds comme des manches de pelle en plus. Mais loin de se démonter, le gars reprend.
— Tu sais quel est le point commun entre un gynécologue myope et un chien en bonne santé ?
— J'sais pas, il essaie d'attraper sa queue avec les dents ?
Il se marre.
— Non poupée, ils ont tous les deux le nez mouillé !
Il explose de rire avec ses potes. Hilarant j'vous l'dis ! La meilleure table de la soirée, des petits puceaux qui ne savent pas quoi faire du fric que leur distribue leurs parents pour avoir la paix.
Un de ses potes reprend.
— Attends Madame, attends ! me dit-il alors que j'allais partir.
On aura tout entendu, maintenant c'est madame, il a peur que je l'humilie ou quoi, il en aurait une petite aussi ?
— Bon les mecs, ce n’est pas que je m'ennuie mais je n'ai pas que vous à servir, alors vas-y abrège beau gosse.
Qu'ai-je pas dit, il ne se sent plus pisser le gringalet.
— Ok, Ok ! La mienne est mieux ! rit-il. Pour un chasseur, quelle est la différence entre son chien et sa femme ?
— Elle est moins poilue ? dis-je à bout de patience et en levant les yeux au ciel.
Ils se marrent comme des baleines, enfin... une baleine ça se marre ? passons. Le gosse reprend en étant toujours mort de rire.
— Mais non ! rit-il, la différence c'est le prix du collier ! Tu vois le collier, tient-il à préciser.
Je lève une nouvelle fois les yeux au ciel et je vais pour partir quand un des jeunes me chope par le poignet. Vieux réflexe quand tu nous tiens... je me dégage d'un geste brusque qui lui fait lâcher prise et enchaîne rapidement, en lui attrapant l'avant-bras et je lui retourne dans le dos, le plaquant contre la table.
— J'suis gentille mais faut pas non plus abuser de ma patience ! lui dis-je dans l'oreille.
— C'est bon la marmaille, dit une voix grave et profonde dans mon dos.
Ma petite culotte s'enflamme direct...oups...
— Mademoiselle n'a pas qu'ça à faire que d'écouter vos blagues pourries. Je pense que vous avez votre compte pour la soirée, remballez votre humour de jeunes coqs, vos portefeuilles et sortez avant que Mademoiselle ne vous casse quelque chose. Je sens qu'elle a atteint ses limites et je ne voudrais pas avoir à vous payer des soins hospitaliers.
Je relâche le minot.
— Mais Monsieur, dit l'un d'entre eux.
— J'ai dit DEHORS ! dit-il le regard plissé et le visage fermé. Je ne le répéterai pas, vous avez une minute pour vous barrer... cinquante-neuf secondes... cinquante-huit secondes...
— Ok, ok ! On se casse mec mais ce n’est pas cool, dit un jeune avec une voix des plus alcoolisées.
Ghost fait un pas en avant pour les faire partir plus vite mais je pose ma main sur son torse pour l'arrêter. Waouh, c'est du béton là dessous, j'hallucine !
— C'est bon, je crois qu'ils ont bien compris le message Papa ! dis-je.
Ce qui me vaut un regard noir mais accompagné d'un léger rictus gauche. Les jeunes ne demandent pas leur reste et filent pendant que je leur tourne le dos.
— Papa ? Sérieux ?
— Euh ouais... C'est la première chose qui m'est venue, désolée, dis-je dans une grimace.
— Papa... on m'a appelé de plusieurs sobriquets mais celui-là on ne me l'avait jamais fait, me dit-il.
— Oups...
— C'est bon circule, je ne vais pas te punir pour cette fois-ci !
— Quoi ? dis-je bouche bée
— Te donner la fessée, si tu préfères et ferme ta bouche, tu refais le poisson.
— Non mais ce n’est pas possible d'être aussi imbu de sa personne. Ça va, vos chevilles ne gonflent pas trop, vous pouvez encore marcher.
—En ce moment ce n'est pas mes chevilles qui gonflent si tu vois ce que je veux dire. Tout ce qui sort de ta bouche à tendance à réduire la place dans mon jeans.
— Ho !
— Ouais, une forme qui pourrait me convenir, me dit-il en désignant ma bouche restée en forme de O
— Mais vous êtes vraiment ...
— ...qu'un abruti ? Oui je sais, tu l'as déjà dit, me répond t'il avec un sourire et un clin d'œil.
Il commence à me tourner le dos et à partir en me laissant comme une gourde statique, avant de revenir sur ses pas.
— Au fait, tu peux prendre la chambre au-dessus du club, il y en a une qui s'est libérée donc ce sera moins loin que ton hôtel, d'après ce que m'a dit Anton.
— Oh euh... c'est bon j'ai trouvé un appartement juste à côté, j’emménage samedi prochain, lui dis-je
—Et bien parfait. Tu peux dormir ici jusqu'à ce que tu aies ton logement. C'est gratos, je précise !
— Gratos ? Ah ?... euh... ben... euh...
— Oui ? dit-il avec un sourire en coin, dévoilant ainsi ses deux petites fossettes qui me filent des papillons dans le ventre, tu es intéressée ou pas ?
— Oui... oui bien sûr, je ramènerai mes affaires ce soir avant la reprise de mon service… C'est sympa, merci.
— Merci qui ? dit-il
— Papa ? réponds-je avec un grand sourire.
— NON ! PATRON !
Il tourne les talons et part dans un grand rire en secouant la tête de droite à gauche. J'adore ce son. Je reste plantée là, à le regarder partir, jusqu’à ce qu'un client m'interpelle pour me passer commande. Ok, super, je vais avoir moins de route, moins de frais et donc plus d'argent pour aménager mon appart. Yes !
Le bar va fermer, je me dirige vers les dernier client, qui prend le bar pour un oreiller.
— Monsieur ? Monsieur ?
L’homme relève la tête et me regarde. Je vois qu’un large sourire prend forme sur son visage. Un large sourire édenté malheureusement.
— Je vous inviterai à sortir après votre consommation.
Le type à moitié dans le coaltar me répond
— C’est gentil, j’accepte avec plaisir, vous êtes tout à fait mon genre en plus.
Manquait plus que ça, il se prend pour Brad Pitt.
— Vous m’avez mal compris, le bar ferme ses portes.
Je crois que je viens de le choquer, son visage reste figé dans une semi grimace sourire.
— Je vous laisse régler vos dernières consommations à Sergio.
Je file nettoyer les dernières tables tout en gardant un œil sur le mec, on ne sait jamais, quand l’amour propre d’un type est touché, on ne sait jamais d’avance, la réaction qu’il peut avoir. Ma foi, je vois qu’il retire un billet de son jeans, puis qu’il le balance sur le comptoir. Il fait un signe de salutation à Sergio et quitte le club sans un regard vers moi. Ouf, un problème d’évité.
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