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Milla accompagna IRIS et regardait son couteau avec appréhension. Dessus, elle remarqua des symboles qui lui étaient inconnus. Pour le plus gros d’entre eux, il s’agissait d’un cercle coupé d’un trident. L'urgence de la situation empêcha la guerrière de demande au robot où elle avait obtenu cela.
Elles venaient de traverser une bonne partie du vaisseau, et IRIS tenait le pistolet droit devant elle.
— Est-il encore loin ? demanda Milla.
— L'ordinateur de surveillance m'indique que c'est le cas cependant il ne parvient pas à me donner sa position exacte.
— C'est quoi se délire ?
— Les programmes mêmes de notre vaisseau semblent partiellement corrompus. Il doit être la source de tout ça.
— Et à quoi ressemblait-il ? Tu as bien dit que tu l’avais vu ?
— Oui, mais je ne saurais le décrire précisément. Il ressemble en tout point à un humain, mais un détail m’a paru étrange. Je ne parviens pas à savoir lequel, bien que mon œil ne devrait pas être sujet à des hallucinations.
Soudain, au détour d’un croisement, une forme sombre se déplaça devant elles. Milla avait pourtant une très bonne vue, mais la forme en mouvement lui semblait floue. Elle parvint cependant à déterminer qu’il s’agissait là d’un humanoïde et qu’il avançait vers elle d’un pas calme. Le reste de l’environnement était net, seule la chose n’était pas clairement visible. Alors Milla s’arrêta, intriguée, et IRIS fit de même.
Il s’approchait, ainsi aurait-il dû paraître moins flou. Mais il n’en était rien. L’éclairage du vaisseau ne semblait pas l’impacter et il ne possédait aucune ombre. Il avançait d’un mouvement saccadé, comme si Milla n’était plus capable de voir qu’une quinzaine d’images pas secondes. Il était d’une couleur ébène, hormis ses membres qui étaient plus grisâtres. À part cela, aucun détail perceptible. Pas de main, pas de visage…
Tout à coup, il poussa un sprint, laissant une trainée d’écho de lui-même derrière-lui à intervalles réguliers. L’opacité de chaque reflet diminuait à mesure qu'il s'éloignait d'eux. Un sourire effrayant, immense et blanc couvrait maintenant la moitié de son visage. Le danger approchait.
— Tire IRIS, tue-le, vite !!
IRIS visait bien sur lui, mais il esquivait les balles d’une manière incompréhensible. Comme un bug vivant, des particules volaient autour de lui et il se téléportait de quelques mètres sur le côté pour ne pas se faire toucher. IRIS se positionna en mode rafale et envoya ses balles dans des directions aléatoires afin de surprendre sa cible. Mais rien ne semblait l’atteindre et le bruit des balles percutant les murs revenait persécuter les oreilles de Milla, qui eut un réflexe de recul face à cette anomalie.
Le monstre se projeta en l’air et, de son bras, frappa dans le vide. Au bout de son membre, une main se forma. Un éclair bleu clair jaillit de son poing, et ankylosa IRIS en la touchant. L’arme qu’elle tenait fut projetée en arrière.
La singularité se situait maintenant devant la carcasse du robot. Elle passa au travers comme si elle n’existait pas, toujours avec ce sourire surdimensionné et inquiétant qui était la seule chose présente sur la totalité de son visage noir.
Milla marchait à reculons et son adversaire ralentit à son tour. Il se déplaçait à peine plus vite qu’elle et s’amusait à la mettre sous pression. Il penchait la tête de côté et fixait Milla de son rictus improbable et blafard dont la blancheur contrastait avec le reste de son corps. Alors un tentacule sortit de son flanc gauche. Il grossit de plus en plus, très rapidement, jusqu’à se séparer du reste du corps et à atteindre la même taille que son destinataire. Un second individu en naquit, strictement identique au premier, le même sourire abject qui compensait largement l’inexistence de ses yeux.
Milla était pétrifiée et n’osait se retourner pour courir. Un espoir surgit quand elle sentit le pistolet à plomb cogner son talon. Alors elle prit une décision pour sortir de ce cauchemar. Elle lança son couteau vers la tête du monstre noirâtre originel pour, dans le même temps, se retourner et s'abaisser. Cela lui permit de se saisir du revolver. Trop tard, car à peine cela fait, le corps encore accroupi, elle sentit une main se poser sur son dos. Elle imaginait le large sourire immobile de la difformité s’accroître, occupant plus d’espace que sa tête ne le permettait. Cette simple pensée la dégoûta et l’effraya à un tel point qu’elle se jeta sauvagement et sans pouvoir se contrôler sur la monstruosité.
Contre toute attente, elle le plaqua au sol, et prit le dessus sur lui. Son rictus avait disparu. Milla était désespérée, dans l’incompréhension la plus totale. Alors elle lui parla, lui posa des questions d’une voix crispée. Aucune réponse. Sans trop comprendre pourquoi, elle le frappa au visage de toutes ses forces. Par une quelconque magie, elle fut repoussée en arrière, sa nuque fut claquée contre le sol, mais n’eut pas le temps de sentir la douleur. L’adrénaline la poussa à se jeter une seconde fois sur lui. Il ne bougeait plus et restait au sol. Un champ de force se dressa devant la jeune femme pour la repousser de plus belle. Mais elle n’allait pas céder pour si peu et brisa le mur invisible d’un coup d’épaule avant de retomber sur le thorax de l'anomalie. Elle sortit les griffes pour lui flageller le visage, avant qu’une rage inexpliquée ne l'invite à le mordre directement. Le pétrole noir qui constituait l'homme fondait et se dispersait de tous côtés, laissant place à un visage qu’elle connaissait bien. Alors elle s’arrêta pour le regarder dans ses yeux nouvellement apparus. Elle relâcha ses forces et bégaya :
— N… Niels ?
Ce mot à peine prononcé, une vive douleur se manifesta sur son flanc et elle fut projetée au loin. Dans son vol, elle comprit que son couteau n’avait pas touché la première illusion et que celle-ci venait de lui asséner un violent coup pour aider son clone. Elle volait encore à travers l'interminable couloir. La substance noire qui s’était disséminée rejoignit la tête et recouvrit entièrement le visage de Niels. Milla planait toujours et était à plus d’une centaine de mètres d’eux. Le change-forme commença à se relever avec l'aide du second. Puis au même instant, le large sourire réapparut sur leurs crânes effroyables. La propulsion de Milla prit enfin un terme quand son crâne cogna une paroi évanouie.
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