Exercice 1
de
Nico22
Un cri déchira la nuit totale. Jean se redressa en sueur, lui qui ne perdait jamais une goutte d'eau, même à la salle de sport. Il dormait seul cette nuit. Une impression d'écrasement lui broyait les tripes. Les images sanglantes l'obsédaient encore, même éveillé. Il pivota pour faire tomber ses jambes contre le bord du lit à la recherche du sol froid. Le verre d'eau posé sur la table de chevet la veille lui donnait l'impression d'une oasis au milieu de son désert de chaleur et de solitude. Il but d'un trait. Dans son geste brusque il fit couler deux lignes fraiches du bord des lêvres jusqu'à son torse tendu. Des bébés. Il devait faire naître des bébés du ventre rouge d'une seule femme. Comment était-il arrivé là et qui était la mère ? Ce n'était même pas des questions dans ce cauchemar. Elle hurlait à lui déchirer les tympans, tirait de douleur le drap sous elle jusqu'à déformer le matelas. Jean devait l'aider mais il savait avant de commencer qu'il ne pourrait pas. Des boulets écarlates et luisants hantaient sa mémoire comme s'il les avait vu de ses propres yeux. Dans le noir, il voyait encore ses mains rouges d'un sang poisseux où il était sûr qu'elles resteraient ainsi à vie. Sa respiration ne se calmait pas, ses tempes cognaient suite à son cœur perturbé. Il devait reprendre le contrôle, ce n'était qu'un mauvais rêve. Les yeux toujours fermés, il alla dans sa cabine de douche. Il n'attendit pas que l'eau chaude arrive. Le froid le saisit, l'obligeant à ouvrir la bouche et inspirer vite et fort. Durant ces secondes, des flashs absurdes de son cauchemar s'invitèrent de nouveau. Un sentiment d'impuissance, de chagrin et de dégout le submergea alors. Tout ce sang, la souffrance de cette inconnue et les bébés à naître qui étaient déjà perdus (il en était sûr) l'envahissaient sans pouvoir se raisonner. La tête en arrière, il but au pommeau l'eau qui devint tiède puis chaude, espèrant, par ce geste banal, recouvrer ses esprits. Il passa ses mains sur son visage, frotta plusieurs fois, puis fit de même sur son torse, et tout son corps, frénétiquement. Il voulait se laver de ces échos et de ses pensées. Rien n'y faisait. Même dans la vie réelle, à ce moment, il était impuissant. Ses jambes plièrent lentement, le dos glissa contre la paroi mouillée, au point de se retrouver assis en boule, le menton sur les genoux, les mains dans les cheveux. Des sanglots et des larmes se mêlèrent à l'atmosphère moins chaude en bas.
Treize ans que sa compagne était morte en couche.
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