Interlude - Une lettre
Mon très cher Arnaud,
Il y a bien longtemps que je n’ai eu de tes nouvelles, et je suis ravie d’apprendre que tu es encore en vie. D’après ce que tu me dis, ce fait n’était pas des plus évidents, et je le déplore. Je n’ai pas passé autant de temps avec toi que je l’aurais voulu quand j’en avais encore la chance : je n’ai malheureusement pas le loisir de pouvoir voyager jusqu’à toi, car des responsabilités me lient toujours au sol de l’Europe, et de la France en particulier.
Mais nous ne sommes pas là pour parler de moi : j’ai bien noté tes interrogations, et je les ai transmises autour de moi prudemment, quelques échos me sont revenus.
Tout d’abord, il semble que tu sois devenu ce qu’on appelle un arpenteur. Il s’agit d’un zooanthrope, plus particulièrement un lycanthrope (car on n’a jamais observé d’autres zooanthrope se changer en arpenteur, j’y reviendrais), qui aurait perdu le contrôle de lui-même. Il y a plusieurs raisons à cela, et je ne sais pas si tu sais ce qu’on dit sur l’Ombre. Je sais que notre paroisse ne nous dit pas grand-chose à ce sujet, mais j’ai depuis longtemps fait mes recherches de mon côté. Je vais reprendre depuis le début : l’Ombre est une sorte d’énergie qui nous traverse tous. « Tous » étant les créatures étranges que nous sommes toi et moi. Comme toute énergie, elle peut être en déséquilibre et les anciens disent que quand tu es particulièrement puissant et aussi particulièrement faible, l’Ombre peut te rendre fou. Je suis quasiment sûre que c’est ce qu’il s’est passé dans ton cas. J’en suis fort désolée, car j’imagine avec peine quelles auraient pu être les circonstances d’une telle métamorphose.
On sait très peu de choses sur les arpenteurs, et les seules informations que je peux avoir, je les tiens d’un duo arpenteur-vampire vivant en Flandres. Ce sont les seuls en Europe, comme je pense que toi et ton ami êtes les seuls en Amérique. Pour ce que j’en sais, il n’y en a peut-être pas d’autres. Il y a peu d’explications sur les circonstances qui font qu’un arpenteur sorte de son état, bien qu’à moitié. Je ne peux pas aller plus loin, malheureusement. Le clan pour qui je travaille n’est pas vraiment en bons termes avec le leur, et je me mettrais moi, les miens et ton ancienne paroisse en danger en me montrant insistante.
On a bien voulu me parler d’un savant qui, menacé en Europe, aurait fui jusqu’à Boston. Il est recherché par les nôtres, alors ne t’attends pas à trouver un écriteau à sa porte. Je ne sais même pas si le nom que je te fournis est celui qu’il utilise encore, mais c’est la seule piste que je puisse te donner. Va à Boston, et cherche le Dr John Riley. Je te souhaite de le trouver.
En espérant un jour te revoir dans nos antiques rues et nos vieilles pierres européennes,
Claudine
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