Chapitre 71 - Braquage à l'italienne
Laurent retint son souffle et veilla à ne faire aucun geste. Accroupi, son déracineur en mains, il ne doutait de pouvoir tenir cette position très longtemps. .
Le serveur était bavard et ne semblait pas décidé à continuer son service. Il plaisantait avec Jennifer. Laurent réfléchit. S'il restait là, il allait finir par se faire prendre. Il décida de longer le plus rapidement possible le mur accolé aux cuisines. Il posa un doigt sur ses lèvres à l'intention Jennifer. Avec un peu de chance, le serveur ne le verrait pas. Il se glissa dans le restaurant, défit les gants qu’il cacha dans un meuble bas. Puis, il retourna s'installer à table.
« Bonsoir.
— Buona serata. » répondit l’écrivain avec toute la chaleur dont il était capable.
Il sentait que des gouttes de sueur perlaient le long de sa colonne vertébrale. Il s’assit comme si de rien n’était. Dès qu’il le vit, Paolo, proposa de retourner à son service. Il salua le duo et repartit à son métier.
« Te voilà, enfin, j’ai fait un effort pour rester le plus aimable possible.
— Il faudrait que tu ailles aux toilettes, Jennifer.
— Je n’en ai pas du tout envie, Laurent. Quelle drôle d'idée.
— Avant d’ouvrir la porte pour accéder à cet espace, il y a un meuble. Sur la dernière étagère, j’ai laissé les gants de jardinage. Il faudrait que tu t'y rendes pour les récupérer. Si j'y retourne, ça va faire louche. »
Quelques minutes après, Jennifer remit les gants à Joly.
« Bon, j’y retourne. J’espère qu’il ne va pas pointer à nouveau le bout de son nez. J’y suis presque, ce serait dommage qu’il gâche mon beau travail. J’essaie de faire vite et bien. »
Joly avait déraciné le plus gros de l’arbre. Il penchait d’un côté. Laurent finit de totalement ôter les racines de la terre. Puis, pour finaliser son ouvrage, il tassa la terre et positionna les plaques de gazon qu’il avait soigneusement découpées pour que son méfait se voit le plus tard possible. Enfin, il ensacha l’arbuste dans le sac acheté à la jardinerie.
— Bon, on paie, on y va ?
— Les verres sont offerts par la maison.
— Jennifer, j’ai tenté de faire un travail le plus net possible, mais je pense qu’il vaut mieux qu’on décampe de l'hôtel au plus tôt, non ? Pas que voler un arbre soit passible d'une longue peine de prison, mais soyons prudents. Tu tentes de faire diversion, histoire que personne ne repère le sac plus rempli au retour qu’à l’aller ?
— OK, je vais donner l’impression que je n’ai pas compris que nos consommations, c’est la tournée du patron !
— Parfait.
Jennifer se dirigea vers le bar. Le serveur de tout à l'heure était en grand conciliabule avec la barmaid.
— Je vous dois combien ?
— Ha, mais c’est cadeau.
— Oui, pardon, où ai-je la tête ?
Laurent tenta pendant ce temps de passer avec le sachet contenant l’arbre. Il essaya d’avoir l’air le plus décontracté possible mais il n’était pas rassuré car la partie bar était surélevée, avec une vue plongeante sur là où il était. Il sourit à Jennifer.
— Tu vai ?
— Sì, stiamo andando lì.
Ce serveur avait-il un radar ? Il se pencha pour mieux observer Joly. L’écrivain s’en rendit compte et transmit le sachet à Jennifer qui comprit vite le sens du geste de Laurent. Sa main libérée, il salua d’un ample geste Paolo. Ils n’avaient plus qu’à s’éclipser sur la pointe des pieds.
— Merci beaucoup pour votre accueil, fit Jennifer en adressant un sourire qui se voulait amical pour ne pas éveiller davantage les soupçons du serveur.
— Je l’ai trouvé méfiant, non ? Je crois vraiment que nous devrions filer à l’anglaise.
— Tu as raison, Laurent. Allons à l’hôtel et demandons notre compte.
— On va où ?
— On peut se rendre à Pise. J’ai vérifié : pour un trajet en voiture Riomaggiore/Pise, comptons une heure et demie de temps de trajet. Ensuite, on y laisse la voiture. Faut qu'on passe un coup de fil à l'agence de location pour checker si c'est faisable et ensuite, nous réservons un vol pour nous retourner à Paris.
— Pourquoi tu refais un crochet par Paris ?
— Bah en fait, Shany vit à Paris. Je vais appeler ma sœur pour savoir ce qu'elle veut que je fasse de l’arbre ?
— Tu voudras que je t'héberge ou tu préfères aller coucher chez ta soeur ?
— Dis, mais on dirait que tu t’attaches ? Tu sembles déçu que nos chemins se séparent !
— Je me dis qu’après notre gymkhana, tu rentreras à New York. Vu ce qu’y t’y attends, je ne suis pas sûr d’oser te contacter. Ensuite, ton métier va te pousser à te rendre par monts et par vaux. Alors quand nous reverrons-nous ?
— Je pense que je vais accepter parce que Shany est en collocation et l'appartement sera trop petit.
Le téléphone de la reporter se mit à sonner. Elle chercha l’appareil dans les multiples poches de sa veste-treillis. A la quatrième sonnerie, elle décrocha :
— Bonjour Shany, comment vas-tu, p’tite soeur ?
— Bien et toi ? Toujours pas de nouvelles de Clara ?
— Non. C’est inquiétant. Patrick est fou de rage et mort d’inquiétude. Il pense qu’il a failli en tant que père.
— Si Clara s'est enfuie, je suis sûre qu'elle ne se mettrait pas en danger.
— Mais on ne sait pas si elle s'est enfuie ou si c'est autre chose.
— Ecoute, on va croiser les doigts, on n'a que cela à faire. Pardon de changer de sujet. Tu as bien le Camellia Alpaca ?
— Oui, nous sommes allés en déraciner un. Une tâche exécutée par Laurent. Je lui dois une fière chandelle. Je n’ai pas du tout la main verte. Figure-toi, qu’on a craint d’être pris en flagrant délit à la chaumière où ils nous ont gentiment invité plusieurs fois à manger ou à l’heure du tea time. On a fui comme des bandits de grands chemins.
— Maintenant, il faudrait que tu viennes à Paris pour me rejoindre.
— Mais, ça ne va pas, non ? Il faut absolument que je rentre à New York. J’ai une fille qui m’y attend. Enfin j’espère, finit-elle dans un souffle.
— Il faut que tu viennes vraiment. J'ai un ami qui a accès à un laboratoire pour recréer le remède. Rappelle-toi qu’elle peut sauver Clara.
— Ecoute, Shany, je ne veux pas te vexer. Mais es-tu certaine que la démarche soit utile ? Je suis allée chercher l’arbuste, ok, mais je dois rentrer maintenant. Patrick a besoin de mon appui.
— J’ai réfléchi, le plus simple, c'est de convaincre Milo de remonter sur Paris avec moi. C'est lui connaît le procédé de fabrication Sans lui, ce sera compliqué. Et il voudra sûrement pas me filer sa recette. Si tu viens sur Paris, on peut directement aller au labo, produire le remède et rentrer avec à New York dans la foulée.
— D'accord, mais il faut vraiment faire vite car je ne veux pas que Patrick pense que j'en ai à faire de Clara.
— Ok, on se rejoint où ?
— Le mieux ça serait chez Laurent. Nous allons sûrement arrivés sur Paris avant vous et je suppose que si on débarque chez toi à trois plus ta coloc, il y en a qui cont dormir à la belle étoile, non ? Cela dit faut que j'en discute avec Laurent avant. Il est en train de me regarder avec un drôle d'air. Il faut que je lui explique et je t'envoie un SMS pour te dire. »
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