Chapitre 8
Chapitre 8
Après la récré, nous avons anglais. Je m'assois entre Léonor et Hugo comme la veille, et je sors un fameux Bescherelle pour travailler le passé simple qui parfois me paraît si compliqué. Léonor sort son cahier d'anglais et me dit :
– Cet après-midi on se retrouve tous à Nancy, on part en train sauf Hugo qui sera déjà sur place. Je t'ai déjà pris ton billet alors … tu viens avec nous ?
Que répondre si ce n'est « oui » ? Mum va rentrer tard et Jonas est en sortie avec la section sportive de sa classe. Je n'avais rien prévu de spécial à part écouter de la musique. Je lui réponds :
– Ça me va, mais je te rembourserai mon billet. Merci de ta gentillesse et …
– Je savais que tu accepterais, dit-elle en souriant et en me faisant un clin d’œil. On part après avoir mangé à la cantine.
Les cours s'achèvent et le repas à la cantine est vite avalé, nous partageons un bon moment et j'en profite pour poser des questions sur le verbe « pouvoir » au passé simple, plus particulièrement sur la deuxième personne du pluriel qui me rend perplexe. Elvira sourit, et Louis demande :
– C'est quoi le passé simple, déjà ?
Après un court trajet ferroviaire, nous arrivons à la gare de Nancy. Elle n'est pas particulièrement grande. Le son d'un piano se fait entendre parmi le brouhaha et les pas des voyageurs. Nous nous dirigeons dehors vers une large place aux pierres claires qui laisse entrevoir quelques boutiques, bars et restaurants. Je découvre cette nouvelle ville avec curiosité. Notre petit groupe de six se dirige vers la splendide Place Stanislas et le parc de la Pépinière.
Une fois dans le parc, Hugo fait l'andouille et Elvira lui lance un regard de désespoir, comme s'il s'agissait d'un jeu entre eux. Léonor s'approche de moi et me chuchote :
– Ils iraient bien ensemble ces deux là, hein ? Mais Hugo est trop timide et Elvira trop sérieuse, ils dorment comme des valises !
On trouve un coin calme dans le parc de la Pépinière et nous nous installons, entourés par d'autres groupes de gens venus profiter des rares rayons de soleil en ce mois de septembre. Après avoir sorti des bonbons et des chocolats de son sac pour nous en proposer, Léonor me demande :
– Et d'ailleurs Nate, tu as une copine ?
Je ne m'attendais pas à une telle question. Je sens les regards de mes amis posés sur moi, désireux d'entendre ma réponse. Je me sens bien avec eux, mais je ne peux pas tout leur dire, et j'ai promis à Mum de ne pas trop attirer l'attention.
– J'ai connu une fille, Abigail, quand j'étais en Year 11, euh en Seconde si vous préférez. Mais on s'est séparés avant que je parte pour la France.
– Ah merde, ça a dû être difficile, s'exclame Léonor. En même temps une relation à distance aurait été tellement compliquée, dit-elle en essayant de se rattraper.
– Bon alors on est tous des cœurs à prendre, lance Louis en posant lourdement son regard sur Hugo et Elvira, qui rougissent sous le poids de son insinuation.
Nous passons près de trois heures à discuter et à plaisanter, même si je reste un peu en retrait et davantage observateur. Je me sens cependant proche de ce petit groupe, ils sont tellement différents des camarades que j'ai pu avoir en Angleterre. J'ai l'impression qu'une nouvelle vie moins conformiste qu'à Canterbury s'offre à moi, et pourtant je n'arrive pas à faire la transition, comme si j'étais bridé.
Lors de cette après-midi, Marie s'est beaucoup rapprochée de Louis. Elle rit à chacune de ses blagues, elle le surnomme « Lou » et le regarde constamment. Pour une raison que je n'arrive pas à expliquer, cela me gêne. C'est peut-être parce qu'à Canterbury, cela ne se faisait pas, les garçons et les filles n’étaient pas aussi proches.
Le retour ferroviaire s'effectue dans la même bonne humeur, et notre arrivée à destination conclut cette belle après-midi .
On se quitte et j'envisage de rentrer à pied, la gare n'est pas très loin de chez moi. Léonor me saisit par le bras avant que je quitte la gare et me dit :
– J'espère que tu as passé un bon moment.
– Oui j'ai bien aimé être avec vous tous.
– J'ai cru que tu t'ennuyais vu que tu ne parlais pas trop. Tu sais, j'ai l'impression que tu te retiens d’être toi-même depuis hier. Je sais qu'on ne se connaît pas beaucoup et que tu as traversé des choses pas marrantes avec tes parents, mais tu peux te sentir en confiance avec nous. Tout le monde te trouve sympa, et …
J'entends ce qu'elle dit mais je suis trop gêné pour répondre. Elle poursuit :
– On dirait que tu réfléchis tout le temps. Laisse tes idées se ranger d'elles-mêmes dans ta tête et écoute plus souvent ton instinct. Fais-toi confiance.
Je suis un peu sonné par ce qu'elle vient de dire, j'ai l'impression de m’être fait sermonner par mes parents, et pourtant je n'arrive pas à en vouloir à Léonor tant son regard était empli de sincérité.
Les vingt-cinq minutes de trajet jusqu'à la maison me paraissent interminables ; je n’arrête pas de penser à ce que Léonor m'a dit. On a passé peu de moments ensemble, et pourtant j'ai l'impression qu'elle me connaît mieux que quiconque.
Ses mots continuent de résonner dans mon esprit. Laisse tes idées se ranger d'elles-mêmes dans ta tête et écoute plus souvent ton instinct. Fais-toi confiance.
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