Chapitre 12

– … comment tu t'es fait ces cicatrices ?

  Son ton est sérieux et ses yeux n'ont plus la pétillance qui lui est si naturelle. Il semblerait presque solennel. Il a donc remarqué ... Moi qui pensais avoir fait suffisamment attention, quel idiot !

  Louis semble sincère, et son inquiétude vraisemblable quant à mes cicatrices me donne une irrépressible envie de me jeter dans ses bras. Mes yeux commencent à s'embuer à mesure que les secondes passent. Il ne dit rien. Une larme commence à couler le long de ma joue droite. Je n'en peux plus de tout garder en moi !

– On m'a agressé lorsque j'étais à Canterbury. C'est … c'est arrivé plusieurs fois jusqu'au moment où l'on m'a fait ces cicatrices avec un couteau, lâche-je le cœur gros et la voix étouffée.

– Oh mais pourquoi on t'a fait ça !? crie-t-il, la colère obscurcissant l'azur de ses yeux.

– À cause de la fille que j'ai rejetée, Abigail. Elle a raconté à son grand frère que je lui avais fait du mal. Ça a d'abord commencé par des insultes, puis ça s'est transformé en coups. Ça a duré près de deux semaines, et il s'est ramené avec des amis à lui et … ils m'ont fait ces cicatrices.

  Mes larmes coulent alors que je regarde le sol, assis, tandis que Louis se tient debout, immobile. Je vois ses poings se serrer, et il me dit :

– Mais qu'est-ce qu'il s'est passé avec cette fille pour en arriver là ? Franchement t'as pas l'air du genre à faire du mal à qui que ce soit.

  Le problème était là. Abigail s'était montrée très entreprenante avec moi après plusieurs mois de ce qui me semblait être une amitié solide. Lors d'une après-midi que nous avions l'habitude de passer à regarder des séries étrangères, elle m'a embrassé, et j'ai commis l’erreur de me laisser faire. Je n'ai rien ressenti de particulier au contact de ses lèvres. Je n'en avais pas envie, mais je me suis bêtement laissé faire. C'est alors qu'elle a commencé à avoir des gestes déplacés. Je lui ai dit d’arrêter car je n'en avais pas envie. Elle a insisté et je l'ai repoussée en disant que je n'étais pas attiré par elle. Les yeux écarquillées, elle est entrée dans une colère noire et c'est après que les choses ont dégénéré.

– J'ai … j'ai refusé de coucher avec elle.

  Louis me regarde en fronçant les sourcils, il semble perplexe comme si je venais de dire que le ciel était vert.

– Euh, tu n'avais pas envie de … ? J'veux dire, quand un mec s'entend bien avec une fille, c'est le genre de choses qui finit par arriver, non ?

  Nous sommes interrompus par Madame Vallen qui nous crie que la cloche a sonné et qu'il va falloir « se magner pour ne pas être en retard ». Elle ne remarque pas mes larmes, et nous partons avec Louis en direction de nos classes.

  Sur le chemin, Louis me dit en mesurant le moindre de ses mots :

– Je suis désolé Nathan, je ne voulais pas te rendre malheureux. Je m'attendais pas à un tel truc. Euh, je suis pas très doué pour parler, mais si tu as besoin de quelqu'un pour t'écouter, tu peux compter sur moi. Je suis tellement désolé …

  J'avance sans prêter attention à ce qu'il me dit. J'éprouve un sentiment de regret, je n'aurais pas dû me confier si ouvertement. C'est comme si je n'avais pas réussi à contrôler mes paroles.

  Nous arrivons devant nos salles respectives, je ne dis rien et je m'efforce de ne plus penser à cette conversation. Les yeux baissés, je m’apprête à entrer en classe, mais Louis se place en face de moi, comme pour m'en empêcher. Son index se pose sous mon menton qu'il pousse doucement pour m'inciter à lever les yeux et à regarder son visage.

– T'es pas seul Nathan, je suis là si tu en as besoin. Vraiment.

  Son regard bleu argenté me pénètre de sincérité. Jamais personne n'avait témoigné une compassion si forte à mon égard. Cet instant me semble irréel tant je suis submergé par sa gentillesse, comme si nous n'étions que tous les deux dans une bulle de lumière qui aurait éclipsé tout le reste.

  Je me noie dans l'azur de ses yeux.

  C'est la première fois que j'ai envie de poser mes lèvres sur celles d'un autre.