Chapitre 28
Chapitre 28
La fin de la semaine se déroule sous la pluie, la grisaille et le froid.
Les heures de cours se succèdent sans que rien de particulier ne se passe, même si j'ai de plus en plus de mal avec les leçons de sciences physiques. Mon premier devoir n'était pas brillant et j'ai difficilement obtenu un 11/20. Je suis cependant ravi de mes résultats dans les autres matières, notamment en langues. C'est d'ailleurs grâce à ma grande sœur Estelle que j'ai appris à aimer l’espagnol. Cela fait deux ans qu'elle habite à Almería, sur la côte sud espagnole. Elle était partie en tant qu'étudiante dans le cadre d'un programme similaire à Erasmus, puis à la fin de l'année universitaire, alors qu'elle devait rentrer en Angleterre, elle nous avait annoncé avoir eu une proposition de poste à Malaga qu'elle ne pouvait pas refuser. Cela a, dans un premier temps, beaucoup attristé Mum, puis elle s'est réjouie que sa fille aînée trouve sa voie.
Estelle a justement envoyé un message à Mum pour que nous fassions une visio tous ensemble vendredi soir, j'ai hâte !
Il est 16:30 lorsque la sonnerie retentit, annonçant la fin d'une semaine de travail et le début d'un week-end reposant. Je retrouve mes amis devant la grille bleue pour les saluer et leur souhaiter de bien profiter de ces deux jours de repos.
Louis me rappelle que demain matin nous avons un entraînement de course, en insistant bien sur le fait que nous n'allons pas nous reposer. Léonor affiche une mine réjouie, et je perçois dans son regard un petit air grivois. Même si cette allusion aurait pu me faire sourire, ce n'est pas le cas car je suis toujours attristé par l'idée que Louis ait déjà eu une petite amie, et si je commence à accepter qu'il n'est pas pour moi, mes sentiments n'ont pas changé ; je suis amoureux.
Nous nous quittons sous un ciel gris, et je rentre à la maison accompagné de Jonas qui vient de me rejoindre. Il me raconte en détail sa semaine et me dit, tout sourire, qu'il a été invité demain à l'anniversaire d'un de ses copains du rugby.
Jonas est si pétillant, il ne semble pas avoir les pensées complexes et les tracas qui me sont familiers. Son insouciance est si précieuse, j'aimerais qu'il reste comme ça toute sa vie.
Mum ne devrait pas tarder, j'ai juste le temps de prendre une douche avant son arrivée. Jonas se précipite sur la console en laissant négligemment son sac d'école dans le passage, sac sur lequel je trébuche. Je soupire et décide de le monter devant sa chambre pour éviter un énième accident.
Il est un peu plus de 20:00 quand nous entendons Mum s'exclamer :
– Les garçons, votre sœur est en ligne !
À ces mots, j'entends Jonas dévaler les escaliers pour s'empresser dans le salon et j'en fais autant, mais plus prudemment pour ne pas glisser maladroitement sur une marche. Le visage de Mum est radieux, et tandis que la caméra d'Estelle démarre, nous échangeons des regards complices emplis de joie. Après quelques longues secondes, nous entendons la voix chaleureuse d'Estelle, tandis que l'image se fixe.
– Oh, vous êtes trop beaux !
C'est ma sœur tout craché. Mum lui répond :
– Toi aussi ma puce, tu as l'air en pleine forme. Mais dis donc, tu es bien bronzée !
Nous discutons pendant plus de deux heures, et Estelle nous raconte comment se passent ses journées, entre le travail et la mer. Lorsqu'elle s'exprime, elle utilise de nombreux mots en espagnol, comme si l'équivalent français avait disparu de sa mémoire et qu'il lui fallait faire un effort pour le retrouver. À la fin de la conversation, nous nous promettons de nous rappeler très vite, et Mum éteint son ordinateur, les yeux embués. Il m'est difficile de savoir s'ils pétillent de joie ou brillent de tristesse.
Avant d'aller me coucher, Jonas me demande si dimanche je pourrais l'aider pour son DM de français, ce que bien sûr j'accepte. Il ne manque pas d'ajouter qu'il est à rendre pour le lendemain. Je soupire et je l'embrasse sur le front, et avant de se diriger vers sa chambre, il me regarde et me dit que je suis « le meilleur grand frère du monde ». Je lui caresse les cheveux et je décide à mon tour d'aller me coucher.
Au lit, mes pensées sont alimentées par une question qui m’obsède depuis peu au sujet de mon attirance pour les garçons : suis-je né comme ça, ou le suis-je devenu ? Est-ce que l'orientation sexuelle est inscrite dans nos gènes ? Ou bien est-ce quelque chose qui se développe au fil de nos expériences ? Ces questions me taraudent et m'intriguent également. Je laisse mon esprit vagabonder et je finis par trouver le sommeil.
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