Chapitre 106
MILAN
C'est en t-shirt que je sors de ma voiture après l'avoir garé sur le parking de la base militaire, des températures pas normales pour un mois de Novembre. Sac de sport sur l'épaule je franchis le grand portail situé au fond de la grande cour bétonnée et pars en direction du dortoir pour aller le vider dans mon casier et le ranger sous mon lit. Ludwig me serre une grande poignée de main et s'agenouille à côté de moi alors que je termine de faire glisser mon sac sous mon lit fait au carré et à la perfection. Avec Munsch tout doit être clean au milimètre près.
- Tu t'es bien ressourcé pendant ton weekend ? De t'éloigner de la base t'as fait du bien ? Parce que je te sentais un peu tendu en fin de semaine dernière... Et pour être honnête ce n'était pas agréable du tout pour chacun de tes équipiers ! On en a parlé tous ensemble et on est tous tombé d'accord.
Ce que je ressens à l'instant c'est de l'énervement et derrière mon regard noir je le toise longuement en tournant sept fois ma langue dans ma bouche pour ne pas me montrer virulent.
- Ça fait plaisir ! Vous parlez dans mon dos c'est vachement sympa ! Franchement entre mecs si tu n'as pas les couilles de venir me le dire en face, fin voilà c'est nul de votre part à tous. Nous sommes un quatuor vous auriez dû me le dire en direct plutôt que de profiter que je sois rentré le weekend auprès des miens ! Bref !
Ludwig me lance un regard surpris de ma réfléxion, non mais c'est vrai quoi ! J'ai horreur que les choses se fassent dans mon dos ! Quand on est un minimum mature on ne fait pas tout par derrière ! On assume ! Bon. Après je reconnais qu'avec la pression que je me mets j'ai sûrement été exécrable. En trombe je sors de la chambre, la porte s'écrase contre ses gonds dans un boucan d'enfer, je suis nerveux et démarre au quart de tour. Aujourd'hui il ne va pas falloir me chercher !
Les filles m'adressent un bonjour mais je suis froid quand j'accepte la bise qu'elles me font. Je les vois lancer un regard étonné à Ludwig en haussant leurs sourcils épilés.
- Je crois qu'il n'a pas apprécié que l'on se concerte tous les trois à propos de son humeur et son caractère de merde chuchote Ludwig, les filles me regardent.
- Je suis là hein ! Si tu as quelque chose à dire à mon sujet tu le dis tout fort et tu assumes surtout ! Vous faites chier vraiment ! Quand j'ai besoin de dire le fond de mes pensées je le fais franco, ça plait ou ça ne plait pas mais au moins je dis ce que je pense !
Iseline reste plantée à côté de Ludwig, tous les deux sans broncher. Pas un mot. Gretel a l'air d'avoir perçu qu'au fond leur attitude m'a bléssé, notre regard se croise, je redresse mon torse pour avoir un peu plus d'allure et mon visage reprend un air neutre pour ne pas montrer que ça m'a atteint.
- Désolée Milan... On ne pensait pas que tu réagirais comme ça, ce n'était pas méchant et vu que tu n'étais pas là on n'a pas pu s'adresser directement à toi tu vois dit-elle d'une voix douce. Ce n'était pas pour te tomber dessus.
- Aucune importance ! Vous le saurez comme ça dis-je avec un air je m'en foutisme en croisant les bras contre mon torse.
De nouveau des échanges de regards entre eux, je ferme les yeux pour ne pas que mon tempérament hispanique fasse surface. Mon pied tape le sol dans des gestes incontrôlés ! Là dessus on peut dire que je tiens de ma maman, de ma tata et bien sûr de mon père !
Ma mâchoire se crispe et je ne peux m'empêcher de les regarder avec un air mauvais. Mes yeux presque noirs pourraient quasiment leur faire peur. Munsch me fixe ayant compris que je suis contrarié, j'espère qu'il ne va pas me faire chier lui aussi ! Il ne manquerait plus que ça !
Nous nous asseyons au sol sous le préau pour un petit débrief de la journée à venir alors qu'une forte averse vient d'un coup. Des trombes d'eau ! Et des rafales d'une violence. Ludwig et Iseline chuchotent entre eux pour ne pas déranger notre instructeur, elle se met à rire en lui posant une main sur le poignet.
- Vous avez fini de vous faire la guerre tous les deux ? Il faut dire que ça a été froid pendant un certain temps ! Dis-je tout bas.
- Wui, Ludwig est venu vers moi l'autre jour pour que l'on ait une discussion et puis j'étais redescendue de ma colère et de ma déception affirme t-elle. Puis je me dis que je ne peux pas continuer de lui faire la tête plus longtemps. Déjà parce que ça n'en vaut pas le coup mais en plus de ça pour ne pas ruiner notre cohésion de groupe !
- C'est une bonne chose car Lud était tout malheureux répondis-je.
- Et toi tu t'es calmé ? Dit-elle en éclatant de rire, j'ai horreur qu'on se foute de ma gueule. Ses yeux verts sont taquins, même rieurs.
Couci-couça, c'est avec ma main que je réponds, Iseline ne peut s'empêcher de rire en me secouant les épaules.
- Hihihihi c'est qu'il est suceptible en plus MiL'ou ! Ça joue le dur mais au fond... C'est tout sensible ! Me taquine Iseline mais je n'ai pas oublié le coup qu'ils m'ont fait. Hihi détends toi MiL'ou, je vais te faire un petit massage moi !
Ses doigts massent mes trapèzes, je ferme les yeux laissant mes épaules se bercer à chaque pressions qu'elle exerce. Rester ainsi à me faire papouiller, ça pourrait durer des heures !
- Hum... Juste ici j'ai un peu mal dis-je en désignant l'endroit où j'ai envie d'être massé, elle se prête au jeu. Hummmm tu as des doigts de fée...
- Hihi assez, n'y prends pas goût je ne suis pas kiné ! Rigole t-elle.
- Jäger votre voix stridente commence sérieusement à m'agacer ! Tonne l'instructeur. Venez donc faire 20 pompes devant tout ce beau monde et ensuite vous vous asseyez devant !
J'entends Iseline pester, je me mords le poing pour ne pas rire mais au moins à la petite blonde ça lui fera les pieds ! Ma petite vengeance personnelle pour ne pas m'avoir dit les choses en face. Elle se positionne en planche, en appui sur ses bras peu épais et entame l'exercice que lui a demandé Munsch. Sans se plaindre, elle m'épate.
- Donc ce matin un parcours sportif sur le terrain juste derrière le bâtiment ! S'exclame Munsch. On dirait bien que les conditions météo ne sont pas favorables, cela va être corsé jeunes recrues !
- Mais Monsieur il pleut ! S'écrie Gretel emmitoufflée dans sa veste polaire, c'est vrai que je commence à me peler en t-shirt. La température baisse c'est impressionnant. On ne va tout de même pas finir trempés !
- Ce n'est pas quelques petites trombes d'eau qui vont vous faire reculer, soldats ! Allons allons ! Ici on s'entraîne par tous les temps et qu'importe l'état physique ou de fatigue ! Rétorque Munsch. Vous allez avoir un mur assez haut, de la boue voir même de la vase ! Un grimpé de corde mais ça risque énormément de glisser, un passage sur un tronc d'arbres donc équilibre instable et de fortes chances de tomber ou de se fouler une cheville à la réception ! Des fils barbelés acérés ! Maintenant passons à la pratique suivez-moi nous y allons ! Je veux des chaussures qui tiennent aux pieds si ce n'est pas le cas vous avez trois minutes pour aller les enfiler !
Des collègues partent en sprintant direction le dortoir n'ayant pas prévu l'entraînement sportif. Cinq minutes après, mouillés comme des rats et le froid qui commence à glacer notre sang ainsi que nos membres. Moi ça m'engourdit. Gretel est médusée, Munsch ne recule devant rien c'est évident et nous n'avons pas fini de galérer, je le sens bien comme ça moi. Ma coéquipière tremble comme une feuille et ses lèvres sont bleues. Je vois bien que ses doigts sont meurtris, elle a du mal à les plier et déplier.
Que c'est long d'attendre que vienne notre tour ! Ludwig conseille à Gretel d'enlever sa grosse veste que ça ne sera pas pire et que sans doute elle aura moins froid. La petite brune fait descendre la fermeture éclair pour se débarrasser de cet habit, elle grelote davantage la pauvre elle frise l'hypothermie ! Son t-shirt est moulant, décolleté en V laissant voir que le haut de sa poitrine, d'ailleurs je peux bien voir la chaire de poule présente sur sa peau.
Gretel se place à côté de moi mais elle n'est plus focalisée sur son mental, prête à perdre pied les yeux larmoyants et leurs coins rougis du froid. Mes muscles se tétanisent aussi petit à petit, mon corps se congestionne avec le vent glacial.
Je frotte le dos de ma partenaire dans des gestes pas spécialement doux mais qui vise à réchauffer sa peau par les frottements que j'exerce.
- Aller Gretel ça sera bientôt ton tour... Courir va te réchauffer. Tu ne dois pas abandonner ! Tu es forte ! J'suis gelé.... Brrrrrrr ! Il veut nous faire caner Munsch !
- Je ne sens plus mes membres MiL'ou... S'exclame t-elle. Je ne peux plus bouger, j'ai trop mal !
Je prends ses mains dans les miennes pour les frotter, cela se fait les yeux dans les yeux. Toujours plongé dans ses noisettes j'amène ses petites mains contre ma bouche sur lesquelles je souffle de l'air chaud à multiple reprises.
- Milan, j'espère que tu ne m'en voudras pas si je ne peux pas aller jusqu'au bout, je ne sais même pas si je vais pouvoir démarrer S'exclame t-elle.
- Gretel, je te demande qu'une chose c'est de faire le maximum de tes capacités. Tant pis si tu échoues, déjà ça permet d'apprendre mais en plus de ça tu vas te surpasser ! S'il faut faire les corvées ménagères alors ça ne fait rien. Tu auras essayé !
Ma partenaire secoue la tête en se mettant en place sur la ligne de départ. Une jambe en arrière, poing serré bras qui part vers l'arrière aussi. Au coup de sifflet elle démarre le plus rapidement possible mais se stoppe en plein milieu du premier obstacle. Je me mets à courir jusqu'à elle pour l'encourager de vive voix.
- Gretel il faut continuer, aller ! Pourquoi tu t'arrêtes ?! Aller reprends toi !
- Milan arrête de me gueuler dessus s'exclame t-elle au bord des larmes. C'est trop dur... Mes pieds m'empêchent d'avancer ! Chaque foulée est une douleur insupportable !
- Gretel c'est tout là dedans ! Dans le mental ! Je ne te gueule pas dessus, je t'encourage ce n'est pas la même chose. Aller je cours à côté de toi s'il le faut !
- Milan, mes chevilles ne vont pas pouvoir endurer ça ! Je ne pourrai pas me réceptionner ! S'exclame t-elle.
Gretel finit par m'écouter. Elle prend de l'élan pour courir jusqu'au mur où elle s'accroche de justesse à la corde en gémissant, la corde lui lâche les mains et mon équipière se retrouve à plat ventre en bas de la pente le visage dans la boue pleurant toutes les larmes de son corps. Je m'agenouille pour aller la rassurer, ma main passe dans son dos.
- Grett, ça va ? Relève-toi ma belle, aller !
- Je ne peux pas MiL'ou, mes chevilles, elles sont en feu ! C'est impossible que je tienne debout ! Je ne peux plus bouger....................................................
- Bonnier vous la portez jusqu'à la chaise juste là, je vais chercher des couvertures réchauffantes ! S'exclame Munsch en partant en courant.
Je pousse un râle d'effort en dépliant mes jambes lorsque je me relève avec Gretel dans mes bras, ses tremblements sont démeusurés je sais qu'elle ne joue pas la comédie. Je la porte jusqu'à la fameuse chaise et la pose délicatement alors que Munsch enroule les couvertures autour d'elle.
- Milan, c'est vous que je vais observer à présent s'exclame Munsch. Votre parcours c'est celui de droite ! L'autre est pour les filles car le mur est moins haut ! En place jeune homme, que je vois ce que vous avez dans le ventre !
- Le nain avec son mètre cinquante compte comme une fille instructeur ! Fanfaronne Rainer avec son sourire de crâneur. Il n'arrivera jamais en haut du mur ! Mouahahahaha !
- Assez Küchin ! Bouclez là jusqu'à nouvel ordre ! Rétorque Munsch. Küchin m'a mis la rage !
Au top départ je pars en sprint en direction du grand mur qui se dresse davantage lorsque je me rapproche, le sol me donne l'impression d'être en mouvement à chacune de mes foulées.
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