Le docteur Rathburn accompagna Cynthia jusqu'au réfectoire. Une grande salle sans aucune fenêtre où la couleur grise régnait. Il y avait une dizaine de longues tables pouvant accueillir chacune une dizaine de personnes. Mais là, elles étaient toutes libres. Il était probablement encore trop tôt. On pouvait même encore sentir l'odeur des produits d'entretien qui servaient à nettoyer le sol et les tables.

Il n'y avait que quelques gardes et une femme qui s'occupait de préparer le petit déjeuner. En entrant dans le réfectoire, le docteur Rathburn lui fit un signe de la tête afin de lui faire comprendre que la petite fille prendrait la même chose que d'habitude : un chocolat chaud, un jus d'orange frais et un croissant. Quelques instants plus tard, la petite fille fut servie.

— Merci, fit-elle à la femme qui venait de lui apporter le petit déjeuner.

De son côté, Kathleen était très étonnée. C'était rare de voir Cynthia parler aux personnes qu'elle ne connaissait pas plus que de vue. Quelques secondes plus tard, le docteur décida d'entamer la conversation.

— Tu veux que l'on parle de ce cauchemar ? Qu'est-ce que tu as vu ?

— J'ai tué quelqu'un, répondit la petite fille avant de boire une gorgée de son chocolat chaud.

— Tué ? Comment ça ?

— Des gens m'ont mise en colère. Sans le vouloir, j'ai tué un garçon... et saccagé le parc où on se trouvait.

— Je suis sûre que tu n'aurais pas fait ce genre de chose en vrai.

Kathleen ne croyait pas vraiment ce qu'elle venait de dire. À vrai dire, elle ne savait pas comment la petite fille aurait réagit face à une telle situation dans la réalité. Le dernier test qu'elle avait réalisé avait montré qu'elle était en très loin de maîtriser ses dons et ses émotions.

— En fait, reprit-elle. ça arrive à tous le monde de faire des cauchemars, ou même des rêves dans lesquels on fait des choses que l'on serait incapables de faire dans la réalité. Quand j'avais ton âge je rêvais quelque fois que j'étais capable de voler. Je sais que ça risque d'être compliqué, mais évite de trop repenser à ce cauchemar, d'accord ?

La petite fille ne répondit rien. Elle semblait perdue dans ses pensées et trop occupée à déguster son petit déjeuner.

Soudain, le téléphone portable du docteur, se mit à vibrer. Celle-ci jeta un coup d'œil à l'écran. il s'agissait d'un appel important.

— Cynthia, dit-elle. Je suis désolée, je dois répondre.

— Je sais.

— Je reviens tout de suite.

Cynthia regarda le docteur quitter la grande pièce. Après quoi, elle jeta un coup d'œil à la grande horloge située sur sa gauche. Elle affichait huit heures moins le quart.

En buvant son chocolat chaud, Cynthia se concentra un instant afin d'essayer de ressentir si la présence paranormale qu'elle percevait parfois, était présente. Elle ne ressentit rien. Une fois encore, ça coïncidait avec l'absence de son père. Elle était de plus en plus sûre que son père était comme elle. Mais si c'était le cas, elle ne comprenait pas pourquoi il se cachait.

La petite fille se concentra alors sur autre chose, la présence des gardes. Ils étaient huit. Quatre dans le réfectoire qui étaient à chaque coin de la pièce et deux postés à chacune des deux entrées. Quand à la personne qui venait de lui servir le petit déjeuner, Cynthia perçut en elle, de la crainte. Elle pouvait ressentir ses battements de cœur. Il s'agissait d'une femme qui approchait la quarantaine d'années, les cheveux noirs, longs, attachés.

Un moment, cette dernière se tourna pour ranger des ustensiles dans une armoire métallique au design ultra moderne. Lorsqu'elle revint à sa position initiale, elle ne s'attendait pas à voir la petite fille face à elle. Cela la fit sursauter. "Comment avait-elle pu se déplacer aussi vite ?" se demanda-t-elle.

— Pourquoi vous avez peur de moi ? lui demanda la Paranormale.

La femme ne répondit rien. Elle était apeurée par la petite fille.

— Vous ne devriez pas avoir peur de moi. Je suis pas un monstre.

— Je... je sais, répondit la responsable du réfectoire. Je... Je n'ai pas peur.

— Alors pourquoi votre cœur bat aussi vite ? Et aussi fort ?

La femme ne savait pas quoi répondre. Les hommes de la sécurité se tenaient prêts à intervenir au cas où la situation s'envenimerait. Cynthia s'en rendit compte. Elle ne comprenait pas pourquoi, elle qui ne faisait pourtant que discuter. Elle pouvait là encore sentir leurs battements de cœur. Ils étaient effrayés. L'atmosphère était tendue et ne se détendit qu'avec le retour du docteur Rathburn.

— Cynthia. dit cette dernière. Tu as fini ton petit déjeuner ?

La petite fille acquiesça de la tête.

— Mais tu n'as pas débarrassé ta table. Tu sais... ça aiderait beaucoup la dame si tu le faisais.

Cynthia tourna la tête vers la femme qui lui envoya un sourire forcé. Après quoi, la petite fille se dirigea vers la table où elle venait de petit-déjeuner afin de la ranger.

— Très bien, dit Kathleen. On peut y aller maintenant ?

"Oui" répondit Cynthia par la pensée avant d'adresser un dernier regard froid aux quatre gardes. Après quoi, elle et le docteur sortirent de la salle.

— Pourquoi beaucoup de gens ont peur de moi ? demanda Cynthia.

— Qui a peur de toi ?

— Beaucoup de personnes... la dame du réfectoire par exemple.

— Il faut les comprendre. Les personnes comme toi ne sont pas courantes. Ils n'ont pas peur... Ils sont juste... impressionnés. Parce que tu es différente. Exceptionnelle.

Presque tous les individus travaillant dans le complexe étaient d'anciens militaires, y compris la femme qui s'occupait du réfectoire. Tous savaient que la petite fille était spéciale. Certains savaient en quoi, d'autres non. Seul le personnel d'entretien qui n'était pas constitué d'anciens militaires mais d'employés d'entreprises sous-traitantes, ignorait tout de ce qu'il se passait dans le complexe. Pour ces derniers, le complexe n'était qu'une énième structure de Rising Drake où cette dernière créait, testait et entreposait des armes.

Ceux qui travaillaient sur le projet X étaient heureux de ne jamais croiser la route de Cynthia. L'armure X n'était pour le moment qu'une simple armure sans porteur. Elle ne représentait donc aucun danger pour quiconque la croisait, au contraire de Cynthia qui pouvait à tout moment devenir dangereuse si elle venait à échapper au contrôle de son père.