Chapitre 20
Cynthia réussit à retourner au niveau de la route, là où elle usa de ses dons quelques dizaines de minutes plus tôt. Elle savait que si elle voulait aller à Wattrem, la meilleure chose à faire était de rester proche de la route afin de la suivre.
Il y avait une voiture de Police ainsi qu'un véhicule de pompier. La petite fille resta en retrait, derrière des buissons au travers desquels elle observa la scène. L'homme qui conduisait la voiture qu'elle avait arrêtée in extremis, était en train d'être examiné par les secours. Il ne savait pas vraiment ce qui lui était arrivé. Il racontait que la seule chose dont il se souvenait, c'était cette femme au milieu de la route, son coup de frein, puis, plus rien. Pour lui, il n'avait rien heurté du tout. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé.
À quelques mètres du véhicule de secours, un agent de Police écoutait le témoignage de la femme que Cynthia avait poussé sur la route avant de la sauver, ainsi que celui du mari.
—J'étais au téléphone, dit ce dernier. Et là, la petite s'est énervée. Elle à projeté ma femme au milieu de la route.
—Et c'est cette même petite fille qui a arrêté la voiture ? demanda l'agent en désignant la citadine olive que son collègue était en train d'examiner.
—Oui, répondit la femme. C'est elle.
—Ne le prenez pas mal, reprit le policier. Mais je dois vous demander si vous avez consommé quoi que ce soit qui pourrait...
—Quoi ?! s'énerva le mari, coupant son interlocuteur. Mais... vous ne nous croyez pas ?! Ma femme a été poussée sur plusieurs mètres par une force invisible je vous dis !
—"Poussée" ? Je croyais qu'elle avait été projetée.
—Oui, bon, c'est la même chose, non ?
—Bon... très bien.
L'agent de police fut appelé par son collègue.
—Ok, ce qu'ils racontent est dingue, commença-t-il. Mais la voiture... Elle a bien percuté quelque chose, non ? Les airbags se sont déclenchés.
—Un autre véhicule qui aurait pris la fuite peut-être.
—Possible... Mais la voiture est intacte. C'est limité à combien ici ? Soixante-dix ? À cette vitesse le véhicule devrait être cabossé, non ?
—Ouais... Franchement j'en sais rien. C'est bizarre.
—Et pour la fillette ? Tu crois qu'il y avait vraiment une petite fille ici ?
—Je ne sais pas.
—Ça serait tellement plus simple si ces deux personnes se rappelaient ce qu'il s'est réellement passé.
—Pour eux, c'est cette petite fille qui aurait arrêté la voiture. Ils maintiennent cette version.
Le deuxième policier poussa un soupir comme pour montrer son agacement avant de répondre.
—En tout cas leur histoire va sûrement intéresser Matthias.
—Ça c'est clair.
—Qu'est-ce qu'on fait d'eux ?
—On n'a rien contre eux. Le test d'alcoolémie est négatif. Ils ne semblent pas avoir consommé de drogue. Je crois que ce sont juste deux personnes qui ont surinterprété ce qu'il s'est passé. Je crois que la femme a voulu attraper la fillette qui s'est défendu et qui l'a poussé. La femme vu qu'elle porte des chaussures à talons, a sans doute trébuché jusqu'à tomber au milieu de la route. Le conducteur de la citadine a freiné juste à temps.
—Et pour les airbags ?
—Simple disfonctionnement peut-être. Demande à la scientifique d'examiner la voiture. On ne sait jamais. De mon côté j'appelle le sergent. Il faut fouiller ces bois et retrouver cette fille.
Cynthia avait très bien entendu. Ces hommes allaient la rechercher. Elle ne pouvait donc pas s'éterniser à cet endroit. Elle n'attendit pas plus longtemps et reprit discrétement sa route vers Wattrem en restant cette fois-ci dans les bois, mais suffisemment proche de la route pour pouvoir la suivre, sans être vue.
***
Alors que la nuit était tombée depuis un bon moment, Cynthia vadrouillait toujours dans la forêt. La distance qui la séparait de Wattrem semblait interminable pour une enfant de son âge. Elle savait aussi que la nuit l'empêcherait d'avancer plus vite et que la fatigue était en train de la gagner. Elle devait s'arrêter, afin de se reposer. Elle s'éloigna de la route afin d'être certaine qu'aucun passant ne puisse la voir, mais pas trop de sorte de pouvoir rapidement la regagner à son réveil.
Elle se recroquevilla au pied d'un grand arbre et réfléchit un instant. Elle savait qu'on la recherchait. Elle voulait dormir, mais l'idée que son père et la Police avaient envoyés des hommes à sa recherche l'en empêchait. Elle avait peur de s'endormir et de ne pas les voir arriver s'ils venaient à la retrouver.
C'était aussi la première fois qu'elle était dehors la nuit. Elle découvrit alors que chaque son provoqué par un craquement de branche, le vent soufflant dans les arbres ou un animal, était tout de suite plus terrifiant qu'en plein jour. Ce qui ajoutait de la crainte à la peur d'être retrouvée.
Elle ne pouvait s'empêcher de se balancer d'avant en arrière tellement cette peur la ravageait. Au bout de quelques instants, elle craqua et se mit à pleurer. Pourquoi n'avait-elle pas eu le droit d'être une petite fille ordinaire ? Qu'est-ce qu'une fille ordinaire d'ailleurs ? Une fille sans pouvoirs ? Elle aurait tant voulu être une petite fille tout ce qu'il y avait de plus classique. Elle n'aurait pas passé plusieurs années dans un complexe, n'aurait jamais du tuer qui que ce soit et ne serait pas là toute seule à se poser ces questions. Et surtout... surtout... elle n'aurait pas tué involontairement sa propre mère. Cette pensée la plongea encore plus profondement dans sa mélancolie.
Ce n'est que quelques dizaines de minutes plus tard, que la fatigue l'emporta sur la peur et la détresse, et que la petite fille put enfin s'endormir.
***
9 heures plus tard
Ici Garret, j'ai retrouvé la petite. Je répète, j'ai retrouvé la petite.
Ces paroles réveillèrent Cynthia qui se leva en un éclair avant de se coller dos à l'arbre au pied duquel elle venait de passer la nuit. La personne qui l'avait réveillée était vêtu d'un uniforme bleu foncé sur lequel se trouvait une plaque métallique. La petite fille devina qu'il s'agissait d'un agent de police. Ainsi c'était la Police qui la retrouva, avant son père.
—Eh là, fit l'agent, en s'approchant lentement d'elle. N'aie pas peur, tu n'es plus toute seule maintenant. Je suis de la Police. Je suis là pour t'aider, d'accord ? Tu ne craint plus rien.
Le coeur de Cynthia battait la chamade. Elle ne savait pas quoi faire. L'homme venait d'appeler ses collègues. D'autres agents allaient donc arriver d'ici quelques minutes. Elle ne pouvait pas les suivre.
—N'aie pas peur, répéta l'agent. J'ai juste appelé mes collègues pour leur dire que je t'ai retrouvée. Des gens nous ont signalé que tu étais dans la forêt. Tu es toute seule ? Il n'y a personne avec toi ?
Cynthia resta figée sans rien dire face au représentant des forces de l'ordre.
—Je vais t'emmener avec moi, tu veux bien ? lui demanda l'agent en lui tendant la main.
Les yeux rivés sur cette main tendue, la petite fille n'émit toujours pas le moindre son.
—Tu n'es pas très bavarde toi. reprit le policier en s'approchant un peu plus de la fillette. Allez, viens avec moi.
—Non ! cria Cynthia en le repoussant quelques mètres plus loin.
Une fois au sol, le policier gémit de douleur pendant que Cynthia s'approchait de lui. Il prit soudainement conscience de la véracité du témoignage que lui avait rapporté ses collégues. "Ces gens disaient vrai".
—Attend... Attend, lui dit le policier qui craignait qu'elle lui fasse du mal. Pitié...
—Je n'ai pas envie de te suivre, lui dit la petite fille.
—Da...da... d'accord, d'accord. Comme tu voudras... pitié...
—Je n'ai pas l'intention de te faire du mal, lui répondit la paranormale en chuchotant. Mais si tu me suis...
—Garret tu me reçois ? demanda un policier par radio, interrompant la phrase de Cynthia. On converge sur...
La fillette ne laissa pas l'occasion à Garret d'entendre la fin du message. Elle prit son talkie walkie par la pensée et exerça une presion sur ce dernier jusqu'à le détruire. Elle vit également que le policier portait une arme à sa ceinture. En la voyant, elle ne put s'empêcher de se repasser les images de son évasion. C'était avec ce genre d'outil qu'on avait tenté de la tuer. Elle arracha alors le pistolet du holster du pauvre agent de police qui crut vivre ses derniers instants. Mais il n'en était rien. La petite fille plia par la pensée le canon de l'arme avant de la laisser tomber au sol. Après quoi elle décida de s'en aller, laissant le policier seul, en état de choc.
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