Chapitre 32
Entrepôt désert, Amiville, 20h30 environ
La petite équipe entra dans l'entrepôt. Il y faisait sombre. Matthias actionna un interrupteur. Bien évidemment, puisque personne ne payait l'électricité, aucune lampe ne s'alluma.
—Ça ne coûtait rien d'essayer, dit le jeune homme.
Heureusement, les deux policiers avaient avec eux des lampes torche qu'ils s'empressèrent d'allumer.
Le lieu de stockage était vide. Il n'y avait que des immenses étagères métalliques, appartenant à l'entreprise qui le possédait autrefois. Cynthia fit signe au deux autres de regarder droit devant eux, en hauteur. Une mezzanine surplombait les allées. Il s'agissait sûrement de bureaux. Ils y montèrent et arrivèrent dans une pièce occupée par un mobilier de bureau abandonné. Les tiroirs étaient vides. Aucune trace de l'ancien propriétaire de l'entrepôt ni de Jo et ses amis.
—Il n'y a personne, fit Matthias.
—Je ne comprend pas, répondit Daisy. C'est pourtant l'endroit mentionné dans le carnet. J'en suis certaine. Les rues dessinées par la fille, la forme des bâtiments, tout concorde.
—Cynthia, fit le jeune homme. Est-ce que tu perçois la présence de quelqu'un ?
La petite fille se concentra un instant. Elle ressentit de nombreuses personnes proches du complexe.
—Oui, répondit-elle simplement.
Des portières de véhicules claquèrent. Le groupe se précipita vers les fenêtres. Il y avait deux voitures et cinq fourgons. Une trentaine d'hommes armés en sortirent. Tous portaient la même tenue militaire grise par dessus laquelle ils arboraient un gilet pare-balles. Leurs visages étaient dissimulés sous un masque ballistique. Seul l'un d'entre-eux était sorti à visage découvert. Un visage que Cynthia aurait reconnu entre mille.
—Je le connais, dit-elle. C'est monsieur Hirsch. Il travaille avec mon père.
—Tu es sûre ? demanda Daisy.
—Oui.
—C'est sûrement lui qui a enlevé Leslie, dit Matthias. Mais... je ne la vois pas.
—Ok, fit Matthias en chargeant son arme. Ils vont entrer dans le bâtiment et je ne crois pas qu'ils soient amicaux. Il faut qu'on sorte d'ici.
—Ouais, répondit Daisy en chargeant elle aussi son arme avant se s'accroupir devant la petite fille.
—Ecoute Cynthia. Tu restes avec nous, d'accord ? Et tu fais ce qu'on te dis de faire.
La fillette ne répondit rien.
—Tu sais chérie, ajouta Matthias. Je crois que dans ces situations, c'est plutôt elle qui nous protégera que le contraire.
Cynthia laissa apparaître un sourire. Matthias lui faisait confiance et elle appréciait ça. Il était probablement la seul personne à ne pas la voir tel un monstre.
Elle fut ejectée de ses pensées lorsqu'elle entendit un bruit métallique. Comme une tige de métal qui s'était écrasée au sol. Elle se retourna vers la porte par laquelle ils étaient entrés dans la pièce et regarda en contrebas.
Il était là, armé d'un pistolet et accompagné de quatre autres personnes, armées elles aussi : une fille et trois garçons dont Cameron qui brandissait une épée qui scintillait d'un bleu envoûtant. Cynthia devina qu'il s'agissait de la chose qu'elle ressentit quelques heures avant. "C'est ça qu'il cachait", se dit la petite fille. "Une épée magique".
Elle réfléchit un instant. Les hommes de Sentinel s'apprêtaient à entrer lourdement armés dans l'entrepôt. Elle était consciente que Hirsch voulait récupérer l'armure. Mais s'il y arrivait, qu'adviendrait-il de Jo ? Et de ses amis ? Il les ferait sûrement tuer. Elle devait faire quelque chose.
—Jo ! cria-t-elle.
Le garçon en armure s'arrêta net, imité par ses amis, et se tourna vers l'origine de la voix.
—C'est elle, dit Cameron. Elle était avec le policier.
—Faut pas rester là ! cria un autre garçon, entre seize et dix-huit ans, armé d'un fusil à pompe. Ça va grouiller de ces types dans pas longtemps. Ils nous ont doublé ! Leslie n'est pas avec eux !
Cynthia fit face au regard de l'armure. Elle ne savait pas ce qui passait dans la tête de son porteur à ce moment-là. Elle ne savait même pas s'il l'avait reconnu. Il devait sûrement se demander comment elle connaissait son nom.
Il fit quelques pas vers les escaliers, comme s'il s'apprêtait à la rejoindre. Mais des coups de feu retentirent. Les hommes de Sentinel étaient entrés. Jo s'arrêta et tourna le regard vers la petite fille toujours immobile à le regarder.
La respiration de Cynthia s'accélèra. Elle ne savait pas quoi faire. Matthias et sa petite amie ouvrirent le feu. Lorsqu'elle entendit les déflagrations, elle comprit qu'elle n'avait pas le choix. Elle devait laisser Jo et leur porter secours. Mais avant elle adressa un dernier regard au garçon.
—Pars ! lui cria-t-elle. Pars ! Ils sont là pour toi !
Sur ces mots, elle lui tourna le dos, les larmes aux yeux, résignée à devoir laisser partir la personne qu'elle tenait tant à retrouver, afin d'aider deux de ses amis.
Elle tenta de se convaincre qu'elle le retrouverait une fois encore et que cette fois-ci, elle pourrait tout lui raconter. Sur cette armure, sur les projets de son père. Tout.
Elle poussa deux hommes à travers une fenêtre puis en souleva un troisième qu'elle projetta sur deux de ses collègues avant d'en étouffer deux autres par la pensée en tendant ses bras devant elle. Elle était remplie de colère envers ces hommes. Daisy avait du mal à croire ce qu'elle voyait. Et Matthias n'arrivait pas à reconnaître la petite fille qu'il avait rencontré dans cette superette quelques jours auparavant.
Il ne restait plus qu'un paramilitaire dans la pièce. Tellement terrifié par ce qu'il venait de voir qu'il commença à prendre la fuite avant d'être immobilisé par la petite fille qui le plaqua ensuite au sol. Mais pas suffisamment fort pour le tuer. Elle avait besoin de lui vivant, pour lui poser une question. Une seule.
Elle s'avança alors vers lui puis elle le souleva par la pensée, le claqua sur un mur et lui écarta les membres.
Matthias était lui aussi terrifié par la petite fille. Il se demandait si elle ne représentait finalement pas un danger, comme l'avait suggéré sa petite amie.
—Cynthia... c'est bon arrête, dit-il.
La petite fille ne l'écouta pas et continua à tirer sur les membres du soldat qui hurla de douleur.
Matthias put entendre l'un des bras ou l'une des jambes craquer.
—Cynthia... Tu n'obtiendras pas ce que tu veux en faisant ça.
—Tu ne sais pas ce que je veux.
—Tu te trompes... Tu veux ce que toutes les petites filles de ton âge veulent. Tu veux vivre une vie ordinaire. Crois moi, je déteste ces types autant que toi. Mais regarde-toi... Je t'en prie. Ne devient pas comme eux.
La petite fille relâcha sa proie qui sécroula au sol, puis se tourna vers Matthias et Daisy, tellement terrifiée qu'elle n'avait pas prononcé le moindre mot.
—Je ne suis pas comme eux.
—Je sais, lui répondit le policier. Je sais.
Le paramilitaire pensant qu'il pourrait prendre l'avantage sur ses adversaires, dégaina son pistolet de son bras encore valide, retira la sécurité et le pointa vers la fillette. Mais il ne pouvait rien face à elle.
Cynthia le poussa à travers le mur. Le corps éclata, le sang gicla. Il ne restait plus grand chose du mercenaire. Matthias et sa petite amie étaient pétrifiés par ce qu'elle venait de faire. De son côté, la Paranormale ne semblait même pas affectée par ses actes. Elle ne semblait ressentir aucun remord. Comme si ce qu'elle venait de faire était pour le moins normal.
—Mais... Qu'est-ce que, commença Daisy avant d'être interrompue par la fillette.
—Je viens de nous sauver.
***
À l'extérieur du bâtiment, Hirsch devina qui était à l'origine de tout ces cris et toutes ces pertes. Il ne pensait pas la voir à cet endroit. Même si il savait qu'elle recherchait le porteur de l'armure, il se demandait comment est-ce qu'elle avait pu le retrouver aussi vite. D'où tenait-elle l'information quant à sa localisation ? Pas le temps de réfléchir à cette question.
—Tous le monde ! On se replie ! ordonna-t-il au reste de ses hommes.
—Monsieur ? fit l'un d'entre-eux, étonné par la décision.
—Je sais ce qui est en train de massacrer nos hommes ! Nous ne sommes pas à la hauteur, répondit sèchement Hirsch. On rembale tout ! C'est un ordre !
—À vos ordres monsieur. Mais... et l'armure ? Il va nous échapper...
—Il nous a déjà échapper. Mais nous avons toujours Leslie. On va passer à ce qui aurait dû être notre plan A dès le départ.
—Très bien monsieur.
***
Quelques minutes plus tard, après s'être assurés qu'il n'y avait plus aucun danger, Cynthia et ses deux compagnons sortirent de l'entrepôt. Ce que venait de faire la fillette n'avait pas laissé les deux policiers indifférents. Daisy la craignait encore plus alors que Matthias de son côté ne voulait pas croire que Cynthia était dangereuse.
—Tu as vu ce qu'elle à fait ? Ce n'est peut-être pas pour rien que Rising Drake la recherche, dit Daisy à voix basse, éspérant que la petite fille n'entende pas.
—Ils ne s'attendaient pas à la voir. Ils étaient là pour l'armure. Pour Jo. Pas pour elle.
—Ça ne change rien à ce qu'elle a fait.
—Elle l'a fait pour se défendre. Pour nous protéger.
—Je sais. Mais tu as vu son visage ? Ses yeux ? On aurait dit qu'elle prenait goût à torturer ce type. Matthias... Je t'aime et je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose à cause d'elle. Tu comprends ?
Cynthia entendait leur conversation à propos d'elle. Matthias semblait être en train de la défendre. malgré ce qu'elle avait fait, il continuait de voir en elle une petite fille perdue. Mais elle ne voulait pas être source de problèmes pour eux. Elle commença à s'éloigner d'eux lorsque Matthias, la voyant s'éclipser, tenta de la rattraper.
—Cynthia ! cria-t-il. Attend !
—Non ! hurla la petite fille en se retournant et en plaquant son ami au sol par la pensée. Ne me suis pas !
Daisy se précipita vers son petit ami pour l'aider à se relever. Cynthia pouvait resssentir son cœur battre la chamade.
"S'il te plait. Laisse moi", dit Cynthia au policier par télépathie. "N'essaie pas de me suivre. Elle a raison. Je n'attire que des ennuis."
Sur ces mots, elle tourna une dernière fois le dos aux deux policiers avant de reprendre sa course. Elle était déterminée à retrouver Jo. Bien évidemment, elle ne savait pas où le trouver. Mais elle avait une petite idée de qui pouvait lui dire. Quelqu'un qui n'avait apparemment pas été tout à fait honnête avec elle et Matthias.
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