Chapitre 34
À proximité de la zone commerciale de Fremonside
Une fois arrivée à destination, Cynthia déscendit du véhicule et usa de ses dons pour disparaître aux yeux du vieil homme. Ce qui renforça encore plus l'impression qu'il avait d'avoir affaire à une auto-stoppeuse fantôme.
La petite fille laissa cet homme figé au volant de sa voiture, traumatisé par ce qu'il venait de vivre. Personne ne le croirait lorsqu'il racontera avoir vu et transporté ce qu'il pensait être le fantôme d'une fillette.
Quelques dizaines de minutes plus tard, elle arriva vers la zone où se trouvait la base Sentinel. Comme sur l'ordinateur de Cameron, celle-ci était entourée de grilles sur lesquelles se trouvaient des fils barbelés ainsi que des caméras de surveillance. L'entrée de l'enceinte était gardée par cinq mercenaires surveillant avec zèle, l'arme à la main et prêts à la pointer sur quiconque s'approcherait d'un peu trop près. Les seuls qui avaient, de droit, l'autorisation d'entrer, étaient les représentants de Rising Drake, la Police et l'armée.
Cynthia ne voulait pas tenter l'entrée principale. Même si elle arrivait faire croire qu'elle n'était pas là, il fallait pour cela qu'elle ait conscience de toutes les personnes qui se trouvaient à cet endroit en ce moment-même. Si ne serait-ce qu'un seul garde lui échappait, il la verrait et pourrait donner l'alerte et déjouer sa ruse en indiquant sa présence aux autres.
Elle utilisa alors ses pouvoirs pour bondir au dessus de la muraille de fer et atterrir en douceur de l'autre côté, dans des hautes herbes où elle resta quelques secondes, le temps de s'assurer que personne ne l'avait repérée. Après quoi, elle se remit en mouvement, à la recherche d'une entrée.
Au bout de quelques minutes, elle repéra une grille d'aération qu'elle arracha par la pensée, afin de s'introduire à l'intérieur de la conduite.
Elle ne savait pas où se trouvait Leslie et la base semblait être assez grande. Elle savait que tôt ou tard, elle devrait sortir de sa cachette et livrer combat.
***
À l'intérieur de la base
Hirsch entra dans la salle où était retenue la jeune Leslie. C'était la première fois qu'elle le voyait depuis qu'elle lui avait avoué, sous la pression, l'endroit où elle avait l'habitude de retrouver Jo. En voyant sa mine remplie d'agacement, elle en déduit que ça ne s'était pas déroulé comme il l'avait prévu.
—Alors ? demanda-t-elle. Vous avez eu ce que vous cherchiez ?
—On a eu des complications.
—Mais non ?
—Te fout pas de notre gueule !
La jeune fille était rassurée de savoir que son ami avait réussi à fuir.
—Je vous l'avais dis. Vous ne l'attraperez jamais.
—Tu crois ça ? Sauf que là, on va passer à autre chose.
Leslie perdit soudainement son assurance, se demandant de quoi il parlait.
—Voilà ce qu'on va faire. On va téléphoner à ton cher ami utopien et lui dire que s'il ne se pointe pas ici dans les prochaines vingt-quatre heures... On sera dans l'obligation de nous en prendre à toi.
—Et s'il n'est pas sur Exotis ? Il ne risque pas de vous répondre.
—Ça m'étonnerais fort qu'il soit reparti pénard sur Utopia en te sachant avec nous.
—Oui... ça se tient. Mais vous, vous ne savez pas ce que vous faites.
Harlan fixa la jeune fille d'un air inquisiteur.
—L'armure, reprit Leslie. Vous ne la récupérerai pas. Et dans vingt-quatre heures, je serai libre comme l'air et vous, vous serez morts. Et si vous me tuez alors vous pourrez dire adieu à vos familles. Dans les deux cas, vous êtes mal barrés. Sauf si vous me relâchez.
—Mais c'est qu'elle nous menace, dit Harlan en regardant les deux gardes qui l'accompagnaient, avant de replonger son regard froid sur l'adolescente. Non tu n'as rien d'une tueuse.
—Ouais. Vous avez raison. Je n'ai rien d'une tueuse. En tout cas je ne tuerais jamais personne de sang froid. En revanche, je co...
La jeune fille fut interrompue lorsque des alarmes commencèrent à crier.
—Qu'est-ce qui se passe ici ? demanda Hirsch.
—On a une intrusion, monsieur, répondit un membre de Sentinel. Un homme, seul.
—Seul ? Qui ?
Leslie prit une grande inspiration et fixa Hirsch du regard. Elle savait très bien de qui il s'agissait.
—Fuyez, lui dit-elle. Si vous tenez à la vie plus qu'à cette armure, fuyez !
—Quoi ?! s'énerva Hirsch. Tu sais qui est ce type ?
L'ex-militaire voyait que sa prisonnière angoissait. Elle semblait craindre celui qui venait de s'introduire dans son domaine.
—C'est lui ? demanda-t-il en lui glissant une photo de l'armure X.
—Pire.
Hirsch et son second se regardèrent dans les yeux. Qu'entendait-elle par "pire".
—Fuyez je vous dis, leur dit-elle à nouveau. C'est moi qu'il veut, partez ! Laissez-moi et allez vous en ! Je vous en prie...
—Bien essayé petite, répondit Hirsch avant de s'adresser à ses hommes par radio. À toutes les unités, tirez à vue. Descendez ce type.
—Vous ne savez pas ce que vous faites.
—Ouais tu me l'as déjà dit. Mais rassure toi, il est seul et mes hommes sont lourdement armés. Qui qu'il soit, il ne s'en sortira pas.
—Vous ne pouvez pas l'arrêter. Personne le peut.
Hirsch saisit Leslie par le bras avant de dégainer son pistolet.
—Maintenant on sort d'ici.
***
Cynthia avançait dans la conduite d'aération. Depuis que l'alarme sonnait, elle était effrayée. Elle en venait même à se demander si ce n'était pas elle qui avait été détectée. Cette hypothèse fut très vite balayée de son esprit, lorsqu'elle entendit les premiers coups de feu et les premiers hurlements.
Elle ressentait alors la peur des hommes de Sentinel. Elle pouvait entendre leurs cris de douleur, leur cris de terreur. Qui ? Qui pouvait être à l'origine de tout ça ?
Le bruit des armes était de plus en plus proche et les tirs de plus en plus nombreux. La chose s'approchait. La petite fille vit une grille à quelques mètres d'elle. Elle rempa jusqu'à arriver à côté et y attentit. Elle voulait voir ce qu'il se passait et contre quoi ces hommes se battaient.
Elle fut aveuglée par un flash. Il ne s'agissait pas d'une grenade aveuglante mais d'un éclair. Comme ceux qu'elle arrivait à produire, mais plus puissant encore.
Les coups de feu se faisaient alors de plus en plus rare. Les troupes de Sentinel devaient être de moins en moins nombreuses dans ce couloir. Lorsque Cynthia retrouva une vision claire, elle vit l'un des derniers hommes encore debout se faire soulever par une force invisible et foudroyer. Une autre fut attrapée par cette même force avant de disparaître de son champ de vision. Moins d'une seconde plus tard, un cri strident retentit et le sang gicla et éclaboussa la grille derrière laquelle Cynthia se cachait. Puis, plus rien.
La petite était tétanisée. Les images de sa fuite du Refuge repassèrent en boucle dans sa tête. Elle avait l'impression de revivre la scène. Elle "voyait"ce qu'elle avait fait ce jour-là.
Soudain, elle vit passer devant elle une personne portant un long manteau brun et encapuchonnée. Elle ne put donc voir son visage, mais il s'agissait de cette sombre présence qu'elle avait ressentie à deux reprises. Elle se souvint avoir dit à Matthias Negret qu'il n'aurait rien pu faire contre lui, mais qu'elle, aurait su le protéger. Elle se demandait à présent si elle en aurait vraiment été capable.
Elle ressentait la colère, la Haine, la détermination. Le plaisir de tuer. Mais aussi noir que pouvait être cet individu, il résidait encore en lui une once d'Amour. Elle l'avait déjà ressentie dans la forêt de Wattrem. Elle le décela une nouvelle fois. Mais pour qui était cet Amour ?
***
Dans une autre zone du bâtiment, Hirsch, tenant toujours Leslie par le bras, courait, escorté par une douzaine d'hommes et femmes armés de fusils d'assaut. Alors qu'il avait demandé à ses troupes de combattre, lui était en train de fuir.
—Dis moi contre qui mes hommes se battent ? demanda Hirsch à sa prisonnière qui resta muette.
Le silence de la jeune fille n'enchanta pas son ravisseur qui s'arrêta pour lui faire cracher le morceau.
—Parle ! hurla-t-il en la secouant. Qui est en train de massacrer mes hommes ?!
—C'est mon père.
—Ton... père ? Tu es donc la fille d'un Paranormal ?
Une silhouette encapuchonée arriva au bout du couloir. Calme et posée, elle s'approcha d'un pas assuré vers ceux qui détenait sa progéniture.
—Monsieur, fit l'un des soldats. Il est là !
—On le descend ! hurla Hirsch.
Sur ces paroles, un déluge de balles s'abattit sur l'homme. Mais aucune ne le toucha. Les forces de Sentinel avaient l'impression de tirer à blanc. Le Paranormal avançait vers eux telle la mort s'approchant de ses victimes, tout en arrêtant, déviant ou renvoyant les projectiles.
Hirsch voyait ce qui restait de ses hommes, tomber un à un. Foudroyés, étouffés, fracassés contre les murs ou le plafond, tués par renvoit de leur propres balles. Il était terrorisé. Les cris de douleur et de terreur de ses compagnons le figèrent. Bientôt, il ne resta plus que lui, et la jeune fille, effrayée elle aussi par ce qu'elle voyait. Bien qu'elle savait qu'il s'agissait de son père, et qu'il ne lui ferait aucun mal.
Le ravisseur leva son arme pressa la gachette dans un vain espoir de toucher sa cible. En moins de dix secondes, il se retrouva à court de munition. Le Paranormal ne se trouvait plus qu'à quelques mètres d'eux. Il était trop tard pour Hirsch.
***
Cynthia entendit le cri d'un homme. Puis, plus rien. Le silcence absolu. La mort avait fait son œuvre, emportant avec elle la quasi totalité des hommes et femmes de Sentinel présent dans cette base.
La petite fille pleurait de peur. Tous les cris et les coups de feu retentissaient encore dans sa tête. Elle attentit encore quelques minutes, toute recroquevillée dans la conduite d'aération, pour être certaine que tout était fini.
Lorsqu'elle se décida à sortir, elle avança, les larmes coulant le long de ses joues, jusqu'à arriver près d'un amas de corps sans vie. Un peu plus loin un homme qui ne portait pas l'armure Sentinel rempait tout en laissant une trainée de sang derrière lui. La petite fille s'approcha de l'homme et reconnut Hirsch.
—Monsieur Hirsch ? dit-elle.
—Toi ? fit l'ancien collaborateur du père de la Paranormale, étonné de la voir ici. Regarde ce que les gens comme toi sont capables de faire. Vous n'apportez rien d'autre que la mort.
—Où est Leslie ?
Harlan Hirsch se mit à rire. Un rire qui fut très vite suivit par une toux.
—Tu es venue pour elle ? Il... Il... l'a emportée.
Hirsh, à bout de force s'allongea sur le dos. Il sentit ses derniers instants arriver. Il avait de plus en plus de mal à respirer, il devait avoir un poumon perforé. Un filet de sang commençait à s'écoulait de sa bouche.
—Vous êtes... vous êtes des... abominations. Une erreur de la Nature. Vous devez... Vous dev... ez...dis... pa... raître.
Sur ces paroles, Harlan Hirsch s'éteignit, les yeux fixant le plafond. Ses derniers mots traduisaient sa haine des Paranormaux. Il avait toujours détesté Cynthia, c'était évident. S'il avait accepté d'aider son père, c'était uniquement pour l'armure X.
Le regard toujours porté sur Hirsch, la petite fille décida qu'il était temps pour elle de quitter cet enfer. Elle était venue libérer Leslie avant que Jo ne tente de le faire. Quelqu'un de très puissant et de très dangereux s'en été chargé à sa place. Elle n'avait plus rien à faire à cet endroit. Elle dévia les yeux du cadavre de Hirsh et commença à chercher la sortie. Son chemin était truffé de corps inanimés.
En les voyant, Cynthia réalisa alors la dangerosité des Paranormaux. Elle comprenait maintenant pourquoi son père l'avait enfermée durant toutes ses années. Il voulait éviter qu'elle soit comme cet homme.
Elle ne voulait pas être comme lui. Mais une partie d'elle lui ressemblait. Elle aussi était capable des pires massacres. Tout comme lui, elle était... un monstre.
Annotations