Chapitre 25
Cynthia et Matthias avançaient dans cette forêt. Elle n'était pas très dense. Ils y progressaient assez facilement et tentaient de trouver une trace de la présence de ces ados qui y trainaient et dont Jo faisait vraissemblablement parti. En même temps, la petite fille se concentra sur ce qu'il se passait autour d'elle. Elle était attentive à chaque son provoqué par les frottements des branches, le vent carressant les feuilles des arbres, les chants des oiseaux. Elle tenta même de percevoir les éventuelles présences dans ou à proximité de la forêt. Et il y en avait une plus particulière que les autres. Une présence noire.
—Je ressens quelque chose. dit-elle. Quelqu'un.
—Qui ? demanda Matthias en posant la main sur son pistolet.
Ce n'était pas la première fois qu'elle la ressentait. La première fois, c'était au Refuge, lorsque son père tentait de lui apprendre à se contrôler. Cette présence était si étrange et contradictoire à la fois. Si obscure mais aussi avec une pointe d'amour. Se pouvait-il que ce soit cette chose qu'avaient combattu ces adolescents ?
—Je ne sais pas. C'est juste une présence que je ressens.
Cynthia ne voulait pas terrifier son ami à propos de ce qu'elle percevait. Elle lui dissimula cette profonde noirceur qu'elle sentait.
—Tu ressens la présence des gens ?
—Oui.
—Qu'est-ce que ça fait ? Je veux dire... Qu'est-ce que tu ressens quand ça arrive ?
—Je sais pas... Je sais qu'elle est là, c'est tout. J'arrive pas à expliquer. C'est pas toujours. Il faut que je me concentre pour ça.
L'explication ne convint pas au policier qui resta sur ses gardes. Il continua à avancer aux côté de la fillette tout en regardant autour de lui, recherchant cette mystérieuse présence. Son comportement amusa Cynthia qui laissa un sourire se dessiner sur ses lèvres.
—Ne t'inquiète pas. Je pense qu'elle est loin. Et puis si c'est un monstre avec des pouvoirs, je crois que ton arme servira à rien.
—Merci de me rassurer, répondit Matthias.
—Je te protégerai, moi.
Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent près d'une cabane dans un arbre. Une petite construction faite de bois et de taule.
—Je crois bien que c'est ici qu'ils restaient, fit le jeune homme.
Mais il semblait n'y avoir aucune trace d'un passage récent. L'abri de fortune apparaissait de l'extérieur comme abandonné depuis un moment. Le policier grimpa à l'échelle qui menait à l'intérieur, afin d'y jeter un coup d'œil. Il n'y avait qu'une petite table et deux tabourets. Mais rien témoignant d'une activité récente.
—C'est vide, dit-il en redescendant.
—Mais... S'il venait bien ici, alors où il pourrait être maintenant ?
Le jeune homme attendit d'être complétement descendu de l'échelle avant de répondre à cette question. Il ne connaissait pas grand chose de l'Incident de Wattrem ni même de Jo. Mais il y avait quelque chose dont il était à peu près sûr. Une hyptohèse qui lui était parvenu après avoir enquêté sur bon nombre de phénomènes étranges et témoignages d'objets volants non identifiés. Pour lui certains de ces engins provenaient sans doute du monde voisin. Il se pouvait bien que le garçon que recherchait Cynthia vienne de là lui aussi.
—Si tu veux mon avis, commença-t-il en se plaçant derrière la fillette. Je crois que le garçon que tu recherches ne vient pas d'ici. Je crois qu'il est... utopien.
—Oui je sais, répondit Cynthia qui avait toujours le regard dirigé vers la cabane.
—Tu le sais ? Comment ça ? demanda Matthias, intrigué par le fait que la petite semblait en savoir plus que lui.
—C'est mon père qui me l'a dit.
—Ton père ? C'est ton père qui t'a dit ça ?
—Oui, répondit Cynthia sans se retourner.
—Mais... C'est qui ton père pour savoir ça ?
Cynthia savait que répondre à cette question serait trahir ses origines. Elle se doutait que son père devait être quelqu'un de connu. Mais elle ne pouvait plus cacher au policier d'où elle venait.
—Hal Damon.
La réponse tétanisa Matthias qui se remémora certaines discussions qu'il avait eu avec elle, et comprit soudain beaucoup de choses.
—Hal Damon... Le PDG de Rising Drake... Tu es la fille du PDG de Rising Drake...
—Oui, confirma la petite fille après s'être retournée.
L'endroit qu'elle lui avait décrit et d'où elle disait être originaire, devait sûrement être l'un des complexes de l'entreprise. La différence avec la prison devait être minime tout compte fait. Il avait presque vu juste tout à l'heure. Mais pour Matthias, si Hal Damon avait retenu sa fille "prisonnière" pour développer ses dons, ça ne voulait dire qu'une seule chose.
—Une arme... Il voulait faire de toi une arme.
—Non. Pas une arme. Un "bouclier". C'est ce qu'il m'a dit. Un "bouclier".
—Hal Damon est connu pour concevoir des armes pas des boucliers. Alors je crois qu'il t'as dit ça pour ne pas t'avouer qu'il comptait t'utiliser des fins offensives.
Cynthia inclina la tête tout en fronçant les sourcils.
—Pour faire la guerre je veux dire. reprit le policier avant de plonger son regard au sol. Mais quel genre de père voudrait faire de son enfant une arme ?
Cynthia prit une mine désespérée. Elle ressentait l'inquiétude du policier. Mais maintenant qu'il connaissait la vérité concernant ses origines, elle souhait connaître ses intentions. Elle s'approcha de son ami et lui prit la main.
—J'ai pas envie de te faire du mal... Maintenant que tu sais qui est mon père, n'essaie pas de me conduire à lui s'il te plait. J'ai pas envie de retourner là-bas.
Matthias remonta les yeux sur la petite fille, tout en lui serrant légèrement la main.
—Ne t'inquiète pas Cynthia. Je ne ferais jamais ça. Tu ne mérite pas d'être une... "arme" au service de ton père. Tu vaut beaucoup mieux que ça j'en suis persuadé.
Cynthia esquissa un sourire pour lui dévoiler sa reconnaissance, lui qui ignorait le massacre qu'elle avait pu faire la veille, puis retourna près de la cabane pour tenter d'y voir un quelconque signe prouvant le passage récent de Jo.
—Mais il va falloir que tu viennes chez moi, continua Matthias. Et ça... ça risque de ne pas plaire à Daisy.
—Je peux rester dehors, répondit la paranormale.
—Non. Hors de question. Je crois que j'arriverai à convaincre et à rassurer Daisy. En plus, on n'habite pas ensemble. C'est juste qu'elle passe beaucoup plus de temps chez moi que chez elle.
Le policier sentit qu'une relation de confiance était en train de s'installer entre lui et la petite. Leur discussion fut interrompue par la venue d'une personne.
—Qui êtes vous ? demanda celle-ci.
Cynthia et Matthias se retournèrent vers l'origne de la voix et découvrirent un jeune garçon d'une quinzaine d'années tout au plus. Il était vêtu d'une chemise rouge à carreaux par dessus laquelle il portait une veste en Jean bleue. Il avait les cheveux noirs et ébouriffés et les yeux marrons.
La petite fille se concentra un instant sur lui. Il ne s'agissait pas de la présence qu'elle avait perçue quelques minutes auparavant. Ce garçon ne semblait pas dangereux.
—Je suis l'agent Matthias Negret, répondit le policier sans prendre le temps de présenter celle qui l'accompagnait.
La petite fille fixait le garçon d'un regard menaçant. L'adolescent avait lui aussi le regard plongé sur elle.
—Et toi ? Qui es-tu ? demanda Negret.
—Je m'appelle Cameron, répondit le garçon en détournant les yeux de la petite fille pour les rabattre sur le policier. J'habite pas très loin. Je me ballade souvent ici. Je ne vous ai jamais vu c'est pour ça. Vous êtes de la Police ? Qu'est-ce qui vous amène ici ?
—Eh bien...On...
—On cherche quelqu'un, dit Cynthia en faisant quelques pas vers Cameron. Il s'appelle Jo et porte une armure bleue ? Est-ce que tu l'as vu ?
Après qu'elle eut prononcé le nom du porteur de l'armure, elle sentit le pouls de l'adolescent s'accelérer. Pour elle il connaissait Jo, c'était évident.
—Est-ce que tu l'as vu ? redemanda la petite fille d'un ton menaçant. Est-ce que tu l'as vu ?
—Cynthia, fit Matthias, je ne crois pas que...
—Non, coupa Cameron. Je ne l'ai pas vu depuis un moment.
Les battements de cœur du garçon revinrent à un rythme normal.
—Qu'est-ce que vous lui voulez ?
—Rien... On veut juste lui parler, le rassura le policier. Tu sais où on pourrait le trouver ?
—Non. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'est pas de Wattrem.
Le silence s'installa entre les trois individus.
—Je ne sais rien de plus, désolé. finit pas ajouter l'adolescent.
—Tu es l'un des ados de l'incident de Wattrem, je me trompe ? demanda Matthias.
Un sourire apparut sur le visage de Cynthia. Son ami posait les bonnes questions. Elle savait que si Cameron mentait, cette question le destabiliserait.
—J'essaie de ne plus penser à ce que j'ai vécu ce jour-là.
—Mais tu as vu quelque chose, n'est-ce pas ? Et ce... Jo, était là, non ?
—Ouais, mais je vous le répète, tout ça c'est du passé. C'était il y a presque trois ans. Et Jo je ne l'ai pas revu depuis au moins deux mois.
—Deux mois ? Et qu'est-ce qu'il venait faire ici ?
—Rien de spécial. Il trainait avec des amis à lui, dans cette cabane. Mais ils n'y viennent plus depuis quelques mois. Si vous le cherchez, vous ne le trouverait pas ici.
—Merci, conclut Matthias.
Cameron dévisagea une dernière fois la petite fille avant de tourner les talons et repartir d'où il était arrivé.
Cynthia le regarda s'éloigner tout en réfléchissant à ce qu'il venait de dire. Une fois disparu de son champ de vision, la tension monta.
—Il ment, s'énerva-t-elle.
Le vent souffla plus fort. Comme si une tempête s'était soudainement déclenchée pile à l'endroit où ils se trouvaient et nullepart ailleurs. Matthias comprit que la petite fille en était à l'origine.
—Cynthia, attend, dit Matthias en la retenant. Regarde la cabane. Elle est vide. Pas la moindre trace montrant que Jo est passé par-là ces derniers jours. Ok il cache quelque chose concernant l'incident de Wattrem, mais je crois qu'il dit la vérité concernant Jo. Il n'est pas venu ici depuis un bon moment.
Cynthia respira profondemment pour se maîtriser. Progressivement, le vent se calma lui aussi. Le policier était impressionné par la puissance que semblait renfermer la fillette. N'importe qui aurait prit ses jambes à son cou face à un tel phénomène. Mais lui, avait l'habitude.
—Alors qu'est-ce que je vais faire ? Il faut que je le retrouve avant mon père.
—Avant ton... Attend... Qu'est-ce qu'il a à voir avec lui ton père ?
—L'armure qu'il porte, c'est mon père qui l'a fabriqué. Et il veut faire de lui un bouclier, comme moi.
Matthias devina la motivation de la paranormale.
—Et ce garçon, n'est pas au courant, c'est ça ?
—Non.
—Et tu n'as pas envie qu'il soit utilisé par ton père, répondit-il avant de s'agenouiller devant la fille du Dragon. Je vais demander à un collègue de me tenir informé de tous les signalements concernant un individu en armure qui aurait été aperçu. Il va trouver ça ridicule, même venant de moi, mais tant pis. On le retrouvera. Je te le promet.
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