Mesdames, acceptez nos excuses…

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Dans une société dominée par les hommes, où les femmes sont souvent méprisées, leurs voix au chapitre est tellement faible qu’elles demeurent silencieuses.

L’Ancien Testament est un livre d’hommes, où les femmes ne jouent qu’un rôle auxiliaire, qui n’a de sens que dans le contexte de l’activité masculine. Il devient dès lors logique que le discours des femmes ne soit pas régi par les mêmes règles que celui des hommes, car l’appartenance à un sexe ou à l’autre est aussi déterminant que ce qui est dit : Que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d'y parler ; mais qu'elles soient soumises, selon que le dit aussi la loi. Si elles veulent s'instruire sur quelque chose, qu'elles interrogent leurs maris à la maison, (1Corinthien 14,34/35). Et c’est pourtant le Nouveau Testament qui nous parle, Saint Paul est déroutant !

De même, lorsque naît l’islam en 622, l’intention du Prophète est d’instaurer une communauté religieuse et démocratique où hommes et femmes discuteront les lois de la cité :

Hommes soumis, femmes soumises

Hommes croyants, femmes croyantes

Hommes pieux, femmes pieuses

[…] Pour vous, sans distinction Dieu prépare sa clémence,

La récompense grandiose. Coran 33, 35

A partir d’un tel projet, quels méandres ont mené jusqu’à cette figure prégnante de la femme voilée, mise à l’écart de la vie politique, confinée dans l’espace privé au nom de la foi religieuse ? L’ange Djibril se serait-il repenti ? Il ne sera fait aucun reproche aux femmes du Prophète de se tenir derrière un hidjab si vous n’êtes ni père, frère, fils de leur frères ni femmes de tous ceux-là. Et quand vous vous adressez aux épouses derrière les cloisons, nul besoin de longues discussions, Allah est informé de vos curiosités inutiles, elles blessent Son Prophète.

Coran 33, 53-55

Ecoutons le plaidoyer de Rachel auprès de Marie, bien avant l’Hégire :

  • La justice enseignée par la loi de Moïse est grande et même admirable. Mais ses faiblesses, nous les femmes, nous les voyons bien : pourquoi établit-elle une inégalité entre la femme et l’homme ? Pourquoi Abraham peut-il offrir son épouse Sarah à Pharaon sans que cette faute l’accable ? Pourquoi l’épouse n’est-elle toujours que poussière dans la main de l’époux ? Pourquoi, nous autres femmes, comptons-nous pour moindres que les hommes dans l’humanité, alors que par le nombre et le travail, nous valons autant qu’eux ? Moïse avait choisi une Noire pour être la mère de ses fils. Alors, pourquoi sa justice n’accueille-t-elle pas dans une même égalité tous les hommes et toutes les femmes de la terre ? La Bible au Féminin – Marek Halter.

Cette fourberie apparait aussi en Chine : Le roi est le pilier de l’État. Le père est le pilier de la famille. Le mari est le pilier de la femme. Confucius (5e siècle av-JC), ainsi qu’en Inde : Jour et nuit, l’homme doit veiller à ce que les femmes (de sa maison) ne soient pas indépendantes, car elles sont attachées aux plaisirs des sens. Les hommes doivent donc les garder sous contrôle. Enfant, elles dépendent de leur père. Jeunes, elles dépendent de leur seigneur (de leur époux). Vieilles, elles dépendent de leurs fils. Une femme n’a pas le droit d’agir de sa propre initiative. Lois de Manou, ou Mânava-dharma-shâstra.

Non créée à l’image de Dieu ? La vision dualiste de saint Augustin est surprenante : L’homme est l’esprit, le seigneur de toutes choses ; la femme est concupiscente, elle reçoit les ordres et obéit. Dès qu’elle est séparée de l’homme, elle cesse d’être à l’image de Dieu (De Trinitate). Encore plus grossier pour exclure la femme, saint Odilon de Cluny proclame : la grâce féminine n’est que sang, humeur et bile […] et nous qui reculons de dégoût au contact, même du bout des doigts, du vomi et de l’excrément, comment pourrions-nous donc désirer tenir dans nos bras ce sac d’excrément en personne. Notons que cet individu, appelé « l’archange des moines » par Fulbert (évêque de Chartres de 1006 à 1028) fut jugé digne de canonisation par l’Eglise Romaine en 1065 ! Saint Thomas d’Aquin tiendra des thèses semblables (quoique plus modéré) : Dans un sens second, il y a une image de Dieu que la femme ne reflète pas (Sommes théologiques). Plus tard, Calvin reprendra les mêmes allégations : Les femmes sont à l’image de Dieu, mais à un degré inférieur (Commentaires sur la Genèse).

Soyons présents. Soyons le sujet de notre vie et non l’objet d’autrui.

Mesdames, affirmez votre libre-arbitre ; Messieurs, revenons aux origines :

Dieu créa l’Homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. (Genèse 1,27). Le premier, nous le connaissons déjà. La seconde est une femme rousse aux yeux noirs, à la peau bronzée et d'une beauté parfaite. Elle se nomme Lilith. Adam est conquis et fou amoureux. Malheureusement pour lui, Adam est machiste et veut instaurer un patriarcat dans leur relation. En outre, il veut imposer des relations sexuelles où il dominerait la femme, une allégorie de la célèbre position du missionnaire ! Mais Lilith refuse : « Pourquoi devrais-je être sous toi ? » demanda-t-elle, « J’ai été créée de la poussière, et suis par conséquent ton égale. »

Lilith, la créature égale et l’épouse égale.

Celle qui manque à l’homme pour qu’il ne se repente pas.

Celle qui manque à la femme pour Être.

Elle provient de la même volonté de Dieu et surtout a été créée de la même glaise et en même temps qu'Adam. Alors : pourquoi pas un matriarcat ? Elle refuse l'offre et Adam s'obstine tout autant. La situation est inextricable et Lilith décide de fuir. Elle prononce le nom de l'imprononçable (le prénom de Dieu ?), des ailes lui poussent dans le dos et elle s'envole en dehors du Jardin, pour aller errer sur terre. Adam reste seul et triste. Il se larmoie et implore Dieu de lui rendre ce qu'il considère être sa femme. D'autant que Lilith est très obstinée ; elle ne reviendra même pas sur sa décision - ah les féministes ! - lorsque des anges viennent la raisonner et lui rapporter les ordres de Dieu qui veut qu'elle se soumette aux désidératas de l'homme. Les anges lui annoncent, qu'en cas de refus, elle enfanterait une nombreuse progéniture et une centaine d'entre eux mourrait chaque jour. Le comportement divin est ici assez étonnant. « Qu’aviez-vous à me reprocher ? Je suis aussi divine qu’Adam. J’ai été créée en même temps. Je suis du Feu, et ce Feu m’a été donné à l’incarnation, à la naissance, au moment de la création humaine ». Si on se rapporte au texte plus haut (Genèse 1,27), vous remarquerez pourtant qu'il s'adresse à l'homme et à la femme sur un pied d'égalité, en leur donnant - à eux deux - l'ensemble du Jardin. Dieu n'a jamais expressément dit que Lilith devait obéissance à Adam ! Pourquoi doit-elle à présent se soumettre ? Pourquoi un tel revirement ? En refusant de se plier à ce qui est perçu comme « l’ordre naturel » du monde, Lilith introduit le désordre et la subversion dans la création.

Désespérée, Lilith pense mettre fin à ses jours en se jetant dans la Mer Rouge. Emus – j’adore quand les retournements bibliques n'ont aucun sens - les anges lui accordent le droit de vie ou de mort sur tous les nouveaux nés sur terre jusqu'à leur circoncision ! Pourquoi ? Les voies du Seigneur sont parfois impénétrables !

C'est là que reprend l'histoire bien connue : L'Eternel Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui. L'Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme. Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui. Alors l'Eternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit ; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L'Eternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme. Et l'homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair, (Genèse 2, 18/24)

Tout cela se passe dans le jardin d'Eden, bien après Lilith. Adam, seul, après avoir nommé chaque animal chaque arbre et chaque plante, est au bord de la dépression. Dieu constatant son échec, décide d'endormir l'homme et de lui prélever une côte. Ève qui vient de naître - par extension la "nouvelle" femme. Tout est dit ! Êve fut créée d’une côte d’Adam, pour vivre à ses côtés et non à ses pieds. L'homme et la femme étaient tous deux nus, et ils n'en avaient point honte, (Genèse 2, 25)

La dualité apparait ! Pourtant, toute la force et la puissance de notre monde se révèlent dans les merveilles que Sarah enseigna à Myriam de Maggdala ; peut-être que la façon de parler des femmes est différente, parce qu’elle est comme la trame d’un voile qui laisse les choses être elles-mêmes, et les répare dans leur innocence : S’il y a des guerres, c’est que les hommes et les femmes ne s’aiment pas. Nous les femmes, notre mission c’est de faire des hommes des dieux, sinon, ils redeviennent des bêtes et se retournent contre nous ; il faut donner de l’âme à leur sens, de l’esprit à leur corps sinon leur vie sera celle de brutes qui cherchent à dominer, se jalouser et se déchirer, (Une femme innombrable – J.Y Leloup)

Et Sarah de continuer avec candeur : C’est avec des cris que les hommes commandent aux vaches et aux chevaux. C’est avec des caresses que les femmes commandent aux hommes, mais avant les caresses il y a l’huile et les parfums :

Tu dois envelopper l’homme de l’odeur de ton propre corps, qu’il te respire avant de te toucher, comme un vent tiède chargé de garrigues. Sois comme une colline qui s’approche, comme un été… Qu’il ait le pressentiment de ton immensité ; ce qu’il pourra connaitre de toi sera si peu de toi et pourtant il y trouvera une terre ferme entourée d’abîmes.

Puis s’il vient vers toi, déjà pressé de désir, tiens-le à distance, propose-lui l’onction par laquelle l’homme devient roi avant de se reconnaitre dieu.

Qu’il s’allonge sur ton lit bordé d’aromates ; avec la paume de ta main étends l’huile sur tout son corps et du bout de tes doigts, cherche les lieux de tensions qui empêcheraient la libre circulation de la vie. Ne touche pas son corps, touche son âme, peut-être captive ou encombrée dans le réseau trop serré de ses muscles et de ses nerfs.

N’entre pas dans son corps comme dans un moulin, lourd de mémoires ou d’autres farines. Entres-y comme dans un temple, avec ses différents seuils, ses différentes portes, ses chambres secrètes, ses autels sacrés.

Le corps est mystère et tu es la gardienne et la révélation de ce mystère. Chaque être humain a plusieurs corps, mais la plupart du temps nous ne fréquentons que les plus épais, nous ignorons l’étreinte de nos corps subtils, de nos corps de diamant… Tandis que tes doigts éveillent des zones sensibles, n’oublie pas de chanter ou plutôt de murmurer, chaque organe répond à un chant, à un son.

Le corps est une partition à déchiffrer, une musique à entendre et tu l’entends si tu l’appelle ; chaque partie du corps a une intelligence et un nom propres qu’il faut harmoniser avec le tout : n’oublie pas les océans qui t’entourent, les étoiles qui te regardent, les animaux qui t’adorent. Ce ne sont pas seulement un homme et une femme qui vont se rencontrer, mais deux univers. (Ibid.)

Pour Sarah, le plaisir faisait vraiment partie du rite comme le fruit signe la réussite et l’accomplissement de la fleur : Le plaisir annonce que ton acte est juste et qu’il est agréé de Dieu qui est plus que la vie : la conscience heureuse de vivre. (Ibid.)

Louons alors le Cantique des cantiques :

Qu'il me baise des baisers de sa bouche !

Car ton amour vaut mieux que le vin,

Tes parfums ont une odeur suave ;

Ton nom est un parfum qui se répand ;

C'est pourquoi les jeunes filles t'aiment.

Entraîne-moi après toi ! Nous courrons !

Le roi m'introduit dans ses appartements…

Nous nous égaierons, nous nous réjouirons à cause de toi ;

Nous célébrerons ton amour plus que le vin.

C'est avec raison que l'on t'aime. (Cant.1, 2/4)

Et cela nous invite aux quatrains d’Omar Khayyâm :

Ne laisse aucune ombre de regret t'assombrir,

Aucune peine absurde obscurcir tes jours.

Ne renonce jamais aux chants d'amour, aux prairies, aux baisers,

Jusqu'à ce que ton argile se fonde dans une plus ancienne.

Ce n'est pas la lumière qui meurt au contact des ténèbres,

Ce sont les ténèbres qui meurent au contact de la lumière…

Une lecture éclairée des Ecritures pourrait suggérer que ces livres ne sont pas uniquement adressés aux hommes, préoccupés d’intérêts masculins. Il ne s’agit pas seulement d’hommes mettant en scène des hommes et leur expérience religieuse. Si les commentateurs, exégètes et autres herméneutes de la Bible comme du Coran se sont souvent laissé abuser par leur masculinité, il reste que les relations de l’homme et de la femme avec Dieu ne diffèrent pas.

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