LA 7EME PORTE (2 / 5)
Yuko recula aussitôt, les mains superposées sur sa poitrine :
— Oh mon dieu ! C'est un vrai ?
— Ou pas, suggéra Nérine. Ils font de sacrés trucs dans le cinéma, maintenant. J'ai une copine qui bosse dans ce milieu. C'est trop génial !
Benjamin avança vers le membre, surveillé de près par Demba :
— Si c'est un faux, c'est super bien fait !
— En tout cas, ça ne doit pas faire longtemps qu'il est là. Le sang coule encore, déduit le sénégalais, l'air un tant soit peu écœuré.
Yuko réprima un haut-le-cœur.
— Et donc, on fait quoi avec ça ? demanda Ben le téméraire.
Personne ne connaissait la réponse. Ce dernier inspecta de plus près le membre, en attrapa le poignet afin de le retourner :
— Il est encore chaud. Je crois pas que ce soit un faux. Y a même des poils. C'est le bras d'un mec ou d'une portugaise.
— Merde ! C'est quoi, ce délire ? s'emporta Nérine, désormais convaincue qu'il s'agissait d'un vrai. On va avoir le reste dans les autres pièces ? C'est ça, le programme ?
— Oh non ! Non ! c'est pas possible !
— Du calme, Yuko, temporisa Demba, posant la main sur son épaule tremblotante. Faut qu'on garde notre sang froid. C'est important.
— Eh, la voix ! beugla le barbu ventripotent. Y en a une qui voudrait abandonner tout de suite, c'est possible ou pas ?
— Mais t'es vraiment un connard, toi, lâcha Rose, d'un ton méprisant des plus purs.
Bleu se contenta de glousser, avant d'informer les autres bon gré mal gré de sa découverte :
— Regardez un peu ça !
Demba et Nérine se rapprochèrent, sourcils froncés.
— Ouais, et qu'est-ce qu'il y a à voir ? demanda l'étudiante, flairant l'embrouille.
— Sérieux, tu ne vois pas ? C'est pas n'importe quel bras, c'est le droit.
C'en était trop pour Demba. En un éclair, ce dernier agriffa le col bleu et pointa l'index de son autre main sous le menton du plaisantin, fier de lui.
— Je te jure, encore une blague de merde comme ça, et ça va mal finir. Pigé ?
— Si on peut plus se marrer…
— Tu crois vraiment que c'est le moment ?
— Faut croire que oui.
— Eh ben moi, je te dis que non !
— Ok After Eight. On se suicide tout de suite ou on attend encore un peu ?
L'index baïonnette de Demba disparut. C'était à présent un poing qui menaçait la mâchoire de l'incurable Benjamin.
— Arrêtez ! s'interposa Nérine. C'est pas non plus le moment de jouer à « qui a la plus grosse » ?
— Surtout qu'on connaît déjà la réponse. On peut pas rivaliser avec un sénégalais, s'entêta le boutefeu.
Le poing noir comprimait davantage la mandibule grassouillette.
— Allez, lâche-le. Y a un débile dans le groupe, c'est comme ça, va falloir faire avec.
Comme s'il se résignait, influencé par la sagesse de la jeune femme, Demba éloigna lentement son poing... pour mieux l'armer. Un puissant crochet du droit heurta soudain le maxillaire de Benjamin.
— Ou pas, grinça-t-il, tandis que sa cible s'effondrait comme un sac de sable.
La botte de l'africain s'éleva, piqua en direction de la tête joufflue puis l'écrasa sans retenue. Une fois. Deux fois. Trois fois. Avec la même intensité.
— Alors ? Tu trouves que ça a le goût de menthe ? se déchaîna Demba. Sale enfoiré de merde !
Les consignes de la voix firent écho dans l'esprit de Nérine, horripilée par ce spectacle testotéroné. Profitant du règlement de compte, elle quitta la pièce à la hâte, claqua la porte derrière elle. Des coups de bélier se firent aussitôt entendre. La voix n'avait pas menti. La porte ne bougeait pas d'un millimètre. C'était à peine si l'on pouvait percevoir les injures en provenance de l'intérieur.
De son côté, la passive Yuko sanglotait. Elle avoua :
— Je ne m'attendais pas du tout à ça. Si j'avais su…
— On est déjà plus que deux.
— Tu vas te débarrasser de moi aussi ?
— Mais non ! C'est juste que là, c'était plus possible. Ces deux-là, c'est pas une grande perte. Va savoir ce que ce Demba aurait pu nous faire, à nous aussi. Tu crois pas ?
— Peut-être. Je sais pas.
— Allez, courage ! Faut qu'on ouvre une autre porte.
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