On the road to Sin City

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Les Yeux Bleus s’est écroulée d’un coup, face la première, sur le king size. Comme une crêpe. Sûr qu’elle dormait avant de toucher le matelas.

Je m’imagine des choses en la voyant allongée, elle est à ma merci, mais je ne suis pas le genre de mec qui abuse de la situation. Puis, elle vient de me sauver les miches. Je ne comprends pas ce qui lui est passé par la tête de faire ça, une drôle d’idée. Embarquer un mec dont elle ne sait rien, un fugitif qui a braqué un camion rempli d’oseille. Elle a bien vu le sac de biftons, mais ne m’a rien demandé et je ne vais pas lui dire d’où il vient, elle serait capable de me larguer en pleine nature. Je vais plutôt prendre soin d’elle. Dans un placard au-dessus du lit, j’attrape un plaid qui ressemble à une peau d’ours et la couvre.

Je sors du big van. Un instant la chaleur m’écrase, je me décale à l’ombre de la bestiole pachydermique. La journée tire à sa fin, l’astre se casse la gueule et découpe en ombre chinoise une ligne de poteaux téléphoniques. Ils s’étirent à l’infini en soldats stoïques, seuls survivants de l’impitoyable désert du Mojave. On se croirait sur une autre planète tant les paysages sont arides et sableux. Rien ne pousse ici, hormis les cailloux. Par endroits, de petites collines transpercent l’horizon, elles donnent un semblant de relief, apportent un peu de vie. C’est beau, tout simplement et je me sens bien au milieu de ce nulle part. Mais on ne peut pas rester ici en bordure de route. On va se faire ramasser par une patrouille, ou pire, par des motards aux mauvaises intentions. Cette dernière pensée irradie le long de ma colonne vertébrale et me décide à bouger. Je grimpe dans le motorhome. Trouver un endroit pour la nuit ne va pas être facile vu le gabarit de l’engin, mais je connais un coin un peu plus loin, on va voir s’il est libre.

Je m’installe au volant… Merde, où est la clé de contact ?

À tous les coups, Les Yeux Bleus l’a dans une de ses poches. Je m’approche du lit, ne la distingue plus sous la peau. Je lève un coin… elle dort. Un dernier rayon de soleil traverse la vitre arrière et vient illuminer un côté de son visage. On dirait un ange dans son halo. Mon ange.

Et si le type là-haut l’avait envoyée pour m’aider, afin de me remettre sur le droit chemin ?

Marsh, t’as jamais cru à toutes ces conneries, c’est pas en plein désert que tu vas commencer. Pourtant…

Doucement, je la tourne sur le dos. Engloutie par la fatigue, elle ne se réveille pas. Un truc déforme une des poches de son jeans, sûrement les clés du bahut. J’y glisse deux doigts, les saisis.


Plus loin, j’engage le monstre sur la piste de Kelso-Dunes. Ses phares dévoilent un chemin parsemé de trous et de caillasses acérées. Je fais gaffe afin de ne pas rouler dessus. Encore trois miles parcourus à la vitesse d’un escargot et je le gare sur un petit parking. Il est désert, ça me va très bien. J’ai la dalle, mais la fille n’a pas fait le plein de bouffe avant de partir. Dans un tiroir, je ne trouve que des plaquettes de chocolat à la banane, c’est pas ça qui va me rassasier. Mais j’ai plus d’un tour dans son sac et surtout un couteau.

Le coin regorge de lézards tous plus gros les uns que les autres. Avec la nuit, ils se terrent sous des rochers plats et sont faciles à repérer. Si j’en choppe un, cuit à la broche, c’est un régal. Il ne me faut pas longtemps pour en dégoter un, mais il est rapide et se carapate à toute allure. Impossible de le suivre. Tant pis pour celui-là, je vais bien trouver son frère ou sa sœur. Un autre apparaît, je le fais passer de vie à trépas en quelques secondes. Le peler par contre est plus délicat, mais ma lame affilée fait des merveilles. Quelques cailloux rangés en cercle, trois bouts de bois pour la broche, des brindilles afin d’allumer le feu…

Le lézard cuit lentement lorsqu’elle sort du camping-car et vient poser ses fesses sur le sable à mes côtés. La fatigue se lit sur son visage, trouble ses iris. Avec ses mains, elle frotte sa figure puis peigne ses cheveux. Un bâillement étire sa bouche, ses bras.

– On est où ? finit-elle par me demander.

– Dans le désert, à environ 100 miles de Las Vegas.

– C’est là qu’on va ?

Sa voix trahit la surprise.

– Yep, j’ai un paquet de thunes à griller. Ça va être cool.

Son pouce se lève en signe de « super » puis son regard se porte sur le morceau de viande. Elle fait une grimace.

– Et là, c’est quoi qui grille sur le feu ?

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