One dollar, again

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Je me réveille en sursaut. Il n’y a pas un bruit. Je sens l’odeur de quelque chose qui cuit… humm, ça sent bon et j’ai faim ! Les beans du Roy's café, je ne risquais pas d’y toucher. Je sors du van. Un paysage étonnant devant moi, je ne sais pas si c’est cela le désert, mais que c’est beau ! À perte de vue, du sable… Seules quelques bosses dorées arrêtent le regard. J’ai dormi si longtemps qu’on a rejoint le Sahara ? Ou la lune ?


Marsh, accroupi, tourne une broche improvisée avec les moyens du bord devant un mini feu de camp. Mon mystérieux passager a trouvé le moyen de faire griller… je ne sais pas quoi, je n’avais pas fait de courses. Alors, je lui demande ce que c’est ce truc-là. Avec un grand sourire, il me raconte sa chasse et me montre le butin.

Un lézard ? Un lézard grillé ?

Je réalise à cet instant précis l’incongruité de la situation. Hier encore, j’étais en France, engluée dans une vie qui m’ennuyait prodigieusement, et là, je suis je ne sais où, et un inconnu me propose de croquer une mignonne bestiole. C’est n’importe quoi ! Ce mec est dingue. J’ai trouvé le diable, en fait, au Roy’s café. J’apprends dans la foulée qu’on va à Las Vegas craquer ses billets au casino. Je ne connais pas cette ville. C’est parfait, tout se déroule idéalement.

– Je ne sais même pas comment tu t’appelles ? me dit-il.

J’hésite un instant. Quelle vérité est-il prêt à entendre ? Qui souhaite-t-il que je sois ? Moi ? Ou une autre, bien meilleure que moi ?

– On s’en fout comment je m’appelle, on ne se connaît pas. T’as qu’à me donner le premier nom qui te passe par la tête.

Il réfléchit un instant, pas longtemps.

– Ok, puisque tu me laisses choisir, pour moi, tu seras Les Yeux Bleus. Ça te va ?

– Yep, ça ira.

– Mais, raconte-moi, qu’est-ce que tu fais dans le coin, au volant de ton immense Food truck sans rien dedans ? T’es en vacances ? Tu visites les states ? Tu viens bosser dans le coin ?

Ma réponse claque dans le silence du désert.

– Ce ne sont pas tes affaires. J’ai pas envie de parler de moi.

Le regard courroucé que je lui lance en même temps achève de le dessécher sur place. J’imagine qu’il a compris qu’il avance sur un terrain dangereux avec des crocodiles embusqués prêts à lui bouffer une jambe ou un bras s’il rôde encore par là. Pas facile de reprendre la conversation après ce coup de froid. Il reste bien silencieux, perdu à son tour dans l’immensité de ses pensées.

Je me lève, fouille mes poches.

– Marsh ? T’as encore une pièce ?

– Ouais. Pourquoi ?

Il me jette un dollar qui tombe dans le sable à mes pieds. En me baissant pour le récupérer, je le fixe et lui dis :

– On va jouer. Si c’est face, je te lâche au prochain village et on n’entend plus parler l’un de l’autre. Si c’est pile, on va à Vegas… et je bouffe du lézard.

Je jette la pièce vers lui, il la chope au vol, ouvre la main et me dit en rigolant :

– Tu préfères une cuisse ou je te coupe du blanc ?

Je remonte dans le camping-car, fouille dans un tiroir et redescends avec les tablettes de chocolat.

– Manger ce truc me dégoûte d’avance mais, au moins, on aura du dessert.


Finalement, ça se mange le lézard. Ça ressemble à du poulet ou à du lapin. Enfin, pour moi, ça avait surtout le goût de la banane et du chocolat. Après ce festin, je lui fais signe qu’il est temps de reprendre la route.

– C’est moi qui conduis, ne te fais pas de film. Ton boulot à toi, ce sera de faire le juke-box. Pour le GPS, pas besoin, il n’y a qu’une route et on va vers le nord, non ?

Je m’installe côté conducteur. Mais, ce mec a des échasses, pas des jambes ! Je ne touche même pas le volant avec le réglage du siège qu’il a laissé. Avant de repartir, je le regarde droit dans les yeux :

– Si un jour, j’apprends que tu as raconté que j’ai mangé du lézard, je te poursuivrai jusqu’en enfer, et je te tuerai.

Le juke-box se met en route, Les Quatre Saisons de Vivaldi. Ce Marsh continue de m’étonner.

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