Caféine

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Il m’a attrapée par le bras et jetée dans le van. Sans réfléchir, j’ai démarré et j’ai pris la première à droite, nous devions sortir de cette ville et fissa.

On ne se parle pas. On ne se regarde pas. Silence de plomb et de mercure dans la caravane. J’essaye de me dépatouiller pour sortir des tentacules de cette ville bariolée. Marsh ne m’aide pas, perdu dans ses pensées. Ce n’est pas mieux dans ma tête, je le reconnais.

Il m’a captée. Maintenant, j’en suis sûre. Je ne sais pas comment, mais il m’a démasquée. Il faut réfléchir vite. Ma priorité, c’est d’appeler mon contact à l’Agence pour gagner un peu de temps.

J’ai enfin réussi à nous sortir de LV, mon ténébreux voisin a fini par me donner une direction, je ne cherche pas à comprendre où on va, je la suis. Au premier café en bord de route, je stoppe. Je prends les clés, aucune envie qu’il me plante ici et j’entre. Direction les toilettes. Vite fait, j’envoie un message :

“La cible a compris. Je monte un autre plan. Rassure le client. Le boulot sera fait.”

Je prends deux cafés en passant, toujours cette saloperie de truc imbuvable. Il est devant le camping-car. Il va falloir qu’on se parle, il n’y aura jamais de bon moment de toute façon. En lui tendant son gobelet, je lui dis :

– Hey Marsh, c’était quoi ce bordel devant le Bellagio ?

Je le vois bouillir, même la lavasse qu’on est en train de boire n’a pas été traitée comme ça.

– Ah bon, on se parle maintenant ? On va même peut-être se dire la vérité avec un peu de chance… Si tu commençais par me dire pourquoi t’as un calibre dans ton sac ? C’est quoi le plan, tu veux me faire la peau ? Si c’est pour le fric, t’aurais pu le faire le premier jour, quand je dormais.

– OK. Tu veux vraiment qu’on se parle. Tu veux la vérité ? T’es sûr ? Fais gaffe, ça va te secouer. On est embarqués dans la même galère tous les deux et si on veut s’en sortir, va falloir jouer serré, et se faire confiance, un tout petit peu. Oui, j’ai un pétard et oui, c’était pour te tuer. Il y a un contrat sur ta petite tronche. Et celle qui doit s’en charger, c’est moi. Quelqu’un ne t’aime pas, je te le promets. Je ne sais pas ce que tu as fait, mais il veut te le faire payer. Cher.

– Je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Je ne suis pas un ange, mais je ne connais personne prêt à payer pour me buter. Vas-y, explique-moi, me demande-t-il d’un air paumé.

Et là, je lui balance :

– Je bosse pour une agence de tueurs à gages. Je suis une killeuse. Un type nous a embauchés pour qu’on s’occupe de toi. Tu as bénéficié du même scénario que nos autres cibles, vous faire baver et vous flinguer. C’est ce que j’étais en train de réussir avec toi avant que tout parte en vrille avec le mec aux dents dorées.

Je m’arrête en voyant son visage pâlir. Il s’adosse à la bestiole, comme pour encaisser le coup que je m’apprête à lui porter.

– Mon job, c’est de t’emmener au pays du Père Noël. Te coller sous le sapin avec plein de cadeaux à ton nom. Et toi, t’as le droit de les ouvrir. Tous. Puis, au moment où tu comprends que tu viens de gagner au Loto, au quinté et au Bingo, que tu es sur une étoile et que tu viens de rencontrer ton ange, je te flingue.

Et là, estocade finale, j’ajoute :

– Mais, pas en loucedé. Le contrat spécifie que tu dois réaliser que tu vas clamser. Je filme l’instant où tu comprends que, de tout, tu vas passer à rien et cette vidéo, je l’envoie au client.

– Mais c’est sadique ton truc ! Je n’en reviens pas… Et toi, t’étais prête à me faire ça… Tu sais qui est le client ?

– Non, je ne connais jamais le nom des commanditaires.

Il est sonné. Pas facile d’entendre ce que je viens de lui balancer dans la figure.

Puis, il se barre en courant, avec ses jambes immenses. En un instant, il a disparu dans les rues de la petite ville. Merde, merde, merde. Ce n’était pas prévu, ça. Il faut que je réfléchisse pour ne pas faire n’importe quoi maintenant. C’est moi qui vais me faire dézinguer si je plante l’opération. Je remonte dans le van, attrape mon téléphone pour rappeler mon contact et j’entends un bruit de pas. C’est lui qui revient, un gros carton dans les bras. Je ne comprends vraiment plus rien, il avait l’opportunité de sauver sa peau et pourtant, il est là, devant moi. Je suis contente de le revoir. Et ce n’est pas qu’une question de boulot à finir.

Il pose le carton sur la table de la kitchenette, me sourit et dit :

– Déjà qu’on est prêt à me dessouder, hors de question de boire en plus cette saloperie.

Il ouvre la boîte, à l’intérieur, une cafetière italienne dernier cri. Ce Marsh est définitivement étonnant.

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