Mariachis

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La journée est grise, moche, triste. Il pleut, il bruine, l’humidité se colle dans mes cheveux, les fait boucler. Les gouttelettes se transforment en larmes qui glissent sur ma nuque. Je déteste l’automne quand il a cet air miséreux. Les gens me bousculent, coups d’épaules, de parapluies. Pour m’en écarter, je choisis de marcher sur le bord du trottoir, je suis le caniveau qui charrie des papiers, même pas pliés en petits bateaux qui font la course vers la bouche d’égout.

Je rentre de mon cours d’anglais, sans éviter les gouttes. Est-ce que je progresse dans cette langue étrangère ? A peine. J’arrive à tenir une conversation banale et ordinaire, pas beaucoup plus de… Je n’ai pas la tête à cela. Je ne sais pas ce qu’il y a dans ma caboche en ce moment, mais ce n’est pas du vocabulaire english, c’est une certitude. Du désert et des montagnes dorées, un camping-car gros comme quatre éléphants et des Joshua trees, plus probablement…

Remets-toi les idées en place, nunuche. Tout ça, c’est derrière toi. Oublie. Reprends ce qui te sert de vie en main et avance. Fais des projets, construis ta destinée.

Je me fais couler un café, noir et bien serré. L’odeur de caféine me calme un moment. Les premières gorgées m’apaisent un instant.

C’est bien, tu vois quand tu veux. Concentre-toi sur le moment. Mets sur pause tes vieilles envies.

Machinalement, je jette un coup d’œil rapide à mon téléphone, j’ai coupé les ponts avec tout le monde, je ne sais pas ce que j’attends. J’avais raison, rien, comme toujours. Je le repose. Et puis, je tilte. Une enveloppe illuminée dans le coin gauche. Mon cœur s’emballe. Un tout petit peu.

« Je suis à Albuquerque. »

Jamais tu n’aurais dû regarder. Efface ce message. Fais comme s’il n’était jamais arrivé. Écoute-moi, pour une fois !

Donc, il est vivant. Qu’est-ce que je vais faire maintenant ?

Mais pourquoi tu te poses la question ? Tu sais très bien ce que tu t’apprêtes à faire. Sauter. Voler. Chercher la passion. Tu n’as jamais su faire autrement. Ta vie, tu ne l’imagines pas sans prendre des risques. Ton schéma, tu le connais par cœur, tu hibernes et soudain, l’odeur de la vie te réveille en sursaut et c’est parti pour le grand n’importe quoi. Tellement bercée de romances où l’amour se cherche et triomphe. Toi aussi, tu espères que ça pourrait t’arriver. Trouver l’Autre. La moitié de je-ne-sais-quoi qui s’imbrique parfaitement dans la tienne. Alors, tu y crois. On ne sait jamais… C’est ta phrase préférée.

Mouais, vu ta vie, je me demande si on ne t’a pas bercée trop près de la télé. Romantique à deux balles. Toujours seule. Sans histoire solide. Jamais.

Mais, si je n’essaye pas, je ne saurai jamais. C’est peut-être lui, Marsh, le Prince sharmant.

Alors, je lui ai répondu « J’arrive mardi à dix-huit heures » et je suis partie. Direct. Sans me retourner. En vrai, je n’avais pas grand-chose à regretter en France.

Durant tout le vol, tu as rêvé, imaginé, inventé des retrouvailles éblouissantes. Tu as essayé plusieurs ambiances, plusieurs scénarios. Le résultat était toujours le même : regards, course l’un vers l’autre, tu sautes dans ses bras, vous vous embrassez. Soupir d’aise et sourire sur les lèvres. Pendant huit heures. La Ravie de la crèche.

Enfin l’atterrissage. Je bouscule les autres passagers. J’ai trop envie. Vite, je récupère mes bagages, heureusement, je voyage léger. Je le vois. Un peu de guingois, un peu fatigué, un peu las. Mais ses yeux pétillent. Il ouvre ses bras…

Tu n’avances pas. Bon sang, ton coup foudre a pris l’eau. Pas une ondée passagère, tiède et rafraîchissante. Non, la grosse douche glacée qui te gèle sur place. Saloperie de fantasme. Alors, comme il est là et qu’il attend, tu t’approches.

Vous êtes comme deux étrangers, gauches et maladroits.

Ils sont où les Mariachis, les feux d’artifice, les étincelles dans tous les sens ? Il n’y en a pas. Bam. Difficile de se parler.

Je ne sais pas quoi lui dire.

– Tu vas mieux ?

– Oui, ça va. Et toi, tu as fait bon vol ?

– Yep, ça a été.

Le dialogue de dingues.


On se dirige vers sa bagnole, direction le motel où il crèche. La chambre est naze. Un pauvre lit, même pas King size, des draps tout gris, j’espère qu’ils sont propres au moins. Une fenêtre qui donne sur le parking.

Ils sont beaux tes rêves, la Princesse. Parfaitement exaucés. Mouais.

– Je suis fatiguée. Je vais dormir un peu.

Il se couche à côté de moi, je lui tourne le dos. Ne t’approche pas, Marsh, ce soir, je suis un hérisson. Je sens qu’il est triste et déçu. Il ne devait pas s’attendre à ça. Moi non plus. On verra demain ce que je ferai. Le crétin, il n’a même pas dit qu’il aimait la couleur de mes yeux.

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