Vengeance
Ce que disait Marsh, je n’en avais rien à foutre. Ce qui s’était passé sur ce sentier, c’était mon affaire, pas la sienne. Il avait déjà les flics aux fesses, ce n’était vraiment pas le moment qu’il s’en mêle. J’ai fait semblant d’être d’accord pour faire le truc « proprement. » Lui, de son côté, imaginait un deal avec le FBI pour sauver sa peau en même temps. Je n’y croyais pas une seconde à ce plan. Mais j’ai acquiescé en lui faisant un clin d’œil.
Quand il est remonté dans la voiture et qu’il m’a dit avoir trouvé Mike, j’ai pensé qu’il ne fallait pas laisser passer un tel coup de main du hasard. J’ai mémorisé le nom du supermarché, la route pour y aller. À la pension, j’ai discrètement écrasé deux cachets anti douleurs dans un café et je le lui ai tendu. Il ne s’est pas méfié, l’a bu et s’est rapidement endormi. J’ai pris dans sa poche les clés du Mitsu, je l’ai regardé une dernière fois.
Je suis passée dans un drugstore sur la route. J’ai acheté une perruque, du maquillage, des accessoires, une robe courte que je n’aurais jamais portée avant. Dernier arrêt avant le début de la vengeance, un motel sur le bord de la route. J’ai demandé une chambre au bout du bâtiment en prétextant que je devais absolument dormir sans entendre le bruit des voitures et je me suis changée. Dans le miroir, j’ai vu une fille aguichante à souhait. Elle me ressemblait un peu, on avait la même taille mais plus la même dégaine et elle avait les yeux noirs. Comme sa colère.
J’ai rejoint le magasin où bossait Mike. En rôdant dans les allées, je l’ai vite aperçu, il était facile à identifier avec son énorme coquard. Voir sa sale tronche et son blouson siglé TAK m’a ramené direct à l’agression d’hier. J’ai senti la rage m’envahir et mon passé est réapparu. Direct. Comme au bon vieux temps.
Cible identifiée, il fallait juste l’accrocher. Je savais faire ça les yeux fermés, c’était mon ancien job. J’ai fait semblant de m’intéresser au matériel de pêche. Il s’est pointé en frétillant. Ce ne devait pas lui arriver souvent de rencontrer une minette, en mini-jupe, toute prête à l’écouter qui lui souriait. Je lui ai fait du gringue en français, j’ai minaudé, joué les allumeuses et ce connard, il a plongé. Ses yeux dégoulinaient de sexe. Je lui ai proposé de prendre un verre. Évidemment, il a accepté.
Dans le bar, j’ai continué à jouer mon rôle, il en bavait jusque par terre. Après quelques verres, ça a été du gâteau de l’emmener jusqu’au motel, il m’a suivi comme un petit chien. Arrivé dans la chambre, il se frottait contre moi, ce pourceau. Je lui ai fait miroiter une nuit de dingue avec tout ce qu’il voulait. Je me dégoûtais mais c’était obligatoire d’en passer par là pour me venger et protéger Marsh. Je ne le laisserais pas aller en taule. Je crois que c’est à ce moment que j’ai compris que je ne pourrais plus vivre sans lui.
Mike était tellement excité qu’il devenait difficile à gérer. Il fallait que je le calme alors je lui ai proposé de l’attacher aux barreaux du lit. Les yeux lui sont sortis de la tête tellement il en avait envie. Saloperie de type. Saloperie de boulot.
Une fois ficelé comme un rôti, pieds et mains ligotés, je me suis campée en face de lui. J’ai retiré ma perruque, effacé mon maquillage d’un revers de la main. Il m’a reconnue, flash-back sur la pauvre fille qu’ils avaient malmenée hier avec ses potes. Son désir s’est transformé en peur, en terreur brute.
Je lui ai dit que j’allais le tuer mais que je prendrai mon temps. Et que, pas de pot, ce serait lui qui allait trinquer pour les deux autres. Mais, s’il voulait que ça se passe le moins mal possible pour sa sale gueule, il fallait qu’il me raconte ce qui les faisait tant rire près du lac.
Il a tout déballé, les noms de ses comparses, celui de la victime, les circonstances, j’ai tout enregistré. Pauvre fille… Elle était partie pêcher toute seule, il l’avait repérée dans la boutique quand elle achetait des appâts, il lui avait indiqué un bon coin poissonneux. Elle était contente de rencontrer un autochtone sympa qui avait la même passion. Elle lui a dit qu’elle s’y rendrait le lendemain matin. Ils se sont pointés, l’ont chopée, violée et tuée. Il m’a tout avoué et m’a même indiqué où il l’avait enterrée. Les salopards.
Alors, je l’ai cogné. Fort. Longtemps. J’allais l’achever quand l’image de Marsh m’a traversé l’esprit. Je ne pouvais pas. Je n’étais plus celle-là. Je n’étais plus une tueuse. Ma vie était ailleurs maintenant, dans les bras d’un grand gars avec un coyote à mes côtés. Je lui ai laissé la vie sauve et c’est uniquement à Marsh et Billy qu’il le devait.
Je suis restée toute la nuit à le surveiller, il faisait dans son froc de trouille. Pitoyable loque. Au petit matin, j’ai appelé Marsh. Il était mort d’inquiétude, je lui ai dit que ça allait et qu’il fallait qu’il vienne me retrouver. Il est arrivé à pied avec Billy à ses basques. Heureusement que Fairplay est une petite bourgade. Je l’avais un peu arrangé le Mike, un peu beaucoup. Marsh a grimacé en voyant la tronche du type. Je lui ai répondu en levant les yeux au ciel. On a chargé Mike dans la bagnole, et on est parti, direction le bureau du shérif.
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