Partie 3 American dream. A star is born

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Enfin, je m’accorde quelques minutes de calme et de quiétude. L’eau dégouline sur mes cheveux, sur mon corps, c’est tiède, frais, apaisant. Le shampoing sent l’immortelle, odeur divine des dunes brûlantes et de l’océan. En fermant les yeux, je m’imagine, allongée sur le sable. J’entends presque le bruit des vagues. Le pouvoir onirique de cette senteur marche bien mieux que les exercices de méditation que le coach m’encourage à réaliser quand le stress monte. Je baisse la température. Le froid me saisit et me ramène à la réalité. Je vais sortir, promis, mais je deale encore quelques instants de paix. Soudain, un son strident retentit.

Non. Non, je ne l’entends pas. Je ne suis que force mentale, je peux faire disparaître une sonnerie agaçante avec ma seule pensée. Mais, elle continue. Des petits coups brefs toutes les cinq secondes. Je m’égosille :

– Marsh, tu peux aller voir, ça sonne ?

Pas de réponse, je crie encore plus fort :

– Marsh ! Je suis sous la douche, tu peux y aller ?

Rien ni personne ne bouge. Je sors en pestant, du savon plein les cheveux, attrape le peignoir qui pend sur une patère. Ce n’est pas le mien, il est beaucoup trop grand et bâille de partout. Je me dirige vers le boîtier de l’interphone en laissant des petites flaques partout sur le sol, comme un Petit Poucet qui trace son chemin pour retrouver la salle de bains.

Mon téléphone se met à carillonner. Comme en écho, celui de Marsh lui répond. Billy, jusque-là endormi, se réveille et glapit aussi fort qu’il peut. Trois sonneries différentes plus les aboiements du coyote, il y a autant de décibels que sur une piste d’atterrissage dans cette baraque. J’ouvre la porte. Le Postman me regarde d’un air furibond, agacé de l’attente. Il a les bras chargés de colis et de lettres à signer. Il se rince l’œil pendant que je me débats avec le chargement. Quel crétin. Il est neuf heures du matin et je suis déjà éreintée.

Je dépose les paquets sur la table du salon. Mon téléphone s’est enfin tu, mais celui de Marsh continue de couiner sa musique style Country. En l’attrapant pour le mettre sur silencieux, je constate qu’il a reçu plusieurs appels. Un message est aussi en attente. Bizarre, tout passe par notre agent désormais. Peut-être un membre de son fan-club qui a obtenu son numéro personnel… Il ou elle attendra, ce SMS n’a probablement aucune importance.

Je me fais couler un café. Tiens, c’est étrange que Marsh ne soit pas là, il déboule à chaque fois qu’il sent l’odeur de la caféine.

– Marsh ? Marsh, tu es où ?

Comme il ne répond pas, je me dirige vers le jardin. Le vert des palmiers tranche avec le bleu de la piscine. Au loin, en regardant bien, on aperçoit la baie et ses fameuses cabines de sauveteurs. Ce paysage me saisit chaque fois que je le vois, impossible de m’habituer à cette vue torride. Un casque sur les oreilles, Marsh, vautré sur un fauteuil gonflable, flotte sur l’eau comme un canard de bain. Il est perdu dans ses pensées. En le voyant si absent et silencieux, je me rends compte que ça fait quelques jours qu’il est comme ça. Si j’avais une minute, si je m’écoutais, je laisserais tomber mon kimono trempé et j’irais le retrouver dans cette flotte qui me tend les bras. Il y a un truc qui cloche, je le sens. Il faudra que je creuse pour comprendre, mais pas maintenant, j’ai dix mille trucs à gérer.


Ah oui, c’est vrai ! Vous ne savez pas, le buzz n’a pas dû arriver jusqu’en France. Marsh et moi, on est devenu des auteurs stars aux States ! Après nos aventures dans le Colorado, on a décidé d’écrire à quatre mains un roman pour les raconter. Ce n’était pas particulièrement bon ni bien écrit ni original mais le projet a plu à une toute petite maison d’édition en Californie. Imaginez notre fierté d’avoir notre bouquin en papier entre nos mains ! Et puis, je ne sais même plus pourquoi, on a eu la chance d’être interviewés par le journaliste de la gazette locale. C’est là que tout a commencé. Le type du magazine est venu, on était dans notre tiny house, pas celle-là, la première près de l’océan pour rencontrer les deux Frenchies qui avaient écrit leur cavale. Ça ne le passionnait pas vraiment, ça se voyait. Mais il est tombé à la renverse quand il s’est rendu compte qu’on vivait avec un coyote. Dans son article, je crois qu’il a écrit à peine deux lignes sur notre bouquin. Le reste, une page entière, était consacré à Billy. L’accident, comment on avait réussi à le sauver, comment il m’avait défendu en sautant de la fenêtre de la voiture et même comment il attrapait les trucs qu’on lui envoyait… Bref, il n’y en avait que pour le clebs. C’est là que notre notoriété a commencé et qu’on n’a plus rien maîtrisé.

Il y a eu d’autres propositions d’interviews, locales au début, puis nationales. Tous les médias voulaient inviter sur les plateaux de télé les deux auteurs français mais celui qui les intéressait le plus, c’était le coyote. La vraie star de la famille, c’est Billy !

Nous, on a continué à écrire les aventures de Marsh et Les Yeux Bleus. On doit en être à huit ou neuf tomes, je ne compte plus. On leur a fait vivre mille vies dans tous les coins des États-Unis à ces deux-là. Enfin non, ces trois-là ! On a une clause dans notre contrat pour que Billy soit toujours présent et acteur de nos périples.


Donc, aujourd’hui, on est riches et on habite une énorme baraque sur les hauteurs de Los Angeles. On a un agent aussi, sauf qu’il est en vacances en ce moment, et celle qui se retrouve avec tout le boulot, c’est moi.

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