Haut les mains, peau de lapin !

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Comme prévu, je récupère le duo père/fils devant le parc d’attractions. Eux aussi ont fait des achats, il y a des dizaines de sacs avec des boites de Lego à leurs pieds. On va avoir de quoi s’occuper pendant notre retraite. Marsh balance les paquets dans la benne, attache Roberto sur son siège et s’installe à côté de moi. On s’embrasse enfin, nous n’avions pas encore trouvé le temps aujourd’hui.

Ils me racontent leur visite, tous les monuments en plastique qu’ils ont découverts, la course en voitures électriques, les manèges qui mettent la tête en bas. Ils sont surexcités, Roberto n’a jamais été si volubile, il ressemble enfin à un petit garçon avec une vie normale. Il s’écroule de fatigue après quelques kilomètres.

Je monte le son de la musique afin qu’il ne puisse pas entendre, dans son sommeil, notre conversation avec Marsh

– On va se planquer dans une baraque que je viens de louer. Je te fais la surprise, ça devrait te plaire. Il nous faut un peu de temps pour trouver comment sortir de ce panier d’emmerdes.

– Ok, Baby. Je te fais confiance. Une bonne surprise, ça me changera…

– Oui.

Et en grommelant doucement, j’ajoute :

– Et tu n’es pas au bout de celle que je te réserve…

Comme Roberto est endormi et qu’on peut se parler entre adultes pour une fois, j’ai envie de lui poser des milliers de questions sur sa vie avant moi. Mais je me suis promis, juré de ne pas le faire, alors je me tais. Et on parle d’autres choses.


Nous arrivons enfin à notre destination. La vue qui explose dans nos yeux coupe le flux ininterrompu de notre bavardage. Face à nous, un ranch en bois et transparence, avec une terrasse qui donne sur le lac Hodge et, en arrière-plan, un panorama unique sur la chaîne des Bernardo Moutains.

Endroit parfait, on va être bien. Il y a même une piscine pour Roberto et des poules et des chèvres, pour Billy. D’ailleurs, le môme et le coyote font la course pour arriver le premier et Marsh doit se frayer un chemin entre eux jusqu’à la porte.

L’intérieur est aussi enchanteur que l’extérieur, un vrai nid douillet, trois chambres, une petite cuisine, un salon avec une immense baie vitrée. Au sous-sol, une pièce est fermée avec un cadenas. Je cherche dans le trousseau la clé correspondante, ne la trouve pas. Cet endroit m’intrigue, je veux entrer. Je bidouille un cintre trouvé dans le placard de l’entrée et force la serrure. Je découvre une caverne d’Ali Baba, une grotte remplie de fourrures. Du ragondin, du lapin, de la fouine et de la martre. Du vison, du castor et du chinchilla. Que des peaux artificielles fabriquées avec des bouteilles en plastique ! Ou le propriétaire de la maison est importateur de pelages synthétiques ou c’est un drôle de collectionneur. Un amas doux et chaud me tend les bras. J’appelle les garçons et Billy, ils dévalent l’escalier et viennent me retrouver. Une bagarre géante s’organise au milieu de toutes ces peaux, moelleuses comme un matelas. Nous nous déguisons, prenons des photos, rions comme des enfants. Je pense qu’aucun de nous n’oubliera jamais ce moment.

Après avoir joué longtemps avec ce trésor inattendu, nous finissons par coucher Roberto dans la chambre qu’il a choisie. Il s’endort instantanément. Marsh et moi nous dirigeons vers la seconde chambre quand il m’attrape par le bras et me glisse à l’oreille :

– Je n’ai pas envie de dormir ici, viens, on sera mieux dans la pièce tout en bas.

Je me lève très tôt ce jour-là, enfile rapidement mon jean et un tee-shirt blanc qui traîne au milieu des peaux de lapin. Je me précipite aux toilettes, à l’étage. Le petit être qui m’habite se manifeste, réglé comme un réveil-matin. J’entends la porte d’entrée s’ouvrir. Entre deux hoquets, je murmure :

– Entre, fais-toi couler un café, j’arrive.

Je passe à la salle de bains, me rince la bouche et me lave les dents.

L’escalier grince sous les pas de Marsh. Il pénètre dans la cuisine, s’approche de la silhouette de dos, la saisit par les hanches pour embrasser sa nuque, comme tous les matins. Elle se retourne et lui balance une claque bien sonore sur la joue. Il recule, abasourdi.

J’entre dans la pièce à mon tour. Ils se fusillent du regard tous les deux. Marsh scrute l’autre fille vêtue comme moi d’un jean et d’un tee-shirt blanc, me dévisage. Il ne comprend pas.

– Marsh, je te présente ma sœur, Émilie. Je vois que vous avez déjà fait connaissance. C’est ma jumelle. On se déteste. On est presque identiques, mais il y a un détail qui nous diffère. Regarde ses yeux.

Il s’approche d’Émilie. Dans ce visage en miroir, il découvre un iris pistache-noisette et un autre bleu. Infiniment bleu.

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