Liz, Yan et Issel (Incipit - Etape 3)
—Ne vous éloignez pas trop ! cria Liz en apercevant ses deux plus jeunes enfants à l’orée du bois.
—T’inquiète pas, répondit Issel, les mains en porte-voix. Je m’occupe de Yan ! On va au grand tuyau !
—N’y entrez pas ! Votre père vous le défend.
Issel fit la moue et Yan acquiesça.
Liz sourit. Malgré leur gémellité, Issel et Yan étaient aussi dissemblables que le jour et la nuit. Sa fille arborait les cheveux longs d’une sauvageonne et n’aimait rien tant que courir les bois à la recherche d’écureuils gris. Yan préférait l’abri de la soupente et sculptait pendant des heures des figurines qu’il oubliait ensuite sur son étagère. Quand Alia, leur sœur aînée, accompagnait Tom dans ses journées de chasse, Issel était capable de le harceler jusqu’à ce qu’il la suive dans ses interminables vagabondages.
Liz ne ressentait pas de crainte. La vallée étroite et encaissée était éloignée des plaines où errent les nomades. Depuis que Tom avait abattu les chiens gris, ses enfants pouvaient vadrouiller sans risque. Il y avait bien le grand tuyau qui s’enfonçait sous la montagne tel le terrier d’un géant disparu, ou les murs effondrés des bâtiments d’Avant envahis de fougères, mais l’interdit paternel avait force de loi et Yan serait toujours présent pour tempérer les ardeurs de sa sœur.
Liz soupira. Tom lui manquait. Ses mains aux doigts longs et durs, sa barbe piquante qu’il rasait à chaque nouvelle lune, la chaleur de sa peau. Elle sortit le chapelet de sa poche et fit glisser une bille. Treize jours. Dans une semaine, Alia et lui rentreraient.
Le tunnel débouchait sur un méplat granitique descendant en pente douce sur le flanc de la montagne.
La magie des hommes d’Avant s’était exercée en ce lieu. Leur père avait expliqué que cette construction n'avait rien de surnaturel mais, pour Yan, c’était comme la bouche d’un monstre endormi qui se refermerait sur lui s’il osait en franchir le seuil.
—Allez, viens, insista Issel.
—Papa ne veut pas, il sera furieux si on entre là-dedans.
—Il saura pas, regarde, j’ai pris la lampe.
Issel extirpa du sac qu’elle portait en bandoulière la lampe cabossée de l’appentis et un flacon d’huile.
—Allez, fais pas ta poule mouillée. Juste un peu, pour voir l’intérieur. Imagine qu’on trouve du métal, ou un trésor ?
—Je suis pas une poule mouillée, tu m’énerves.
—Et bien montre-le. À chaque fois, tu as la trouille.
—Bon, d’accord, fit Yan, vexé. Mais on revient vite.
Issel déboucha le flacon et humidifia l’étoupe. Elle frotta le briquet d’amadou et enflamma l’huile.
—En avant !
Bientôt, les deux silhouettes et la lueur tremblotante disparurent au fond du tunnel.
Il y eut un cri, bref et suraigu, et une volée de chauve-souris sortit du tunnel en piaillant.
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