Chapitre 3 : Les Jardins de Lews Castle : Partie 2 : le château et son Comte (nouvelle version)
Sur ces mots, Mike déposa un baiser sur sa joue et s’éclipsa, monta dans sa 304 bleue nuit et fila en direction de Stornoway. Une grosse matinée l’attendait. Il devrait être efficace afin de pouvoir regagner rapidement les greens. Le temps dégagé et les températures douces lui permettraient de pouvoir jouer jusqu’en fin d’après-midi. Il se gara sur le parking où l’attendait le Comte qui l’accueillit chaleureusement.
– Bonjour, Monsieur le Comte.
– Bonjour Mike, une belle journée à venir, précisa Harry.
– Oui, le temps idéal pour que les travaux avancent.
– Prêt pour notre entretien ?
– Impatient.
– Je comprends, j’ai dû piquer ta curiosité !
– Tout à fait.
– Joseph ne t’a rien dit ?
– Non, je ne pensais pas qu’il était au courant de quoi que ce soit.
– Il a voulu ménager le suspense.
– Ou vous laissez le plaisir de m’en parler de vive voix.
– Il a eu raison. Allons dans mon bureau, nous serons mieux installés.
À peine le seuil franchi, Karl apparut tel un fantôme. À chaque fois que Mike le croisait, il s’imaginait avec Grand-Pa devant de vieux épisodes de la série Magnum. Karl ressemblait trait pour trait à Higgins, le majordome britannique, la moustache bien taillée et la mèche de cheveux sur le côté. Parfois, il aimait à penser que l’acteur était venu observer Karl pour s’imprégner de son personnage, de son caractère. Higgins, comme Karl racontait ses expériences et l’un comme l’autre semblait avoir vécu de nombreuses aventures. Il était l’ombre du Comte et son bodyguard. Harry sortit Mike de ses rêveries.
– Souhaites-tu un thé ?
– Oui, volontiers.
– Karl, faites-nous préparer deux tasses et deux parts du délicieux carotte cake.
– Bien, Monsieur. Je vous apporte tout cela dans votre bureau.
Le majordome disparut, comme il était venu. Mike suivit le Comte dans le couloir. Ils avancèrent lentement. Le maître des lieux s’appuyait depuis quelques semaines sur une canne, suite à une mauvaise chute dans le jardin. Mike hésita, devait-il l’aider ?
« Non, Harry ne veut dépendre de qui que ce soit » pensa-t-il.
Deux portes avec de grands battants vitrés les accueillirent. Une horloge imposante trônait au sommet un peu comme dans un hall de gare. Le plafond ressemblait à une voûte céleste, chaque section était encadrée de boiseries. Mike connaissait bien les lieux, pourtant comme chaque visiteur, il était impressionné par la qualité des détails. Leur déambulation lente permettait d’observer chaque pièce. Dans celle réservée aux petits déjeuners, un alcôve d’un style industriel, les clients prenaient place et déguster les spécialités écossaises confectionnées par Mia la femme de Logan, le fils ainé du Comte. L’espace dédié au repas, une véranda, avec son plafond vitré offrait une belle lumière naturelle.
Puis sur leur route, ils croisèrent le salon des banquets avec une salle supplémentaire, aménagée pour les mariages. La première pièce, somptueuse, avec ses sept baies vitrées avait du cachet. Les plafonds colorés de touches de bleu pastel étaient agrémentés de rosaces. Quatre grands lustres et quatre colonnes ajoutaient un certain standing. Cette salle ne désemplissait pas et devait être réservée un an à l’avance.
Dans l’enfilade, le bar prenait vie autour de son grand comptoir avec en suspension un porte-verre en laiton très moderne. Pénétrer dans ce lieu était faire un saut dans le temps, entouré de gentlemen savourant un whisky et discutant de politique. Logan avait conservé l’atmosphère de son grand-père.
Le rez-de-chaussée, ouvert au public, offrait un espace détente pour déguster un café, un petit déjeuner ou un repas convivial entre amis. Dans l’aile droite, les chambres luxueuses, contemporaines et confortables accueillaient les hôtes de passage. Très prisées des couples pour un week-end en amoureux, elles avaient toutes une vue imprenable sur la ville et l’océan. Les plus matinaux d’entre eux pouvaient admirer le lever du soleil en buvant un thé bien au chaud.
L’aile gauche avait conservé le charme de l’architecture du dix-huitième siècle et abritait les appartements de la famille. Le Comte, très attaché à son héritage, s’était donné de la peine pour l’entretenir et l’aménager. Depuis quelques années, son fils ainé Logan, avait pris la relève et restauré l’aile droite pour la clientèle avec l’aide de sa petite sœur Amélia, architecte.
Mike et Harry continuaient leur marche lente dans le grand couloir. Cette déambulation, permettait au paysagiste de repenser aux derniers détails et s'interroger sur l’identité de l’invité surprise. Sherlock serait une nouvelle fois le bienvenu. En entrant dans la bibliothèque, le regard de Mike s’attarda sur le mur du fond, tapissé de cadres photos. Le plus imposant représentait la famille au complet réunie pour les cinquante ans de mariage du couple. Mike songeur se demanda ce que sa vie aurait pu être avec des frères et sœurs.
– Une belle photo souvenir, n’est-ce pas Mike ? interrogea le Comte, rompant le silence qui s’était instauré pendant qu’ils avançaient dans les couloirs.
– Oui, vos enfants vous ont offert une belle preuve d’amour en vous organisant cette belle journée.
– Nous avons beaucoup de chance, se réjouit Harry.
En prononçant ces quelques mots, le Comte s'aperçut de sa maladresse.
– Pardon Mike, je ne voulais pas …
– Ne vous inquiétez pas, mes parents me manquent, mais je suis heureux de ma vie, et voir le bonheur que vous partagez avec les vôtres me réconforte.
Le bureau du Comte était éloignée du tumulte de l’aile occupée par les clients. La pièce donnait sur le jardin. Mike apercevait souvent la silhouette du Comte derrière les grandes baies vitrées. Harry, à l’origine du projet, voulait rendre ses lettres de noblesse au jardin. Il n’avait pas pu confier cette mission à son ami Joseph tout juste à la retraite, aussi avait-il offert cette opportunité à son petit-fils. Il avait suivi l’évolution du jeune homme au fil de sa formation. Son talent et son expertise l'avaient impressionné. Quand Grand-Pa en avait expliqué le projet à Mike, celui-ci avait accepté sans la moindre hésitation, travaillant sur les plans pendant plus d’un an. Aujourd'hui, la fin des travaux approchait. Le Comte proposa un fauteuil à Mike pour qu’il vienne s’installer à ses côtés afin de regarder ensemble les derniers détails.
– Par où voulez-vous commencer ? demande Mike, tout aussi pressé de commencer.
– Tout d’abord, serons-nous prêts pour Hognoway ?
– Si tout se passe bien, nous aurons suffisamment d’avance pour gérer les imprévus, confirma Mike, serein.
– Très bien. Est-ce que tu as besoin de matériel supplémentaire ?
– Non, là aussi nous sommes parés. J’ai même obtenu quelques remises sur les derniers achats, précisa Mike.
– Par contre, Amélia, qui devait nous faire parvenir la pièce maîtresse de l’entrée, m’a téléphoné ce matin. Ils ont pris du retard. Elle ne sera pas livrée avant début décembre, soupira le Comte.
– Très bien, je le note, et si j’ai besoin, je la contacterai, suggéra le paysagiste.
Amélia, la petite dernière des enfants du Comte, était architecte à New York où elle vivait avec son mari et ses trois enfants. Désireuse de faire partie du projet, elle avait dessiné et réalisé le portail d’entrée du parc. Karl choisit ce moment pour faire son entrée avec son plateau d’argent sur lequel se trouvaient le thé et le cake. Derrière lui, Harrold, le petit-fils de Logan, âgé de six ans, portait un panier avec des serviettes. Le petit garçon rouquin passait sa semaine chez ses grands-parents. Ne pouvant rester dans les jambes de son grand-père trop occupé, il venait régulièrement voir son arrière-grand-père. Il vint s'asseoir sur les genoux de celui-ci et chipa un morceau de son gâteau resté dans son assiette.
– C’est quoi ça, super Papy ? demanda-t-il avec son air coquin.
– Attention de ne pas le tâcher ! s'inquiéta Harry.
Trop tard ! Le garçon s’empara d’un crayon et commença à gribouiller les plans étalés sur la table. Voulant l’en empêcher, le Comte aggrava la situation en renversant sa tasse de thé.
– Pardon Mike, je suis vraiment désolé, s’excusa-t-il aussitôt.
Mike éclata de rire devant cette scène qu’Olivia aurait pris plaisir à peindre.
– Ne vous en faites pas, je les imprimerai à nouveau. Ils sont sur mon ordinateur.
Le calme de Karl, contrastait avec l’agitation. Le majordome hésitait entre gronder le petit chenapan ou se joindre à l’hilarité ambiante.
– Super Papy, il était trop beau le dessin, s’enthousiasma Harrold.
– Oui, là il est surtout sous l’eau.
– Non je l’ai baptisé au thé, c’est meilleur !
Mike en profitait pour ranger son ordinateur, afin d’éviter une deuxième catastrophe. Karl essuyait le thé resté sur le bureau.
– Karl, emmenez ce petit voyou,suggéra Harry.
– Bien, Monsieur, je le mets au cachot, proposa Karl.
– On va y réfléchir.
– Non, pas le cachot Super Papy, je serai sage, supplia Harrold.
– La nurserie, ça devrait suffire Karl, acquiesça le Comte avec un sourire.
Mike s’amusait de la tournure des événements, quand il se rappela que le Comte ne lui avait toujours pas révélé sa surprise.
– Si vous voulez Monsieur le Comte, je peux amener Harrold avec moi dans les jardins.
– Oh oui, dis oui, mon Super Papy, cria le garnement.
- Je le surveillerai, rassurez-vous.
– Je ne voudrais pas qu’il te dérange ou t’empêche d’avancer, s’inquiéta Harry.
– Ne vous inquiétez pas, rassura Mike.
– Parfait, Karl viendra le chercher dans une heure.
– Allez Harrold, suis-moi, nous avons du travail.
Mike attrapa ses affaires et partait quand le Comte l’interpella.
– Au fait, le Comte et la Comtesse de Forfar seront présents pour le Hogmanay.
Mike s’arrêta net, Harrold le regarda amusé. Son visage s’était figé, comme ceux des legos avec lesquels il jouait.
– Comment Monsieur ?
– Oui, le Comte et la Comtesse de Forfar ont été délégués par Sa Majesté.
Mike se décomposa, son visage devint blanc comme les murs du salon qui semblaient se resserrer sur lui. La surprise était bien plus importante qu’il l’avait imaginé. Pas un instant, il n’aurait pensé à la présence d’un membre de la famille royale. Harrold l’attrapa par la main, le ramenant à la réalité.
– Allez Mike, on va dans le jardin, je veux le voir, insista Harrold, trépignant sur place.
– Hum, quoi, oui let’s go, répondit Mike, nous prendrons tes bottes et ton blouson en passant.
– Mike, nous en reparlerons plus tard, suggéra Harry, rassure-toi, tout ira bien, je te fais confiance
– Merci, Monsieur le Comte.
– Appelle-moi Harry, je pense que nous pouvons passer outre l’étiquette.
– Oui, Monsieur, euh Harry, bafouilla Mike.
– Repasse avant de partir, Joseph doit se joindre à moi pour le déjeuner. Si tu veux venir avec nous, proposa le Comte.
– D’accord, si j’ai le temps de finir, ce sera avec plaisir.
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