Chapitre 2 : Mike et Grand-Pa (Partie 2 : un shopping surprenant)

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Tout en discutant, ils arrivèrent devant Mac Tweed, une des boutiques les plus prisées de Stornoway.

Dès que les gens passaient la porte, ils étaient choyés comme des princes. Mike se sentit immédiatement à l’aise, sachant qu’il trouverait forcément ce qu’il souhaitait. Joseph s’était assis bien confortablement dans un fauteuil, prêt à assister au spectacle improvisé. Il voulait surtout laisser Mike choisir, c’était lui le principal intéressé. Il lui donnerait des conseils sans intervenir.

Tout à coup, un vendeur se présenta. Il était grand, mince, très élégant. Joseph sourit en voyant le jeune homme, il devait être sorti d’une des plus grandes écoles d’élégance ou avait dû prendre ses marques chez les majordomes britanniques. Il songea un bref instant que la matinée allait être longue et mouvementée. Mike était très patient mais ne se priverait pas de donner son avis.

– Messieurs bonjour, Adam à votre service. Comment puis-je vous être utile ?

– Je souhaiterais essayer plusieurs costumes. J’ai une soirée à St Andrews ce week-end.

– Si vous le permettez, je vais vous suggérer plusieurs tenues. Vous avez bien dit St Andrews ? Pour quelle occasion ?

– Le tournoi de Golf, à la suite duquel il y a la réception du dix-neuvième trou.

– Une grande occasion si je comprends bien, comment avez-vous réussi à être parmi les invités ?

– En étant joueur, tout simplement !

Joseph perçut une légère pointe d’agacement dans la réponse de Mike, cette question était revenue trop souvent depuis quelques temps. Pourquoi est-il impensable que le jeune homme puisse intégrer un tournoi si prestigieux ? Joseph savait que son petit-fils s’était donné les moyens de réussir à force de détermination et de courage et qu’il le méritait. Mike enchaîna avec un ton plus courtois.

– Avant tout, est-ce que je pourrai essayer la veste dans la vitrine ?

– Bien sûr Monsieur, je vais vous la chercher.

Adam revint avec le blazer, et il s’approcha de Mike pour l’aider à l’enfiler. Ses mains glissèrent le long du tissu. Cette familiarité mis mal à l’aise Mike. Même si ce contact faisait sûrement parti du rituel pour ajuster le vêtement, l’insistance sur sa taille le fit reculer. Le plastron était bleu nuit, avec des manches et un col bordeaux. Cet ensemble mettait en valeur son buste. La veste lui seyait à merveille, elle épousait son jean taille basse et soulignait le galbe de ses fesses. Il sentait le regard insistant du jeune vendeur et perçut dans le miroir les yeux de celui-ci qui descendait sur le bas de ses reins. C’était des plus gênant.

– Cette veste a été dessinée pour vous ou encore mieux elle semble avoir été dessinée sur vous.

– Comment ?

Joseph regardait la scène avec amusement, toujours bien installé dans son fauteuil. Il savait que Mike ne laissait pas la gent féminine indifférente, mais apparemment les hommes aussi n’étaient pas insensibles à son charme. Il était curieux de voir comment Mike allait s’en sortir sans froisser le vendeur. Joseph très joueur, prit la parole :

  • Adam, ne trouvez-vous pas que cette veste est juste parfaite pour une soirée en charmante compagnie ?
  • Grand-Pa !!

Mike trouvait cette séance d’essayage de plus en plus étrange.

  • Oui, Monsieur, vous avez tout à fait raison. Elle est idéale pour un rendez-vous galant.

Mike retira la veste rapidement. Elle lui plaisait beaucoup et lui allait certes tout aussi bien, mais il voulait cesser cette conversation et passer à autre chose.

  • Excusez-moi, pourrions-nous regarder pour le costume ? Je dois être sur les green dans une heure.
  • Oui, bien sûr je comprends. Avez-vous une idée précise ?
  • Je souhaiterai un trois pièces, avec une pointe de couleurs.

Mike et Joseph regardèrent Adam partir à la recherche de plusieurs modèles, et Mike en profita pour interroger Joseph :

  • Grand-Pa, c’est moi où il y a une atmosphère étrange !
  • Pourquoi ?
  • Je ne sais pas !
  • Ah oui, il en pince pour toi ! Je vois qu’il n’y a pas que les dames qui se retournent sur ton passage.

Mike regarda Joseph avec de grands yeux, décidément il le surprendrait toujours. Ils eurent un sourire complice lorsque le vendeur revint les bras chargés de différents modèles. Mike réalisa que les essayages allaient prendre plus de temps qu’il ne se l’était imaginé, et qu’il devrait faire preuve de patience. Avant tout il faudrait laisser ce jeune vendeur à une distance raisonnable, ne pas lui laisser espérer quoi que ce soit. Il était venu pour trouver son costume et rien d’autre.

  • Ce que je peux vous proposer, un premier costume très en vue dans les soirées à Londres.

Mike resta interloqué, découvrant un costume rose pâle de la veste au pantalon. Pour ne pas paraître désobligeant, il entra dans la cabine pour l’essayer.

  • Voulez-vous que je vous aide ? tenta Adam.
  • Non merci, je suis prêt, mais sans en être convaincu ni par le modèle, ni par la couleur.

Hors de question que quelqu’un ne pénètre dans cet espace d’intimité, pensa Mike.

  • Laissez-nous en juger de nos propres yeux.

Mike ouvrit le rideau, et Joseph ne put retenir un fou rire. Même si Mike pouvait tout porter avec classe, là c’était juste à la limite du mauvais goût.

  • Tu vas devenir la Panthère Rose des salons de St Andrews.

Adam lui resta sans voix, il trouvait qu’il avait belle allure, digne d’une gravure de mode de magazine.

  • Vous avez raté une carrière de mannequin.

Mike répondit aux compliments par un signe de tête et coupa cours, car il ne voulait qu’une chose, enfiler rapidement un autre vêtement.

  • Celui-ci je pense que nous allons l’oublier, suggéra Mike. Je ne veux pas être la barbe à papa que tout le monde veut dévorer.

La déception se lut sur le visage d’Adam, qui visiblement en aurait bien fait son goûter !

  • Voici le second, que je vous propose.

Cette fois, sur les ceintres se trouvaient un pantalon vert anis, un veston jaune soleil et une veste rouge lie de vin.

  • Ne restez pas bloqué sur votre première impression, prenez le temps d’essayer, insista Adam devant la tête peu convaincue de Mike.

Celui-ci retourna dans la cabine. Où voulait en venir ce vendeur ? C’était son métier, la mode ne devait pas avoir de secret pour lui, et pourtant ce deuxième choix était tout aussi déroutant.

Une fois le costume sur lui, Mike sortit et après avoir hésité, regarda l’image que le miroir renvoyait. On put lire sur son visage, tout sauf ça ! Cette palette de couleurs piquait les yeux, enfin les siens. Joseph voulut rester neutre, et pourtant le style épouvantail ferait des plus exotiques à St Andrews. Si Mike voulait se transformer en centre de table, il avait toutes ses chances.

  • Ces couleurs mettent en valeur votre teint, lui dit Adam le plus sérieusement au monde.

Mike se retint d’éclater de rire. Enfin, une certitude dans son esprit, ce ne serait pas celui-là. Et surtout, il ne lui restait plus qu’une demi-heure. Il se résignait en pensant que son costume de remise de diplôme ferait tout aussi bien l’affaire.

Adam ne voulut pas s’en laisser compter et sortit un dernier ensemble de son dressing.

  • Là, je pense que cela devrait vous convenir, et mettre en avant votre style Lord Ecossais.

Mike ressentit un léger picotement en anticipant un éventuel Kilt. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas eu l’occasion d’en porter un. Il n’était pas contre cette éventualité. Pourtant une question s’imposait, est ce que cela serait opportun dans le club de St Andrews ?

  • Voilà, le costume que je vous propose.

Mike fut soulagé, et Grand-Pa poussa un soupir de satisfaction. Ils s’étaient attendus au pire au vue des trouvailles précédentes. Il s’agissait d’un costume trois pièces, bordeaux, cintré à la taille avec des carreaux, tout en simplicité et tout aussi chic. Mike se faufila à nouveau dans la cabine, le cœur plus léger à l’idée de pouvoir mettre une tenue qui lui correspondait. Cette fois c’était la bonne, il était particulièrement à l’aise et le contact du tissu sur sa peau était tout aussi agréable.

  • Oh ! Et bien Monsieur, vous avez la grande classe !

Joseph acquiesça à son tour, son petit gars était devenu un homme, avec une belle prestance qui ne pouvait laisser personne indifférent. Mike et Joseph remercièrent Adam pour tous ses précieux conseils, le saluèrent et partirent en direction du golf. Adam, une fois seul sur le seuil de la boutique, regarda Mike s’éloigner avec une pointe de regret.

Clock Tower sonna midi. Mike et Joseph entrèrent dans le restaurant. Le Birdie Hall était le point central du golf avec sa boutique, et son accueil où l’on retrouvait avec plaisir Henriett et Arthur les gérants depuis plus de trente ans.

  • Voici mes deux golfeurs préférés, annonça Henriett.
  • Bonjour, Henriett comment vas-tu ? interrogea Joseph.
  • Bien, je suis très heureuse de vous voir.

Henriett et Olivia s’étaient rencontrées pendant leurs années au Collège, où elles partageaient une chambre d’étudiante. Olivia faisait des études de Beaux-Arts et Henriett de commerce. Elles avaient tout de suite été très complices. Les deux amies s’étaient investies auprès des jeunes de Stornoway, en organisant des week-ends artistiques. Elles mettaient en place des petits ateliers autour de la peinture et de la musique. Henriett jouait du piano, et bien plus étonnant encore elle maitrisait à la perfection la cornemuse. Depuis tout ce temps, elles ne s’étaient plus jamais perdues de vue.

Joseph et Arthur, quant à eux, étaient des amis d’enfance. Ils avaient grandi dans le même village, et c’est tout naturellement qu’ils étaient partis ensemble étudier en ville. Joseph s’était orienté vers l’aménagement extérieur et Arthur, passionné de cuisine, entra en apprentissage dans le restaurant du golf. Le propriétaire de l’époque, leur louait un petit deux pièces, et en échange de petits coups de mains, il leur avait obtenu d’accéder gratuitement au green. Arthur avait rencontré Henriett et Olivia au restaurant. Les deux jeunes femmes étaient venues pour un repas qui leur avait été offert par les jeunes du quartier. De fil en aiguille, Arthur avait sympathisé avec les filles, et s’était lui aussi investi auprès des jeunes en faisant un atelier pâtisserie. Rapidement, Arthur n’avait pas été insensible aux charmes d’Henriett. Joseph, à cette époque-là, était lui en stage dans les Highlands. À son retour, il avait rencontré Olivia au hasard d’une balade dans le parc municipal. Olivia, assise sur un banc son book à la main, dessinait la scène devant elle. Un oiseau s’était posé sur le bord de la fontaine, posant. Joseph lui admirait le jasmin d’hiver qui fleurissait au même endroit. Leurs regards s’étaient croisés et leur amour était né dès cette première rencontre. Henriett et Arthur, un an après avoir été témoins du mariage d’Olivia et Joseph, se marièrent à leur tour.

Quand Mike s’était installé chez ses grands-parents après l’accident, Henriett et Arthur avaient tout de suite considéré le petit garçon comme leur filleul. Ils avaient tant aimé sa mère Julia, qu’il ne pouvait en être autrement. Ils n’avaient pas eu la chance de pouvoir être parents, et le couple, gardait souvent Mike, lorsque Grand-Pa et Grand-Ma étaient pris par leurs obligations. Aussi très rapidement le golf était devenu son terrain de jeu. Mike venait manger tous les mercredis midi. Après son passage en cuisine, pour aider Arthur à concocter « une assiette juste pour lui », il dévorait son repas et retournait en cuisine pour donner un coup de pouce pour le rangement. Mike savait qu’en aidant Arthur, il avait ensuite plus de temps à lui consacrer. En grandissant, ce moment était devenu essentiel, parce qu’il pouvait aborder tous les sujets avec lui comme il le faisait avec Grand-Pa. Dès que son parrain avait terminé, ils partaient tous les deux sur le parcours. Et c’est pendant que ce dernier supervisait les jardiniers qui entretenaient les greens, que Mike avait très vite compris les subtilités du jeu.

Henriett après avoir installé les deux clients qui venaient d’arriver, revint vers ses golfeurs préférés.

  • Olivia n’est pas venu avec vous ? demanda-t-elle.
  • Non, elle est allée voir Beth qui a eu un malaise sans gravité hier.
  • Dis-lui bien de m’appeler quand elle sera rentrée.
  • Tu peux compter sur moi. Arthur est en cuisine ?
  • Oui d’ailleurs, il t’attend pour finaliser le black pudding.

C’était l’excuse, que les deux amis se trouvaient à chaque fois qu’ils voulaient passer du temps ensemble.

  • Et toi Mike, tout est ok pour ce week-end ?
  • Je viens de finaliser ma tenue pour la soirée du dix-neuvième trou.
  • D’ailleurs, le vendeur est tombé sous son charme ! glissa Joseph.
  • Arrête de le taquiner et file en cuisine. Installe toi Mike.

Mike s’assit à la table proche de la baie vitrée, pour pouvoir admirer l’étendue face à lui. Le ciel était encombré de nuages ce qui le laissa perplexe. Henriett le fit sursauter.

  • Voilà, Arthur t’a préparé ton Fish and chips.
  • Hum, j’avais trop faim. Finalement le shopping c’est du sport et ça ouvre l’appétit !
  • Régale toi.
  • Merci Tata, c’est ainsi que Mike appelait Henriett affectueusement.
  • Tu t’entraines après !
  • Oui j’ai besoin de me dégourdir un peu si le temps le permet.

Henriett déposa l’assiette, Arthur avait taillé le poisson en forme de putt. C’était un jeu qu’ils avaient instauré depuis que Mike venait en cuisine et même maintenant qu’il était adulte, ils poursuivaient la coutume. Après un moment, Joseph rejoignit Mike avec un cranachan et le café.

  • Tu veux travailler tes approches ou juste faire le parcours, demanda Joseph en s’installant.
  • Je pensais que nous pourrions faire un Match-Play, toi contre moi.
  • Oui, si tu veux. À chaque trou que tu gagnes, je te suis redevable d’un service que tu choisiras. Et pour chaque trou que je remporte, tu me devras une balade en mer, proposa Mike.
  • Très bien, je suis ton homme, un bien beau duel en perspective.

Arthur, qui venait de terminer son service, observa son ami et son filleul, il était loin le temps où Mike portait le caddie de Joseph, que de chemin il avait parcouru. Connaissant les deux hommes, il savait que la partie serait intense et disputée. Il les rejoindrait dans un moment pour observer les progrès de Mike.

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