Chapitre 5 : Un matin d’octobre à Pitlochry - Partie 1 : Retour à la maison (nouvelle version)
Céléna.
– Non Cheeky, c’est trop tôt ! Tu as vu l’heure !
La petite boule de poil, couleur café au lait, léchait avec application l’oreille de Céléna. Elle l’avait trouvé l’hiver dernier dans la neige, aujourd’hui il prenait ses aises.
– Tu es un coquin !
Cheeky se lova contre son épaule. Plus Céléna lui caressait le menton, plus le chat ronronnait. Ce petit malin était toujours prêt à faire des bêtises, ou à se lancer dans des prouesses, que seul un matou pouvait exécuter. La dernière en date consistait en un numéro de funambule ! Il avait escaladé le chéneau pour finir dans la gouttière, un pic Épeiche dans sa bouche. Rory le jardinier, aidé de Gregor le majordome, en équilibre sur une échelle vinrent sauver le chasseur et la proie.
La séance de papouilles avec cette peluche aux yeux vert émeraude terminée, Céléna s’étira. La jeune femme attrapa son tartan aux couleurs de la famille, et se glissa hors de son lit. Un frisson la parcourut quand ses orteils touchèrent le sol. Depuis enfant, elle aimait marcher pieds nus, cela lui procurait un sentiment de liberté. Le souvenir de sa première rencontre avec ses parents refaisait surface. Elle courait dans les couloirs de l’orphelinat Dean d’Edimbourg, sans chaussures, pour rattraper son amie Anabela. En songeant à cette petite fille rousse comme les feuilles d’automne, elle eut un pincement au cœur. Qu’était-elle devenue ? Avait-elle eu aussi le bonheur d’être adoptée ? Elle ne le saurait sans doute jamais.
Il n’était pas encore sept heures du matin, en ce début d’octobre à Pitlochry, le silence résonnait dans la maison. La fourmilière entrerait en action qu'au réveil du Lord Harold Mac Craigh. Lorsqu’il descendait prendre son café, c’était le signal pour tous. Avec les années, Céléna appréciait ce rituel apaisant. Elle se glissait dans son bureau et découvrait son père, assis, dans son grand fauteuil à oreilles, sa tasse de café fumante posée sur son bureau, un livre à la main. Céléna arrivait alors à pas feutrés et déposait un doux baiser sur sa joue.
Céléna ouvrit les volets, un vent glacial s’engouffra sous son tartan. Cheeky, qui s’amusait à filer entre ses jambes, sauta sur le rebord de la fenêtre reniflant la bise. Céléna découvrit un cadeau inattendu offert par la nuit. Il était encore tôt pour la saison, l’hiver ne s'annonçait pas avant deux mois. Elle n’eut qu’une seule envie en voyant le paysage, recouvert d’un fin manteau blanc, parcourir la lande. Son visage s’illumina. Impatiente de réveiller son père pour partager ce moment. Cette semaine n’était pas ordinaire, aussi la débuter par un brin de folie s’avérait être une bonne option. Elle enfila ses bas de laine, ses gants, son écharpe et son bonnet, pour sortir dans le jardin.
Rentrée hier en fin d’après-midi, l’étudiante venait de clôturer sa deuxième année à Bordeaux, son diplôme en poche. Cette séparation, loin du cocon familial, lui avait pesé. Arpenter la distillerie avec son père, cuisiner avec sa mère, ces moments simples lui avaient tant manqué. Depuis sa venue pour noël dix mois s’étaient écoulés. Heureusement Cheeky l’avait accompagné dans son périple en France. Ce retour, sur ses terres des Highlands, lui offrait une bulle d’oxygène, un soulagement. Au cours de ces deux années, Céléna avait fait des rencontres riches en enseignements.
Une fois habillée, elle sortit de la chambre en chantonnant Seall an Sneachda et se dirigea vers la chambre de ses parents. Céléna ouvrit la porte, et envoya Cheeky en éclaireur.
– Céléna, que fais-tu là aussi tôt ? Quelque chose ne va pas ? demanda Harold dans sa vieille robe de chambre, Cheeky dans les bras.
– Rassure-toi, tout va très bien, viens vite avec moi.
– Ne parle pas si fort, maman est rentrée tard hier soir, elle dort encore.
– Allez, s’il te plaît suis moi. J’ai une surprise pour toi, le supplia-t-elle.
– Laisse-moi deux minutes, je te rejoins.
– Couvre-toi bien. Je ne voudrais pas que tu attrapes froid.
Harold referma la porte en douceur pour ne pas réveiller Isabel. Céléna dévalait déjà les escaliers, Cheeky sur ses talons. Le père retrouva sa fille, assise dans la cuisine, en grande discussion avec Lily, la gouvernante. Emily dix ans, Andrew huit ans et Ethan six ans avaient, eux aussi enfilé gants, écharpes, bonnets et doudounes. Les enfants tournaient autour de Céléna, comme si elle était leur grande sœur. Elle les avait vu grandir, et jouait avec eux, depuis que leurs parents, Lily et Grégor, étaient entrés au service de ses parents.
– Si je comprends bien, nous partons en expédition, lança Harold.
– Oh oui ! Venez avec nous Milord ! demandèrent-ils à l’unisson.
– Ethan, laisse le temps à Monsieur de prendre son café, suggéra la maman.
– Ça va aller, Lily, la rassura le Lord. Je crois que ces jeunes têtes blondes veulent un peu d’aventure ?
Céléna et les trois enfants étaient fin prêts. Ils tendirent le manteau à Lord Harold, et franchirent la grande porte d’entrée. En découvrant le paysage, leurs yeux brillèrent, et leurs cœurs s'emballaient au contact de la neige sur leurs mains. Noël était loin, et pourtant c’était un avant-goût des futures festivités. La petite tribu gambadèrent dans le parc, glissant sur les petites plaques de verglas, se lançant des boules de neige minuscules. Céléna se jetta dans la bataille. Cheeky s’aventurait quant à lui avec prudence. Lily vint hélas stopper la récréation :
– Emily, Ethan, Andrew préparez-vous, c’est l’heure de partir pour l’école.
Céléna, quant à elle, ne voulait pas retourner aussi vite à la réalité. Elle prit son père par le bras.
– Tu veux bien faire quelques pas avec moi ? lui proposa-t-elle avec un doux sourire.
– Si tu veux, allons faire le tour du parc.
– Chouette, la semaine à venir va sûrement être très animée et je voulais juste un petit moment avec toi.
– Tu n’as rien à craindre, mon ange, lui promit-il.
Dans la fraîcheur matinale d’octobre, oubliant un instant les futures échéances, père et fille avançaient. Tout à coup un cerf fila au fond du parc. La vision lui fit faire un bon dans le temps, le jour de ses cinq ans, où elle était dans les bras de son père et arrivait pour la première fois dans sa nouvelle maison. Aujourd’hui, ils admiraient le grand cervidé avec le même sentiment. Une douceur les enveloppait. Ce moment magique restera gravé en elle pour toujours.
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