Chapitre 7 : Une nuit mouvementée - Partie 3 : coup de foudre. (nouvelle version)
– Vite Céléna, appelle les pompiers et réveille Grégor si ce n’est pas déjà fait, cria Harold tout en se précipitant dans l’allée.
– Papa, où vas-tu ? interrogea Céléna le suivant dans ses pas.
– Ne t’inquiète pas. Il faut faire vite, le feu s’approche trop rapidement des silos d’orge et dans la foulée de la distillerie.
Céléna perçut l’angoisse dans la voix de son père, même s’il tentait de la dissimuler.
– Surtout, demande à maman à la maison avec Lily et les petits.
– Laisse-moi t’accompagner, le supplia-t-elle.
– Préviens d’abord les pompiers et Grégor, ordonna Harold.
Son père n’attendit pas la réponse et partit en courant en direction de la longère pour rejoindre Rory, déjà dehors prêt à en découdre avec le feu. Après son appel téléphonique, Céléna fut rejointe par Grégor et Isabel dans la cuisine.
– Céléna, où est ton père ? demanda Isabel affolée.
– Il est allé voir avec Rory ce qu’ils pouvaient faire en attendant les pompiers. Ne t’en fais pas, ils seront prudents, lui promit-elle.
– Je vais les aider, annonça Grégor prenant la sortie.
Il descendit les escaliers, suivit de Céléna. Tous les deux arrivèrent avec des seaux et des tuyaux d'arrosage pour essayer de contenir le feu. Les flammes léchaient à plaisir les sapins de l’allée et se rapprochaient dangereusement des stocks d’orge. Harold et Rory, déjà à pied d’œuvre, luttaient contre le monstre qui prenait de l’ampleur. Leurs efforts semblaient vains.
– Tant pis, si nous devons sacrifier les silos, il faut à tout prix protéger la distillerie, hurla Harold.
Céléna voyait son père se battre contre ce géant indomptable, sans savoir comment faire pour l’aider.
L’orage gonflait la rivière avec ses rideaux d’eau menaçant de stopper la progression des pompiers. Une inondation ou des arbres barrant la route devaient freiner leur progression. Grégor et Rory; de leur côté, étaient partis à l’avant pour contourner l’incendie et atteindre la distillerie. Les deux hommes arrosaient les murs et les abords de celle-ci afin de ralentir la propagation. Céléna, au côté de son père, affrontait l’éventualité du pire. À ce moment-là, comme à chaque fois qu’elle était en galère, elle lui sourit et lui dit:
– Ne t’en fais pas papa, nous allons réussir.
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que son père la poussa en arrière, juste à temps, car une partie du toit du silo s’effondra. L’orge à l’intérieur brûlait comme un fétu de paille. L’odeur qui s’élevait aurait pu être agréable en d’autres circonstances, comme en cours de maltage. Mais cette nuit, la quantité, partie en fumée, avait une saveur amère et aurait pu alimenter toutes les distilleries de la région des Highlands.
Céléna ne put se rééquilibrer et termina les fesses dans l’herbe. Autour d’elle, il n'y avait plus aucun mouvement. Elle se demanda si elle ne percevait plus rien. Tout à coup, elle réalisa que son père était allongé à ses côtés, inconscient. Elle l’attrapa, glissa ses doigts le long de son bras, cherchant son pouls. Était-ce ses battements de cœur ou ceux de son père qu’elle sentait au bout de ses doigts ? Elle devait faire quelque chose, mais quoi ?
Elle approcha son visage du sien et sentit alors avec soulagement un filet d’air venant de sa bouche. D’un coup, Harold toussa pour dégager ses poumons, il cherchait à trouver de l’air qui lui manquait.
Céléna se sentit à son tour nauséeuse. En voulant lui sauver la vie, il avait risqué la sienne et son crâne avait cogné au tronc du sapin. À genou, sa main sentit une zone humide sur la tête de son père, du sang, beaucoup de sang. Elle le souleva et le prit par le cou, tout en attrapant son tartan pour l’appuyer sur la plaie. Il reprenait peu à peu ses esprits.
– Papa, tout va bien ? demanda-t-elle, soulagée qu’il ouvre les yeux.
– Je pense. Un peu sonné, mais ça va aller.
La salive lui manquait, les fumées irritaient leurs gorges et piquaient leurs yeux. Harold en sueur tremblait. Céléna ne savait plus ce qu’elle devait en penser. Est-ce que c’était lié à la chaleur, à sa chute ou à la peur tout simplement de voir tout autour d’eux s’envoler en fumée ?
– Papa, tu es sûr que tout va bien ? Viens je te ramène auprès de maman, elle pourra prendre soin de toi.
– Non surtout pas ! Ça va aller, regarde juste des égratignures par-ci, par-là et un peu de sang.
Elle le prit par le bras et l’aider à se relever doucement. Autour d’eux, les flammes filaient vers la distillerie après avoir terminé leur travail de sape sur les silos. Tout autour d’eux devenait oppressant. Céléna soutenait son père, autant pour l’aider que pour se rassurer. Elle avait très peur. Dans la pénombre, les larmes étaient plus faciles à dissimuler mais hors de question de se laisser aller maintenant. Elle attrapa la main de son père et la serra fort.
– J’espère juste que Rory et Grégor s’en sortent mieux que nous, dit Harold avec une pointe d’espoir.
Céléna frissonna malgré la moiteur de la nuit orageuse, elle avait froid. La fatigue, la tristesse de voir ce qui se jouait face à elle, lui faisait craindre le pire pour la suite.
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