Highway to hell

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Épisode tierce: "Highway to Hell"*

Après quelques modestes péripéties et quelques obscures raisons, j'ai acquis un certain sens philosophe de la vie: l'optimisme. C'est une autre façon de dire clairement que je souris à la vie, que je vis sans me soucier de quelconques soucis, que je garde mon sourire en toutes circonstances et que rien ne peut m'atteindre. Alors, certes, vous allez me dire que ce n'est pas simple tout les jours, qu'il y a toujours des problèmes à gérer qui nous font faire grise mine. Mais je ne suis pas du tout réaliste. Je suis optimiste. A chaque embêtement, je trouve sa solution. Et si je ne trouve pas de solution, je m'en fous. Je laisse tomber et je continue ma route. C'est une philosophie assez pure qui fait suite à trop de tracas par le passé, je crois que je peux dire sans détour que je me fiche de tout. Bien que je me fiche de tout, j'apprécie les gens, ceux qui m'entourent, même s'il s'agit d'une amitié éphémère, je sais pertinemment que nous nous croiserons à nouveau un jour ou l'autre car je suis toujours sur la route.

La route de l'Enfer.

Vivre facilement.
Aimer librement. Pour moi, la route est en sens unique. Je regarde le futur, jamais le passé. Et si le passé ressurgit ce n'est que pour mieux agrémenter le futur. Bien que je regarde le futur, c'est à cause de mon sens logique et à ma nature à réfléchir sur chacun des actes que j'apporte en ce monde, je vis surtout l'instant présent sans limitations de vitesse. Alors, oui, généralement on ne me demande rien, on me laisse vivre. Parfois, je dérange avec mes sourires et mes réponses philosophiques à tout. Mais à quoi bon? Je prend tout sur mon passage, tout ce que l'on peut me donner, et puis, je n'ai pas de raisons particulières. Je prend, et poursuis ma vie sans rien demander tant que l'on ne me demande pas! Pas besoin de rimes pour rythmer sa vie, il n'y a rien de mieux à faire que de s'écrouler, faire la fête, voir ses amis. Si tant est que j'en ai encore!

Je ne suis qu'un démon sur l'autoroute de l'enfer.

On ne me bloque pas.
On me laisse aller où je le souhaite. De toutes façons, je vais vite, je vais droit, je ne bifurque jamais, je ne fais pas demi-tour, j'accélère, je galope à tout va jusqu'à ma prochaine destination, ma prochaine cible. Il n'y a qu'une seule fois où l'on m'a arrêté, mais j'ai payé mon dû au Diable. J'ai pu continuer à gambader. Ce droit de passage octroyé à Bélzébuth, je l'ai payé d'une vie. Celle d'un ami.
C'était lorsque celui-ci m'avait demandé, ordonné, de ne pas aller à la Cour des Miracles, de ne pas suivre les indications de celle qui m'a fait comme je suis. De ne pas donner ma confiance à une inconnue qui m'a simplement perçu après un acte de violence irréfléchi. Mais je suis impossible à arrêter, et comme cette femme m'aura demandé de tuer quiconque tentera de m'arrêter sur la route de l'Enfer, je lui ai interdit de vivre encore.
Personne ne va plus me ralentir. Comme une roue qui va tourner, personne ne va m'arrêter. J'ai payé mon dû. Je l'ai écrasé sous les fers d'un cheval que j'ai volé peu de temps avant. Je l'ai écrasé, du moins, mon cheval l'a écrasé. Nous sommes passé sur son corps, le sabot déchirant le visage d'un enfant sur la voie de la majorité. Des coups de sabots qui retentirent après avoir éclaté la cervelle, après l'avoir répandu sur quelques centimètres sur un sol boueux. Il ne pourra plus réfléchir à son acte à présent. Après avoir fait cela, j'ai donné les coups de pieds aux hanches du canasson et continué mon chemin.

Satan, j'ai payé pour ma route.
Regarde maman, regarde-moi! Je suis sur la route vers la terre promise, je suis sur la route de l'Enfer! Ne m'arrête pas! J'ai tué trop de gens, je ne voudrai pas t'arrêter toi aussi! Ne m'arrêtez pas! Ou je vous arrêterai! Laissez-moi vivre, laissez moi faire la fête, laissez moi rire, laissez moi tuer! Je suis un démon sur le chemin de feu emprunté pour suivre mon destin. Je suis comme cela. Et c'est tout. Un optimiste assassin doublé d'un romantique anarchique et d'un musicien démoniaque!
Et mon cheval aussi est comme cela. Il hurle et crache des flammes. Un pur sang catalon doublé d'un démon. Nous faisons la paire. Il sait lui aussi tuer, lui aussi écraser. Moi je me contente de monter dessus et parfois l'aider en enfonçant ma lame brûlante dans la chair fraîche. Un fidèle compagnon pour ma route!

Et là, je suis à Saumur.
Je dois retrouver mon amie, ma muse, ma déesse de la mort. Je dois lui offrir une rose rouge. Non, pas pour lui avouer sa mort proche, elle mourra bien assez tôt, mais pas de ma main. Simple cadeau de bonne foi pour lui rappeler des souvenirs partagés. Je crois d'ailleurs que je suis amoureux. Enfin, je ne sais pas si c'est de l'amour ou un signe de respect. Peut-être que je la prend pour ma mère, enfin, comme une deuxième mère. Ou peut-être que j'ai envie de lui faire l'amour. D'ailleurs, je n'ai jamais fait l'amour à une femme. Ne riez pas! Je pense à elle le soir. Aussi à ma mère, mais pas en même temps.
Je crois que je suis heureux de la retrouver d'ailleurs. Elle, pas ma mère.
On verra au moment venu.

*L'autoroute de l'Enfer - Ac/Dc

Épisode quarte: "Mr Bad Guy"*

Allons chasser les arcs-en-ciel dans le ciel
C'est mon invitation
Partons tous en voyage dans mon extase.

Je suis monsieur sale type.
Je suis le cauchemar de tout le monde, même si je traverse les airs et l'espace des ailes de mon anonymat. Tu ne me vois pas, mais pourtant je suis là. Je rode, je traîne, je veille, je surveille, prêt à bondir sur ma proie tel un loup chassant son petit déjeuner. Je parcours le toit des masures où les joies des enfants trouvant le rêve ne sont pas dérangées. Je suis comme un chat, comme un félin, silencieux dans ses déplacements, sautant sur un parcours fléché prédéfini. Personne ne peut m'attraper, je suis noir comme la nuit. Je suis invisible. Un sale type que l'on ne peut croiser tant la discrétion est immense. Je me sens comme le Roi du Monde sous le ciel étoilé de cette nuit magnifique. La lune resplendit mon visage d'une demi-sphère, mais ce visage reste noir et innocent, immaculé. Les yeux du démon, le regard du bad guy. Je guette. Tu es là. Oui, bientôt ma lame perçante se trouvera dans le rocher d'Excalibur. Tu ne pourras la retirer et tu mourras en essayant. Je ne rate jamais. Je réussi tout. Petite souris, tu vas connaître le mal. Petit sourire, tu vas connaître l'obscur. Petite souris, tu vas même pouvoir croiser mon démon. Brûle en Enfer, envoyé par monsieur le sale type. N'oublie pas de le préciser quand tu payeras le Passeur. Peut-être auras-tu un voyage gratuit sur le Styx et tu pourras contempler toutes les âmes que j'ai pu y amener. Profite. Ce sera ton dernier voyage avant d'être damné pour l'éternité.

Mauvaise communication.
Le gros père n'a pas de place pour rester. Mais l'on ne m'avait pas prévenu qu'un homme d'Eglise serait à tuer cette fois-ci. Un homme si haut placé que des gardes surveilles sa demeure. La demeure censée être au Très-Haut. Mais je peux m'y glisser, je peux scruter chacun des mouvements de ces satanés bidets en surveillance. Je peux transgresser les règles et toucher mon but. Je peux les induire en erreur. Je suis un sale type, et ils ont tous peur de moi. Je peux ruiner la vie des gens. C'est ma seule façon d'être. C'est mon destin. Déploies tes ailes et viens avec moi. Je vais te montrer le chemin à suivre. Mais avant, élaborons un plan et après exécutons le. Et regardons tout d'abord la configuration des lieux. Cette demeure ressemble à une forteresse imprenable. Deux gardes surveilles la grille. Deux gardes surveilles l'entrée de la demeure. Des patrouilles se promènent sur de petits remparts qui entourent le toit de la villa. Je compte quatre hommes. Donc huit en tout. Ce qui se trouvent sur le toit détiennent des arcs, et ceux qui sont au sol n'ont qu'une épée et une légère côte de maille. Il y a des vitraux et de petites fentes où aucun homme ne saurait passer. La porte en bois ne doit pas être verrouillée, les gardes doivent pouvoir pénétrer en toutes circonstances.

Première possibilité.
Je fonce dans le tas. Je parviens à pointer ma lame dans l'oeil du premier garde à la grille. L'autre se jète sur moi, je n'arrive à retirer ma dague assez rapidement pour infliger une dérouillée à l'autre. Je me prend une épée dans les côtes. Ça fait mal et je tombe. Mon coeur a été touché, je perd mon sang et la terre ne parvient pas à l'éponger suffisamment pour faire disparaître l'écarlate. Je pousse mon dernier râle, et l'air ne rentre ni ne sort de ma bouche. Priez pour moi, que je rejoigne mon démon.

Deuxième possibilité.
J'escalade la grille sur l'un des côtés rendu invisible par la nuit. Je profite de cette invisibilité de circonstance pour m'insérer dans la cour. Je marche doucement, légèrement. Mes pieds ne font aucun bruit en marchant sur les petits cailloux de la route. Les quelques arbres présents me fournissent une cache supplémentaire. Je m'approche doucement des murs de la demeure, je touche au but et...
Crac.
Merde. Une branche apporte le soupçon aux gardes. Je ne l'avais pas vu, je l'ai juste frôlé, mais mon pied s'est tout de même écrasé dessus fournissant un prétexte aux bidets pour s'entraîner au tir. Je cours vers la grille, cherchant à fuir, je me cogne quelques branches sur la face, une épine de sapin pénètre mon oeil, je hurle mais continue ma course folle. Les flèches sifflent dans le vent, agonisent sur le sol. Je touche au but, je peux fuir! Encore plus vite, toujours plus vite! Je saute sur la grille et... une flèche me parvient au cou. Ressort de l'autre côté. Je perd l'équilibre, m'embroche sur les piques de la grille et pend de l'autre côté, retenu par mes boyaux voyant pour la première fois l'extérieur.
Mauvaise idée pour un bad guy. Mauvaise idée pour mourir en beauté.

Troisième possibilité.
Le feu. Tout peut se régler par le feu. C'est tout de même la crainte de tout homme, la peur de finir brûlé, de voir sa ville submergée par les flammes de l'enfer. C'est la meilleure solution, ce ne peut être qu'elle. Je ne peux décemment pas passer par le portail, ni même par la grille sans causer la perte de mon anonymat. Le feu me laissera un laps de temps utile pour entrer dans la demeure. Mais il faut bien calculer son coups.
Je scrute les alentours. L'église. Oui. Ce sera une bonne cible pour faire s'affoler les gardes. Surtout qu'elle est fort bien placée, puisqu'à côté de la demeure ciblée.
A cette heure-ci, il n'y a personne à l'intérieur d'une bâtisse religieuse. Ou bien quelques sans abris qui viennent à dormir là. Si c'est le cas, je devrais me salir un peu plus les mains. Mais tant pis, j'ai besoin de l'argent de mon contrat. Je peux bien dévier un peu de mes prérogatives! Mon démon en sera que plus heureux.
Je pousse donc la porte de l'église, scrute l'intérieur. Pas âme qui vive. Tant mieux, je préfère mêler un sang à la fois sur ma lame. Je m'approche de l'autel, m'empare d'une des torches qui flambent dans la nuit pour toujours maintenir éclairé cet antre de Dieu. J'entends un bruit. Une porte qui s'ouvre au fond. Le curé! Il est vrai qu'il dort là, lui! Ce n'est pas comme l'Inquisiteur d'à côté qui a le droit au luxe et à la fortune. Je cours vers lui, lâche ma torche, prend en main ma dague, saute sur le pauvre homme en posant brusquement ma main sur sa bouche et plante mon arme sous sa mâchoire. Je crois qu'il aura compris la leçon, ne jamais se réveiller en pleine nuit.
Je reprend ma flamme qui jonchait le pavé et l'apporte sur l'autel, sur le tissu qui le recouvrait, ainsi que sur ses livres et ses croix de bois. Belle allure, ça réchauffe une âme ça! Les flamme prirent de la hauteur, de la splendeur, s'accrochant aux poutres. Ça y est. Tout va commencer. Je me précipite en dehors, regagne une cache, regarde la maison cible. Les gardes commencent à s'affoler, les paysans se réveillent dérangés par la cohue et l'alarme lancée par la maréchaussée. Tout le monde s'organise au mieux pour éteindre ce feu. Mes gardes ne bougent pas. Pourquoi? Mais... que vois-je? La porte de la demeure s'ouvre et l'Inquisiteur en sort affolé? Il se rend même sur la ruelle gueulant comme un porc sur les paysans qui faisaient de leur mieux pour apporter les seaux. Je crois qu'il tient vraiment à son église. Je le regarde, chacun de ses mouvements. Ses gardes n'arrivent pas à le suivre tellement il bouge. J'en profite, je m'élance, porte mon capuchon sur le visage, bouscule quelques gens, me dirige vers le futur cadavre qui s'agite et s'égosille. Ce n'était pas prévu, mais pourquoi pas, ça me va. Je suis à sa hauteur, passe devant lui, le bouscule et continue ma route comme si de rien était.
Lui, il avait la gorge ouverte, son sang volait en éclat se mélangeant à l'eau de quelques seaux. Les gardes le retrouvèrent dans la mêlée et portèrent une rose à leurs yeux puis, fouillèrent à la recherche du coupable.

Mais je suis un sale type.
Les sales types ont des ailes et savent les utiliser pour disparaître à jamais.

*Monsieur Sale Type - Queen

Épisode cinque: "Feeling good"*

Partons ensemble rejoindre mon passé,
Adolescence aux parfums d'amours acidulés
Du jeunot boutonneux aux effluves douteuses
Amoureux d'une catin aux mains âpres et frauduleuses.

Je me sens bien.
Dans cet univers où les oiseaux gazouillent et volent haut, où le soleil dans le ciel me frappe de ses rayons qui réchauffent mon corps mourant, où les roseaux penchent sous les caresses d'un vent frais d'une fin d'été. Toute cette nature sait ce que je ressens en cet instant de bien être, de repos et de bonheur bien mérité du haut de mon jeune âge. C'est une aube nouvelle pour moi, un jour nouveau, une vie nouvelle qui vient tout juste de commencer. Tout les petits tracas du quotidien placé derrière moi, je m'octroie ma jeunesse perdue. Mieux vaut tard que jamais. Mais vous savez sans doute ce que je ressens.

Je me sens bien.
Devant ce lac tumultueux où le vent s'engouffre en de petites vaguelettes charmantes. Ma canne à pêche à la main, je regarde l'horizon et, parfois, mes yeux se tournent vers ma compagne du moment. Une charmante catin, ou plutôt, ancienne catin dont je suis tombé éperdument amoureux durant mon séjour à la Cour des Miracles. Une petite personne qui sait manier, elle aussi, les cannes avec tant de ferveur qu'elle pourrait devenir la déesse des pêcheurs. Je suis un pêcheur, et Dieu m'a déjà puni, seul le Diable sait me récompenser en m'offrant ses cuisses chaudes, délicieuses et confortables. Qu'il est bon de poser sa tête entre une telle merveille, de temps à autre, bien qu'il soit plus impérieux d'y glisser une toute autre chose. Vous, les poissons de la mer, vous savez ce que je ressens. Et cette rivière qui coule en toute liberté, elle sait ce que je ressens. Les arbres et les fleurs aussi. Toute cette nature qui nous regarde goûter aux joies de la vie en toute quiétude. Je me surprend à entendre mon coeur rompre cette cage thoracique qui le maintient enfermé. Je me surprend à passer mes doigts durs dans sa chevelure couleur or. Je me surprend à tomber amoureux de cette catin que j'emmène à la pêche. Et mon sourire n'en est que plus beau.

Je me sens bien.
L'appât titille la surface de l'eau. Parfois, la canne devient plus molle, des fois plus dure. Je sens que quelque chose mord à l'hameçon. Je tire, je sens ma force s'inquiéter au regard du fil s'engouffrant dans la mouille. Une goutte de sueur perle sur mon front. Mes muscles se raidissent. Je pousse un râle. Je tire. La canne se tord et se relève, remontant l'hameçon hors de l'eau et je souris. Je me sens bien. La truite est là, devant moi, je suis un conquérant. Toi, la libellule libre au soleil, tu vois ce que je veux dire. Vous, les papillons qui vous amusez tous, vous voyez ce que je veux dire. Dormez en paix lorsque le jour touche à sa fin. Et cette catin qui me sourit, cette gourgandine qui, jadis, se vautrait dans son stupre, elle me regarde, elle rit, elle trépigne de joie comme si mon goujon pêché lui procurait un plaisir insatiable. Elle sait goûter à ma force et l'apprécier à sa juste valeur. Je lui rend son sourire. Elle se prélasse, je la regarde. Elle retire ses chausses pour libérer ses pieds d'une entrave et les baigner dans cette eau onctueuse.

...

Je ne me sens pas bien.
Cette odeur qui était tel un monstre en cage ressort pour me titiller les narines. Je ressens cette odeur de poisson pourri, cette effluve affreuse et verdâtre voler au dessus de ma tête et s'engouffrant dans mon nez tel une malédiction. Étoiles qui brillez dans le noir de la nuit, vous savez ce que je sens. Toi la senteur du pin, tu sais ce que je sens. C'est absolument infâme. Et je ne me vois guère lui stipuler qu'elle chlingue tout bonnement des pieds. Ce n'est pas chose qui se fait. Je ne peux me permettre. Je suis un sale type, mais un gentleman tout de même. Et qui se respecte. Je perd mon sourire. Je regarde le bout de ma canne. Plus rien ne mord. Les poissons s'enfuient-ils par la faute d'un odorat trop prononcé? Je crois devenir fou. Mes sens olfactifs me détruisent l'esprit, me tapent au cerveau comme pour me prévenir d'un danger que de rester à côté d'un détritus nauséeux. Je ne me sens pas bien, je souffre. Jamais je n'ai goûté à telle torture. Il doit y avoir un truc mort dans ses pieds, ce n'est pas possible autrement. Mais comment lui faire comprendre? Mon nez veut se barrer. Il veut se faire la malle. Il me tire, il m'ordonne de faire quelque chose, d'agir. Je ne peux que l'écoute, il est au milieu de ma face. Je hurle. Oui, je hurle. Je me lève, sors ma canne de l'eau, m'empare de l'hameçon et me dirige vers cette femme. Que dis-je? Ce monstre puant. Elle est dos à moi. J'ai l'avantage de la couardise. Je me penche au dessus de sa tête et plante l'hameçon dans sa lèvre pulpeuse et délicieuse. Elle hurle. Elle aussi. Je hurle. Moi aussi. Elle tire sur le bout métallique. Le sang coule, j'ai la trique. Je jubile. La première goutte tombe au sol, elle se relève, me crie dessus. Je la pousse dans l'eau, très brutalement. Je la rejoins dans cette étendue et force sur sa tête. L'odeur est toujours là, plus forte encore, se propageant dans le lac. Je vois les bulle sauter ci et là. Je vois l'étendue s'agiter en de plus grosses vaguelettes. Je souris. Plus une bulle. Je la pousse au milieu du lac et retourne à ma place en empoignant ma canne.

Je me sens bien.
Oui, la liberté est en moi, et vous savez ce que je ressens. En ce vieux monde est un monde nouveau et plein d'audace pour moi. Je crois que c'est pour cette raison que je suis toujours célibataire...
*Je me sens bien - Muse

Épisode sixte: "My fairy king"*

Tout le monde s'agite.
C'est un jour de fête, c'est le jour de fête. Le rendez-vous tant attendu depuis des mois par les quelques badauds d'un village qui souhaitent réellement se mettre minables en ce jour qui arrive enfin. Tout le monde s'agite, on voit les tentures s'installer, le camp se construire, les troupes s'organiser, les maîtres entraîner leurs bêtes. C'est la fête, c'est la foire, c'est une occasion unique de se divertir comme il se doit dans un monde de brutes.
Là, c'est un tout autre pays qui se crée, qui s'organise sous les vocalises d'un fil conducteur. C'est un pays où les chevaux naissent avec des ailes, où les abeilles ont perdu leur dard, où le lion partage sa cage avec un cerf et où l'on entend les éternels chants joyeux et festif. Des rivières de vins si clairs se dessinent devant nos yeux ébahis et les dragons traversent l'air comme de modestes moineaux. Ils continuent, ils continuent. Tous motivés par le désir de se faire plaisir, de faire plaisir, de s'amuser et d'amuser. Je ne peux rater un tel événement, je suis encore un grand enfant. Et la nuit tombée offre un spectacle de lumières enchanteresses et d'animations fabuleuses. Le concert des damnés est entamé. Nous pouvons jouir d'une folie passagère. Ce qui se passe ici, reste ici. Je bois, je ris, je regarde le dompteur dresser l'ours de sa folie. Je romps une barrique pour m'en inspirer de son contenu. Je suis la meute, comme un loup exalté par ce qu'il sent. La sueur de la joie. Je me gausse, je ris, je m'éclate. Un cracheur de feu risque de changer ma coiffure. Je ris et l'engueule, mais je ris. Une bohémienne danse sur des braises, ses pieds noirs ne semblent pas souffrir, je suis ébahis. Et obnubilé par ses formes avantageuses. Je songerai à la rencontrer dans sa tente, peut-être.

Le Roi des Fées se pointe.
Un chat hurle à la mort. On lui a marché sur la queue. C'est sous ce cri de haine qu'apparaît un ridicule, un idiot qui ne cesse nous harceler de ses blagues puériles et drôle que de ce qu'il en pense. Un homme portant un chapeau affreux, aux frasques futiles, maquillé comme un manant qui recherche à peindre son écriteau de taverne et tombe de son échelle dans les quelques pots qui se tenaient là. Un bouffon, un clown, un ravagé de l'esprit. Une horrible chose. J'angoisse, il me fait peur. Je n'aime pas ça, c'est malsain, mesquin. Il manipule des cartes à jouer, les fait voler dans l'air, les fait disparaître. Petit joueur, tu en as fait tomber une sous ton pied. Le Roi des Fées gouverne l'air et les marées, mais ne sait pas nous offrir d'un tour convenable. Il guide les vents mais se vautre de façon inconcevable. Et tout le monde rit. Le Roi des Fées ne peut rien faire de mal. Mais je me fais souffrance à le regarder ainsi gesticuler avec son sourire narquois. C'est un clown pédant, manipulateur et dominateur. Mais je suis aussi sauvage que l'ours dans la nuit. Aussi démoniaque qu'un fauve s'échappant de l'emprise de l'homme. Je peux courir comme un voleur et tuer comme un couteau. Le feu brûle en Enfer avec les pleurs de la pluie hurlante. Je sens la folie monter en mon intérieur, mon âme titiller le démon. Je le trouve insupportable, il me fait souffrir les yeux. Mon cerveau va explorer. Il agite à présent un bout de bois et fait apparaître un lapin dans son chapeau. Tout le monde rit. Il adopte une posture infâme. Je ne ris pas, je ne m'amuse pas. La tension monte, je ne quitte des yeux. Je le transperce de mon regard. Fils du Paradis, relâche-moi et laisse moi partir! Je le veux, rien que pour moi! Il fait tant souffrir nos engeances de sa présence!

Il a asséché les couleurs de mes ailes.
Brisé mon anneau de fée et jeté la honte sur les épaules du Roi. Il a changé le sens du vent et des marées. Mère, regarde ce qu'il a fait de moi. J'étais si calme et si bon, magnifique et rieur. Mais il m'a transformé. C'est impossible d'adopter une tête si imparfaite avec se sourire si grand et si rouge. Je ne peux le tolérer, il me fait peur. C'est un lâche, un petit joueur, un mesquin, un farceur. Il a enfin terminé et s'en retourne à sa séance de démaquillage, ou de "dépeinturlurage". Je respire enfin. Mais mes entrailles m'ordonnent d'aller à son encontre. Je ne peux le laisser filer. Il violera peut-être encore quelques enfants, il fera peut-être souffrir quelques petites filles. Les cauchemars pourront commencer lorsque l'on le verra encore agir de la sorte, ce bouffon. Ce Roi des Fées qui change le cour du monde. Je vais le voir. J'ouvre le voile de la tenture pour pénétrer les lieux et le trouver. Il me sourit toujours. Je ne sais pas si c'est un vrai sourire ou bien son personnage d'un air niais et manipulateur. Je refuse de croire qu'il puisse penser que je veuille le féliciter de l'affreux spectacle qu'il a offert à tous. C'est interdit de faire de telles choses!

"Oh! Un grand admirateur! Oh, oh, oh! Veux-tu un autographe mon grand? Viens donc t'asseoir à côté de moi! Oh, oh, oh!"

Je bouillonne intérieurement.
Je hurle tel un loup quittant sa meute à la recherche de nourriture. C'est dit, c'est ma proie. Je vais me nourrir de violence cette nuit. Encore. Le démon ne me lâchera pas. Mère, je fais ça pour toi. Personne ne doit souffrir à le voir encore traîner là! Cet être démoniaque qui parle d'une voix tellement aiguë. Tellement fausse. Il peut se foutre son autographe dans le cul. Je vais même l'y aider. Je me jète vers lui, dégaine ma lame qui se trouvait dans ma botte et me penche sur son visage. Il se débat. Je lui ordonne de cesser, de se laisser faire. Il refuse. Je ris comme lui et m'empare de sa voix en souriant. Il refuse toujours et s'agite. Étant bien calé sur ses genoux, face à lui, je lui donne un coup sur le crâne. Il semble abasourdi. Je ris. Je m'amuse. Je m'éclate. Il ne comprend pas. Il est perdu. Mais son sourire reste toujours encré sur son visage ignoble. Il tentait certainement de l'enlever avant que je ne vienne le déranger. Mais je vais l'aider pour son futur à ne plus se donner la peine de se remettre tout cela à la gueule. Mes doigts glissent sur sa bouche. Je sens ses mains m'agripper les flancs. Je lui redonne un coup au visage, me lève et l'attache à sa chaise pour revenir m'installer confortablement sur ses genoux. Je m'empare de son chapeau ridicule et le fourre sur ma tête. Je souris. Je m'amuse. Je m'éclate. J'approche ma figure vers la sienne. J'agrandi mon sourire d'une façon surnaturelle. Je le dévisage. Il angoisse, il semble vouloir hurler. Il ouvre la bouche. J'apporte mes lèvres sur les siennes pendant un moment. Me recule et lui tend la joue de mes doigts serrés sur sa peau.

Ma lame aussi veut participer au spectacle.
Le Roi des Fées est faux. A moi de le rendre plus réaliste. J'approche ma dague de son sourire, fait caresser le bout piquant sur ses lèvres pulpeuses et rougeâtres. La lame argentée pénètre son sourire carnassier. Les canines ne sont plus blanches à mes yeux. Une bosse se forme sous la joue. La peau s'étire péniblement. Il semble dérouiller. Ses yeux me scrute avec panique. Sa langue vient jouer aussi avec ce qu'il a en bouche. Chouette, on s'amuse. On rit. Je ris. La peau se détache tranquillement sous la pression de mes mains, le sourire s'étend, plus véritable. Un sourire à la sicilienne. Le sourire de l'ange. Lorsqu'il atteint le lobe, je fis la même chose de l'autre côté. Plus besoin de maquillage. Le voilà réellement devant nous! Magnifique portrait. Il pleure. Son maquillage coule. C'est un clown triste que nous avons devant nous. Un clown triste qui ne peut s'empêcher de sourire. Je prend un peu de sel qui se trouvait non loin d'une assiette bien garnie et l'en asperge les fissures afin de permettre que cela ne s'infecte pas et ne cicatrice pas. Je sens mon coeur rompre sous le poids de ces émotions. Magnifique. Une vraie oeuvre d'art! Il mérite enfin son titre de Roi. Il mérite enfin de nous faire rire et de nous communiquer sa joie. Mais un seul détail me chiffonne. Sa voix.

On ne doit rien oublier.
Il a la voix d'une gamine de 6 ans. Une voix de castré. Il pleure et suffoque sous le sang. J'en profite pour m'éclipser de ses genoux, de descendre d'un étage et d'ouvrir ses braies. Je ne ferai pas la même erreur que la dernière fois, je ne couperai pas rapidement. Il souffrira. Mais il faut souffrir pour être beau et véritable. Mon Roi des Fées.[size=7] Je sors son petit biscuit de ses braies, l'admire. J'ai mieux. Heureusement. Je ne peux l'envier. Je ris. Je m'amuse. Je m'éclate. La pointe titille le gland. Un peu de sang s'en échappe. Je m'extasie. Je dessine un trait rouge le long de sa verge. Les boules m'interpellent. Tant de poils, pas beaucoup d'espace pour visionner parfaitement l'anatomie. D'une précision chirurgicale j'entaille légèrement la bourse et plonge mes doigts dans la fente pour y ressortir un jouet, de quoi faire une petite pétanque. J'ajoute du sel sur la plaie et me rend de l'autre côté pour réitérer l'affaire. Après cela, le sans-couilles ne pourra plus parler d'une voix rauque et puissante. Son personne est parfaitement réel. Il ne fera plus souffrir les petits. Il les fera rire. Il fera rire tout le monde, en commençant par moi. Je jouis devant un tel spectacle. Devant une telle création. Lui, ne semble pas apprécier. Il n'est plus très énergique, semble dans un état second. Je m'approche de son visage, tapote un peu sur le front. Il réagit un peu. Semble vouloir s'extirper de mon emprise. Il devrait s'en sortir. Soulagement. Je ris.

Et dans la nuit, je m'éclipse.
Sous la lune, j'ai encore fait des merveilles. J'ai sauvé des âmes. Mère, tu peux être fière de moi. J'ai encore sauvé le monde d'une pénible chose infâme. Mais je reste ton monstre. Je continue d'errer ci et là sans me faire remarquer. Et pour une fois, je n'ai pas tué! Tu peux être tranquille, je te rejoindrai bientôt, peut-être. Je suis sur la voie de la guérison!

*Le Roi des Fées - Queen

Épisode septième: "My love is dangerous"*

"Que... que fais-tu?
Es-tu en train de m'embrasser?
Non, non!
Je connais ce regard!
Ne fais rien, pitié!
Ne m'aime pas...
Je ne te ferai rien de bien, rien de bon.
Tu ne pourras vivre avec moi, tu ne pourras que mourir.
Ne m'aime pas.
Mon amour est dangereux."

Ses yeux percent les miens.
Une larme cristalline vint s'écraser contre ses lèvres tout en grandissant encore le long de sa joue pourpre. Ma main vient se coller contre cette eau salée de tristesse et d'amertume. Je le ressens, moi aussi, ce coeur qui bat pour la première fois de ma vie. Ce coeur qui ne cesse de frapper contre ma poitrine dans un lourd fracas assourdissant et meurtrier. Mon souffle me fait suffoquer et sa vitesse est exagérée. Je scrute ses doux yeux verts. Je me sens défaillir. Mon regard descend un peu plus. Lèvres pulpeuses et délicates qui semblent à l'instant coincées dans une mimique affolée. Une dent se laisse percevoir, blanche, mordillant la lèvre inférieur avec insistance comme signe d'une envie insatiable et inaccessible de part des propos mal tenus. Je ressens à nouveau le liquide lacrymale couler le long de mon doigt avec force. Je suis totalement perdu. Je ne suis pas un surhomme, un super-héros. Je ne sais pas agir en ce moment là. Une larme sanguinolente s'écoule de sa lèvre. Elle mord trop fortement, se retient véritablement, essaie de résister jusqu'à en perdre la vie si cela était même envisageable. Mon amour est dangereux, trop dangereux. Il fait saigner la plus belle des colombes. Il te fait saigner. Il te fera toujours saigner. Tu n'auras plus le beau sourire que tu avais jadis.

"Tu ne dois pas suivre mes pas.
Tu ne m'appartiens pas.
Tu fais une erreur, n'essaie pas de me comprendre.
Non, n'essaie pas de me comprendre.
C'est tout ce que je dis..."

Elle est magnifique.
Vraiment magnifique. Pour la première fois de ma vie, je souhaiterai être normal. Être comme tout les autres. Humain. Vivre normalement. Rire. Pleurer. Sourire. Jouer. Aimer. Embrasser. Humain. Mais je ne suis qu'un monstre. Je porte le nom d'un monstre. Stradivarius. Ce nom résonne comme un couteau qui apporte le sang et la mort. Cette mélodie qui résonne contre les murs des ruelles sombres où chaque pavé reçoit le signal de la défunte. Non, mon amour est trop dangereux. Je ne peux lui donner. Lui donner à elle. Elle ne mérite pas cela. Elle doit vivre, heureuse. M'oublier et vivre. Mon amour fait pleurer tout le monde. L'amour est dangereux. Mon amour est dangereux. Et pourtant, je l'ai rencontré, elle, si belle, si intelligente, si parfaite. Je l'ai rencontré, et j'ai senti mon être se chambouler. Mon corps a réagit à son apparition. Un ange. Une déesse. L'amour. Je ressens toujours l'effluve chaud et agréable de ce sentiment qui me parcourt le corps. Elle m'a offert son sourire et sa voix sensuelle. Je n'ai jamais connu une telle voix qui sache faire bondir mes braies avec fougue. Je ne crois pas avoir jamais connu cela. Mais c'est sans nul doute un piège, un mauvais piège que me tend le destin. Que me tend ces farceurs, là-haut, à me regarder tenter de me dépêtrer de cette funeste affaire. Je n'oublierai pas de leur rendre la pareille. Cupidon, je t'enfoncerai tes flèches rouges dans le cul, si je t'attrape.

"Ne gâche pas ton temps à m'aimer.
L'amour.
L'amour ne marche pas sur moi.
N'essaie de me montrer tes sentiments.
Marche prudemment.
C'est tout ce que je dis.
Mon amour est dangereux, c'est mon ennemi, ce sera le tiens.
Je connais, je connais, je me connais.
Personne ne peut te donner de garantie.
Je suis ton extase d'un jour, et le lendemain... Hé non."

Mes mots la torture.
Et pourtant, je ne lui veux que du bien. Au fond de moi, je ne lui veux que du bien. Je sais que mon monstre resurgira un jour et elle terminera au fond d'un trou se faisant bouffer la cervelle par quelques gallinacés sous-terrain. Je ne peux me permettre de la laisser jouer avec le feu, de se brûler les ailes pour moi, de prendre des risques inutiles. Je ne peux pas la laisser souffrir. Elle ne peut me juger, me critiquer. Non, il faut qu'elle parte et m'oublie. C'est la meilleure chose à faire. Elle tremble. Elle semble plus blessée que si ma lame l'avait perforée. Et c'est encore de ma faute. Je suis dangereux, je suis horrible. Je m'en veux de lui faire vivre cela. Je n'aurai jamais du répondre à son sourire et la faire rire. Lui faire croire en la joie et au plaisir de vivre. Je n'aurai pas du être philosophe et lui laisser entendre mon amour pour elle. Je suis un salop. Je suis un monstre. Pourquoi ai-je fais le philosophe avec elle? L'optimiste à deux balles alors que je me retrouve en situation de pessimisme? Ses yeux me croquent. Ses lèvres coulent d'un rouge intense. Elle me fait vraiment de l'effet. Comment puis-je garder mon sérieux et résister à telle beauté? C'est le serpent qui me tente. Je le sais. Je le sens. Affreuse réalité. J'aimerai être mort. Laissez-moi mourir.

"Ne me critique pas.
Ne m'analyse pas.
C'est tout ce que j'essaie de dire."

J'essaie de la maintenir en vie.
Je me sens comme un docteur qui tente de soigner son patient d'une mort certaine. Elle n'a pas fait d'arrêt cardiaque, mais je sens que moi j'en ferai bientôt une. J'ai vraiment envie d'accueillir ses lèvres et de sentir ses mains fraîches contre mon cou. J'aimerai vraiment vivre cette histoire avec elle. Elle est si parfaite. Si joyeuse. Si intelligente. Pourquoi?! Pourquoi ne pourrai-je essayer? Pourquoi mon amour est-il si dangereux? Pourquoi moi? Devrai-je me comporter comme un goujat en présence de chaque femme? Devrais-je occire toute relation que ce soit? Devrais-me clouter les lèvres pour ne plus placer un mot, un sourire? Dieu... pourquoi m'as-tu fais de la sorte? Pourquoi ne puis-je être comme tout les autres? Pourquoi? Pourquoi?! Pourquoi... Je me retrouve à l'instant à genou devant cette femme, comme un pauvre homme victime d'une chose qui s'abat sur lui. Elle ressent ma peine, mon désarroi. C'est pire. La pire des choses. Je ne peux m'éffondrer ainsi. Pas après ce que je lui ai dis. En ce cas, elle voudra rester avec moi. M'apporter son aide. Sa main. Ses seins. Son sourire. Je me sens consumé de l'intérieur. Elle s'abaisse. Se met à ma hauteur. Comme une mère devant son enfant. Et me soigne d'un baiser. Que c'est bon, agréable, chaud, onctueux, délicieux. Non! Je la rejète brutalement. Me relève.

"Je pars.
Tu ne me reverras plus.
Excuse-moi...
Excuse-moi de tout...
Un jour. Tu comprendras."

C'est la deuxième personne que j'abandonne.
Je suis un lâche. Je peux affronter tout les obstacles, sauf celui de l'amour. Je suis un couard. Une demi-portion. Une brute. Un détritus. Marchez sur moi, passants, je ne mérite que cela. Piétinez mon être et mon âme. Je ne mérite la confiance de personne. Je suis un monstre. Un monstre. Un monstre.

Mon amour est dangereux.
Oubliez-moi.
Laissez-moi crever.
Mon amour est dangereux.

Un monstre.

*Mon amour est dangereux

Épisode septième, paragraphe duo, alinéa dece: "The night come down"*

La nuit tombe.
Je l'ai quitté. Les ténèbres me reviennent. Resurgissent en moi me couvrant d'un large manteau sombre sur lequel quelques lumières peinent à percer d'un léger scintillement exaltant. Quand j'étais jeune, elle est venu vers moi, et j'ai vu le soleil se lever. Elle était dans le ciel, la belle et magnifique, et elle m'a ébloui de sa splendeur. Je me sentais en possession du monde, le plus grand, le plus important, celui qu'on ne pouvait placer de côté. Celui a qui l'on ne pouvait cracher à la face. L'homme qu'il fallait connaître. Autrefois, j'avais foi en tout le monde. En tout le monde, et on pouvait le voir aisément. Mais la nuit tombe et je ne vois plus. Je crains de perdre mes repères. Marcher à tâtons dans l'obscurité que je ne pourrai percer. La nuit tombe. Il fait noir. Je ne suis pas un chat, je n'arrive plus à m'orienter.

La nuit retombe.
Autrefois, je pouvais rire avec tout le monde, et tout le monde pouvait rire avec moi. Je transmettais la joie d'une simple sourire échangé. Je grandissais en même temps que ce monde. Je parvenais à tendre la main et à en recevoir une en retour. Autrefois, je pouvais voir mes points positifs. Mais c'est terminé, je ne vois plus rien, je ne perçois plus rien. La nuit tombe et je me retrouve au beau milieu d'incertitudes grandissantes. Le monde se colore d'une teinte de noir et de blanc, des couleurs que possède le monde. A présent, le monde entier est gris et terne. Sans saveur. C'est un goût non prononcé en bouche pour l'esprit et l'âme qui se perd à vagabonder où seul Dieu sait. Nul ne peut voir que tu crois en lui. Et la nuit tombe et retombe continuellement. La nuit tombe et je suis seul en ce monde. Je suis invisible. L'homme invisible. Pour la première fois, j'ai tenté de parler au Créateur pour qu'il me montre le chemin. C'est certainement le seul qui daignera encore m'écouter, me répondre, me faire rire. Je peux peut-être avoir foi en lui et renier mes démons.

Même lui ne sait m'entendre.
J'entre en rage. Mes sens s'accentuent. Mes impressions démoralisées se meuvent en haine intense. Imagine seulement qu'il n'y ait pas de Paradis. C'est si simple de l'imaginer. Du moins, pour quelqu'un comme moi. Imagine qu'il n'y ait pas d'Enfer en dessous de nous. Que l'Enfer soit ce que nous vivons en ce monde. Qu'il n'y ait que le ciel au dessus de nous. Imagine que nous vivions tous le temps présent sans même chercher à se plonger dans le passé ou espérer que le futur ne change. Imagine qu'il n'y ait plus de pays, plus de guerres infantiles et fratricides. Ce n'est vraiment pas difficile à faire. Aucun emblème pour lequel tuer ou mourir. Et aucune religion non plus. Juste toi et moi. Juste nous. Ensemble. Sans frontières, sans séparations. Aucune. Imagine le monde entier dans la paix. C'est si simple. Mais la nuit tombe. Je ne suis qu'un rêveur, mais je sais que je ne suis pas le seul. D'autres doivent partager ma même pensée. J'espère juste qu'elle me rejoindra. Et le monde ne fera qu'un. Mon monde ne fera qu'un. La nuit tombe. Encore. Impromptue. Je ne fais que rêver. Rien de tout cela n'est vrai. Je ne continuera à me faire hanter par mes démons et à vivre l'Enfer chaque jour et tuer pour le bon plaisir qu'est le miens et refuser tout bonnement l'amour et le partage, le rire et la passion. Oublier tout ce qui fait de moi un homme, un humain, je ne suis qu'une bête, un monstre. Imagine seulement le monde sans possession, aucune rivalité, avidité, famine. Une fraternité entre hommes. Imagine le monde entier partageant la même planète. Non. Impossible. Je l'ai laissé filer. Je ne peux imagine ce monde sans elle.

Le jour ne se lève pas.
Je reste enfermé dans ma bulle sombre et terne. Je ne vois la vie qu'en monochrome. Mon ange n'est plus là. Je l'ai abandonné à la dernière ruelle. Derrière moi. Et comme tout les autres, passant outre mon imagination, je ne peux que retourner dans le passé. Me meurtrir d'une pensée que j'aurai pu changer le monde, avoir une vie de rêve en sa compagnie, en la compagnie d'une muse, d'un amour, d'un lit partagé. Actuellement, je ne partage ma couche qu'en compagnie de quelques feuilles qui sentent mauvais l'automne et le froid annoncé. Le froid et la blancheur d'une neige rajoutant toujours un peu plus la sensation de morosité. Tout meurt autours de moi. Pourquoi ne devrai-je pas mourir avec ce monde? Après tout, je connais déjà l'Enfer. Après la vie, tout cela ne peut-être pire. Je me retirerai simplement de mon enveloppe corporelle. Je n'aurai plus de sensations. D'impressions. De pressions. D'impératifs. Juste moi. Sans elle. Sans eux. Seul. Comme je le suis actuellement. C'est si simple de rejoindre cet état. Si simple de donner la mort. Si simple de se donner la mort. C'est comme si je pouvais simplement passer cette lame sur mes veines vives. Une lame bien affutée sur du beurre bien tendre. Imagine que je le fasse. Que serait le monde sans moi? Que serait-elle sans moi? Elle... Elle... ELLE...

"Elle."

Une lumière.
Je sens une chaleur me chatouiller le visage. Me caresser là où ça fait mal. Je sens la vie me quitter et revenir me frapper en pleine face. Je suis ahuri. Je ne comprend pas. Un choc. Puis deux. Mes pulsions reviennent. Mon sang coule à nouveau à l'intérieur de moi. Mon coeur se réanime et retrouve sa vigueur, sa chaleur. Ressaisis-toi. Retrouve ta fougue. Épanche ta souffrance d'une autre façon, tout comme tu le faisais auparavant. Oui, il faut que je me ressaisisse. Je ne peux partir ainsi. Je ne peux octroyer au monde ce cadeau. Il faut que je me retrouve. Que je sois à nouveau moi-même. J'ai l'habitude de laisser la mort et la tristesse derrière moi. Je ne peux laisser ma mort et ma tristesse derrière moi. Je n'ai pas encore terminé. J'ai beaucoup de choses à faire. Mon oeuvre n'est pas encore réalisée. Il faut que je me lève. Il faut que je continue. Il faut que j'affronte ces ténèbres. Je ne vois rien, mais je peux arpenter ce monde avec une torche pour affronter les ténèbres. Et mon démon, mon démon me guidera.

La nuit tombe.
Mais je m'en fous. Je continuerai. Mon heure n'est pas encore venue. Il ne faut pas que je me résigne. Je sais que je suis aimé, au moins par deux personnes. Je sais qu'il y a toujours un espoir que tout s'arrange. Les cadavres continueront à s'entasser après chacun de mes passages. Mais c'est le prix du sang à payer pour pouvoir vivre encore et apporter le sourire et la chaleur de mon coeur à ceux que je rencontre. Et peut-être qu'un jour je la rencontrerai à nouveau et que nous échangerons à nouveau quelques sourires et quelques baisers revigorants. Je pourrai l'enlacer sans craindre de la mettre en danger, sans craindre que mon amour soit dangereux. Je pourrai continuer à vivre, à vivre, à vivre.

Le soleil se lève.
Je marche.
Je souris.
Continue ainsi.

*La nuit tombe

Épisode acht (acht, acht, acht)*: "Show must go on"**

Le spectacle doit continuer.
Pourquoi vivons nous? Les espaces sont si vides. Je me sens seul. Je crois que nous connaissons déjà le score. Endroits abandonnés. Est-ce que quelqu'un sait ce que nous cherchons? Je suis encore là, à entamer cet air sinistre du haut d'un toit d'une ville sans âme et sans fond. Un air sur cordes frottées lançant les écumes lancinantes d'une vie bien terne qui, pourtant, m'apporte quelques plaisirs fallacieux. Je m'évertue à faire rebondir les notes sur les murs sombres d'une ruelle pour l'heure bien trop silencieuse, sans le moindre écho de pas, le moindre écho de vie. On m'a dit, un jour, que je deviendrai un héros. Un nouvel héros. Un nouveau crime stupide. Non loin de mes pieds, au sol, le corps d'une nouvelle victime. Une nouvelle proie. J'ai vu rouge. J'ai craqué. J'ai suffoqué. Je me suis rabattu sur une personne piquée au hasard des vies bourdonnantes. Derrière le rideau, dans la pantomime. Tiens le coups. Est-ce que quelqu'un peut encore y arriver? Je regarde les coups que je lui ai infligé. Le sang s'écoule sous une pluie naissante. Le spectacle d'une horrifiante défaite sur moi-même. La chair était ouverte sur de nombreuses portions de sa peau. Je m'étais déchaîné sur l'innocence même. Sans raison. Sans gain. Sans passion. Sans intelligence. Juste un cadavre ambulant qui passait par là, tranquillement, aisément. Je l'ai tué.

Le spectacle doit continuer.
Hadès m'adresse son plus beau sourire. Mars en est heureux de la manière. Vénus m'offre son amour. Zeus me torture d'un éclair lancé à l'horizon. A l'intérieur, mon coeur est en train se briser. Mon maquillage est peut-être en train de s'écailler. Mais mon sourire reste encore et toujours présent sur mon visage sinistre. Les gouttes perlent sur mon front. La musique s'égosille encore et se veut plus rythmée et ténébreuse. Dans cette adagio de violence, sous cet effet de sonorité dégradantes, la rose tombe dans ma poche pour offrir un allez simple vers l'Enfer. Le Styx me trempe. Mais je souris encore. Le spectacle doit continuer. Encore, et toujours. Dans un abime sans fond, sans fin. Je dois le remplir de ce liquide rougeâtre qui bouillonne dans mes tempes. Quoiqu'il arrive, je laisse ça à la chance. Un autre chagrin d'amour, une autre romance ratée. Sans cesse. Est-ce que quelqu'un sait pourquoi nous vivons? Je devine que j'apprend. Je dois être plus aguerri. Plus fort désormais. Ne plus chercher à me repentir. Aller de l'avant. Encore. Encore cette réflexion qui me hante. C'est bientôt la fin pour moi. Dehors l'aube commence à poindre. Mais à l'intérieur, dans le noir, je me languis d'être libre.

Mon âme est peinte comme les ailes d'un papillon.
Les contes d'hier grandiront mais ne mourrons jamais. Je sais que l'on racontera mes histoires aux plus petits pour les empêcher de sortir le soir et dormir sagement dans leur confort bienheureux. Je sais que je deviendrai une terreur pour tous, pour un chacun. Je peux voler, les amis. Je peux voler. Je range le violon dans son étui. Je scrute le cadavre. Et du haut du toit, je me jète dans le vide infini. Je retombe sur mes pieds, dans une flaque mi-invisible, mi-rouge. Je ne ressens rien. Même pas l'infime douleur que cette chute m'aura causée. Je me fiche de la ressentir. Même si je boîte, je continuerai sur cette voie. Même si je perd une jambe, je marcherai encore. C'est mon destin. Les spectacle doit continuer. Même si je suis en arrière plan, un second rôle. Je me dois de continuer. Je tiendrai l'affiche, même si ça doit me tuer. Je dois trouver la volonté de continuer. Le spectacle doit continuer.

La vie gueule à nouveau.
Un nourrisson fait savoir à ses parents qu'il a faim. On l'entend à des lieues de ma position. Le coq se réjouit des rayons qui pointent la chaleur sur les plumes de l'animal. Il hurle. J'ai envie d'hurler, moi aussi. Bientôt, on découvrira ce que j'ai fait. Bientôt, on me recherchera. Mais comme toujours, on ne saura pas qui a été la cause de cette horrible chose. Je devrais me méfier, je suis étranger. Personne ne m'offre sa confiance. Personne ne me tend plus la main. Je ne suis rien. Je suis invisible et seul. Je ressens une certaine souffrance dans mes ligaments. Je sens comme un os qui veut me quitter, rester sur la scène du crime. Et j'avance, comme une marionnette disloquée. Je poursuis mon aventure. Je pousse la porte d'une auberge. Je suis trempée. L'aubergiste se fait réveiller par le son de clochettes installées sur le montant de la porte. Chaque visiteur ne saurait passer inaperçu en ce lieu. La boiserie mordillée par quelques mites, le sombre de la chaleur instaurée par le marron des poutres, le sol matelassé de quelques traces de passages fréquents. Il semblerait que ce lieu soit fait pour moi. On dirait mon âme. Sordide, sinistre, pauvre et esseulée. L'homme, derrière le comptoir, semble encore exténué de sa nuit courte. Bientôt, il semblera affolé par les bruits, les cris du dehors. Je mouille le sol. M'approche de lui, doucement. Mon visage noir semble l'émouvoir d'une quelconque façon. Mes orbes rouges le dévisagent. Il fait un pas en arrière. Je tente de glisser quelques mots pour le rassurer. Je n'y parviens pas. Je toussote. Je racle ma gorge. Et lui arrive très bien à causer.

-Que... voulez-vous, messire?

-Un remontant...

-À cette heure-ci?

Il me dévisageait.
Il se doutait sûrement que je n'étais aucunement un enfant de coeur. Il avait certainement mille doutes en lui qui lui imposaient d'alerter les autorités. Il savait que les étrangers comme moi étaient une menace certaine. Je m'approche du comptoir. Je n'en peux plus. Je souffre. Je le sens. Ma jambe hurle. Je regarde mon torse. J'ai du sang encore sur moi. Mes yeux se lèvent, mes sourcils s'abaissent. La patience n'y est plus.

-Qui dois-je tuer pour avoir ce que je souhaite? Bordel! Tu vas la foutre dans un broc cette foutue cervoise où veux-tu que je t'enfonce un bras dans ton put** de c*l pour que tu puisses jouir à l'infinie?

Le discours n'était pas très élégant.
Pour agrémenter les dires, mon poing frappa le comptoir jusqu'à m'en exploser les phalanges. Une larme perla sur ma joue. Je ne savais pas si cela venait de mes yeux, de ma peine ou bien de la pluie. Le tenancier s'affaira comme jamais à répondre à mes besoins et, très vite, je puis apporter le liquide précieux sur mes lèvres pour le laisser glisser dans mon gosier. Le contenu se vida complètement en moi traversant chaque canaux et apportant son lot d'effluves alcoolisées. Il resta là, devant moi, ne sachant que faire. Je n'en pouvais plus. Je bouillonnais de rage. Rien n'y faisait. Je pensais que cette boisson aurait suffi à enlever cette douleur de ma tête. Je pensais que plus jamais les mots raisonneraient dans ma tête. J'ai l'impression de devenir fou. D'être un lion en cage. D'être une brute sinistre qui entend son intérieur lui causer d'une voix lubrique. J'entend les meurtres, la violence, le sang. L'appel d'un mal pour un bien.

-Bute le. Ou il te butera.

Mes mains tentent d'arracher mes tempes.
Ma tête implose.
Mes yeux sortent de leurs orbites.
Fou.... fou... fou...

-Bute le. Bute le. Bute le.

Ça grésille dans ma tête.
J'entend une note continue.
Je sens la chaleur remonter mon corps.
Je hurle. Comme jamais, je hurle.

-Vas-y! Vas-y! Vas-y!

Les veines ressortent.
La tension augmente.
Le palpitant s'excite.
Il n'est pas bon être dans la tête d'un fou.

-La même.

Le spectacle doit continuer.
L'aubergiste s'urge à me servir. Je le laisse faire sans broncher. Je sais que ce sera son dernier service. Son dernier travail. Il m'apporte le verre. Pour unique pourboire, je lui inflige un coup de lame dans sa main, la pointe traversant la peau, les muscles et ressortant pour piquer le bois du comptoir. Un hurlement strident se fit percevoir. Mes oreilles sifflaient bien plus encore. Je ne pouvais plus tenir. Je ne pouvais que souffrir. Mes mains sur mes oreilles. Je me mis à genoux. Les larmes coulèrent, plus sincèrement. Plus fortement. J'entendis encore ces voix qui me sommaient de continuer ce spectacle. De lui ôter la vie. D'aller jusqu'au bout.

-Pronto. Le spectacle doit continuer.

Je me relève.
Regarde le pauvre homme, innocent, souffrir comme un animal prit dans le piège d'un stupide chasseur. Je pris place sur une chaise, avec mon verre. Et j'attendais. Comme un idiot. J'attendais que tout cela cesse. Terminant mon verre tranquillement. Et les cris ne cessèrent aucunement. Augmentèrent, même. Le plancher craqua au-dessus de moi. J'entendais des pas précipités. Des gens se urgeaient à venir voir ce qui se passait en ce sordide lieu. Il ne fallu que quelques minutes pour me retrouver sous un ou deux hommes qui me bloquèrent les bras. Je n'insistais pas. Je coopérais. Je voulais que tout cela cesse. Tout cela doit cesser. Le spectacle ne peut continuer ainsi. Les hommes se pressèrent à aller chercher la maréchaussée. Ils vinrent prestement. M'embarquèrent de mon bon gré avec eux pour me livrer à une cage où d'autres âmes torturées s'étaient sûrement déjà retrouvées. Sur une paillasse, j'attendais sagement. Sagement le verdict. Le premier de ma vie. Celui qui pourrait me conduire à l'échafaud. Qui me conduira au billot. C'était la première fois que l'on voyait réellement mon visage. La première fois où je n'étais guère invisible. La première fois que l'on me crachait dessus. Il faut un début à tout. C'est une première étape. Peut-être la dernière. Une simple reconnaissance qui ravive un peu ma flamme.

Le spectacle n'est plus à l'entracte.
Je repense au cadavre que j'ai laissé derrière moi dans une ruelle sordide sous une pluie battante et sous un air de violon malfamé tenu sur trois cordes puisqu'une avait lâché sous l'emprise machiavélique de mes doigts affolants. Je repense à cette jeune femme hachée littéralement. À l'innocence d'un ange que mes doigts ont sali. Je repense à ce doux visage qui, jadis, me regardait avec amour. Je repense à la simplicité des mots, à la douceur de ses lèvres. Je repense à la gaieté de notre union, à notre force et notre fougue. Je repense à ses courbes parfaites, à sa ligne élégante, à mon envie d'entrer en elle. Je repense à ces longues nuits où le sommeil ne nous frappait pas si bien que nous occupions le temps à discuter, à nous confier. Elle avait eu une vie affreuse. L'absence d'une enfance. Des parents trop souvent absents. Peu de mets à placer sous un dent fragilisée par la famine. Je repense à ce qu'elle prenait pour jouet. Une faucille. Comme celle de la mort. Qu'elle connaît à présent. Je repense à son sourire, son amour, sa vie, sa pudeur, son charme fou. Je crois que je l'aimais vraiment. Je suis sûr que je l'aimais. Et je l'ai tué. Laissé là. Comme une malheureuse. Je ne mérite pas. Je ne mérite plus. Le spectacle s'arrêtera là et ne pourra plus continuer. Plus jamais. Alea jacta est*, les dés sont jetés. Le destin dérape. Ma vie vacille.

Je lève la tête.
Regarde le plafond.
Une tâche d'humidité me sourit.
Je revois son visage.
La larme naquit dans mes yeux, grandit le long de mes joues, meurt sur mes lèvres.

Je souris.

-Sois heureuse où tu te trouves, à présent.

Le spectacle doit... continuer.

*Épisode huit (huit, huit, huit)
**Le spectacle doit continuer - Queen

Épisode acht (acht, acht, achtOUM !!!): "Show must go on" (Moulin Rouge)

Le spectacle doit continuer
Le spectacle doit continuer
A l'intérieur mon coeur est en train de se briser
Mon maquillage est peut-être en train de s'écailler
Mais mon sourire reste encore...

Il y a des jours ou on ferait mieux de rester couché, le nez plongé dans les fourrures...Laisser l'agréable chatouillis titiller le derme d'un corps nu seulement habillé de sa chaine ornée de son médaillon et d'une clef finement ciselée, alangui cherchant le sommeil sans le trouver, comme toujours... Laisser les paupières closes sur un azur qui ne veut rien voir du monde...pour le moment. Les carmines échappent un soupir, le corps fourbu s'étire se dévoilant doucement...Le peau s'hérisse sous une vague de frissons, elle frémit et maudit le feu mort dans l'âtre...La main fine ramène les fourrures à elle dans un grognement, s'enivrant des effluves jasmines, pas envie de se lever, pas envie mais il le faut...Il faut qu'elle aille à la rencontre de Stradivarius, quelque chose la titille dans son comportement...Il se perd trop dans l'alcool et lui a même offert...Une rose rouge.

L'azur s'ouvre enfin sur la modeste chambre qu'elle a squatté dans la taverne de Marie...Le jour se meurt lentement, décline doucement sur les ténèbres bienvenues...La Lune est oiseau de nuit, encore plus depuis Judas...Plissure perceptible du nez aquilin, une jambe glisse et suit la deuxième...La Lune se dresse paisiblement toujours engoncée dans la fourrure, une moue se dessine sur le carmin des lèvres...Strad, je n'aime guère ton présent...Rose se fanant, posée à même le sol cette nuit quand elle les a quittés...Rose prometteuse de mort, et si...Les sourcils se froncent, les fourrures volent sur le lit, Sélène se lève d'un bond se fichant du froid étreignant son corps. Main qui agrippe son corset de cuir délaissé sur une chaise, azur furetant la chambre à la recherche des braies de même facture et des bottes...Les gestes sont vifs, la Lune a retrouvé son éclat, bercée d'un violent doute, d'un mauvais pressentiment...Les braies viennent épouser le galbe de ses hanches, elle sautille sur un pied, enfilant la botte à l'autre tout en avançant vers son mantel...Là elle s'arrête, pulpe des doigts effleurant le bliaut Judassien, esquisse d'un sourire et porte son choix sur son mantel..

La porte est claquée sur une Lune déterminée à savoir ce qui rend son ami ainsi, déterminée à ce qu'il réponde à ses questions. Elle parcourt les lieues à brides abattues à dos de sa puissante jument Frison, elle sait où il se terre, où il aime errer solitairement, hors de l'Anjou, entre deux frontières...L'affaire d'une nuit tout au plus...Elle tire sur les rênes, Nestresha piaffe, naseaux fumant dans une nuit fraîche sous un astre déclinant, l'azur se plante sur une taverne étonnamment fermée à cette heure...Elle se laisse glisser au sol, bottes frappant le pavé, tenant de sa main gantée les liens de sa monture, déterminée toujours...Les mâchoires se crispent, quelques badauds sont là, à attendre l'ouverture ? Elle ralentit ses pas, écoute sans parler..

- Si si il l'a planté je te dis !
- Il est mort ?
- Mais non, on l'a entendu brailler sa mère !
- Ils ont chopé le fou, il est en taule, vont le pendre haut et court dès demain !
- Oué pas de procès pour des gars comme ça !
-Paraît qu'il attendait en buvant, il est fou, je vous dit, il est fou !

Sélène grince des dents. P'tain tu t'es foutu dans quel merdier encore Strad...Elle tourne les talons, elle n'a aucun doute sur la personne dont il est question...Le mauvais pressentiment était donc ça, la rose ne lui était pas destinée, juste un message subliminal pour annoncer la sienne, à lui. Elle enrage, se dirigeant vers la prison...Elle connaît l'endroit, pour avoir pillé la mairie quelques années plus tôt...Elle passe devant les soupirails ornés de barreaux, s'aplatit au sol devant chacun d'eux afin de reluquer à l'intérieur...Enfin arrive celui où se trouve un Stradivarius adossé aux pierres humides du mur...Tête levée en une prière silencieuse...La Lune hausse un sourcil à la vue du sourire se dessinant sur les lèvres de son ami, elle secoue négativement la tête à ses mots...Encore une donzelle dans l'histoire, cela ne l'étonne guère, mais elle respecte la faiblesse des hommes, celle qu'ils ont parfois...

L'azur détaille les barreaux rongés de rouille, un sourire s'esquisse tandis qu'elle se relève rejoindre sa jument. Fouillage de fontes, elle en sort une corde qu'elle attache à sa selle, la déroule et fait de même avec le barreau central du soupirail...Sélène grimpe sur Nestresha et lui taquine les flancs du talon...Avancée tout en lenteur, elle connaît la force de sa jument, dressée au combat, aussi tueuse qu'elle...Elle caresse l'encolure, se penche sur elle en lui murmurant des mots d'encouragement...Nouveau coup de talons, la jument s'ébroue doucement, avance pas à pas sous l'effort, les muscles se tendant sous l'effort...La Lune enlace l'encolure comme pour lui donner le courage de continuer...Faut dire que Nestresha et elle, c'est une longue histoire d'amour, de communion, de respect..La main caresse, les mots soufflent, les talons ordonnent...Enfin un lugubre craquement retentit, Sélène sourit en remerciant sa monture puis saute au sol afin de rejoindre le trou béant qui s'offre à elle. Un sourire au visage stupéfait qui la dévisage..

- P'tain on ne peut pas te laisser seul sans que tu fasses des conneries toi...Allez bouges-toi le fion et on trace !

Pas la peine d'attendre sa réponse, nul moment pour palabrer, ni une ni deux elle se dégage de l'ouverture, dague en main elle coupe la corde puis grimpe sur sa jument après avoir rangé son arme...Attente du Tueur à la Rose, va falloir qu'on s'explique quand on sera à l'abris...

Épisode acht (again and again and again!): "El Tango de Roxanne. It's your song."*

Tu n'as pas besoin d'allumer cette lumière rouge.
Je te fixe depuis quelques instant sur ce haut plafond, dans cette tâche qui me fait penser à toi dans la nuit noire. Et cette lumière rouge qui m'atteint en plein visage me fait craindre que tu m'en veuilles alors que je t'offre cette liberté dont tu rêvais tant. Tu n'auras plus besoin de vendre ton corps la nuit. Tu n'auras plus à porter cette robe décadente et marcher dans la rue noire pour gagner ta vie. Tu n'auras plus besoin de juger le bien ou le mal, tu peux t'en foutre à présent de cela. J'ai été ton bien, j'ai été ton mal. Je suis son ton bien. Je suis ton mal. Ton mâle. À toi. Ma catin. Rien que pour moi, tu venais le matin. Après tes horaires des ténèbres. Mais rien que pour toi, je t'offre l'éternité auprès d'un soleil puissant qui réchauffera ton coeur de pierre. Ton coeur qui, pourtant, m'était décerné. Ton coeur qui ne méritait aucunement ma rencontre mais, qui pourtant, se trouve si bien là où il est. Ne me remercie pas. Éteins cette lumière rouge. Baisse le rideau. Continue ta vie sur ces cotons doux que forme le ciel en des jours cléments. Laisse toi baigner par toute cette lumière que tu n'auras jamais connu. Laissez toi vivre dans la mort. Laisse moi tomber. Je ne suis qu'un vaurien. Je ne vaux rien. J'espère juste que le peu de temps passé en ma compagnie aura été bon.

C'est ta musique.
Je ne suis pas doué pour faire étalage de mes sentiments. Je ne connais même pas mes propres sentiments. Pourquoi donc les étaler? Mais je sais fort bien que j'aurai fini par succomber, par t'aimer. Il m'aurait fallu apprendre. Mais tu es si bonne maîtresse avec tes lèvres sucrées que j'aurai voulu mordiller à sang encore une fois, rien qu'une fois avec toi. Je n'ai pas beaucoup d'argent, et je m'en fous. Mais pour toi, j'aurai acheté une maison. Une maison bleue, comme tes yeux. Enfin, excuse-moi seulement de ne plus me rappeler de la couleur de ton regard. Seulement, je sais que tes yeux étaient doux. D'une douceur infinie. D'une caresse sans pareille. J'aurai pu t'offrir le monde. Rester à tes côtés jusqu'à ce que nos rides nous séparent dans une fosse commune. Une faute commune à tout deux. Un oiseau en cage. Mais j'aurai pu te combler, une princesse. Comme une princesse. Tu aurais pu mériter bien mieux encore que la Reine, ou l'Impératrice. Un bijou sur ton doigt que j'aurai pu orner. Mon simple cadeau eut été cette mort si douce et pénétrable. Avec ces mots, ces mots d'amour. Et cette chanson. Cette chanson qui t'est dédiée. Une chanson d'amour. Comme j'en fais rarement. Jamais. La seule fois. Unique. Tu es l'unique. Ma précieuse. Tu vaux tout l'or du monde. Je sais fort bien que tu me regardes de la haut. Éteins cette lumière rouge qui m'aveugle et rend moi ce sourire que je ne peux plus voir. Rend moi ton heureux visage. Par pitié.

C'est la valse des jours heureux.
Je t'ai aimé dès que je t'ai vu. Dès que je t'ai connu. Je ne parle pas pour ne rien dire, je ne vais pas te mentir, juste te dire ce que je ressens. Jamais je n'aurai voulu te partager avec un autre homme. Jamais. M'entends-tu? Je ne changerai pas d'avis. Ranges ce maquillage qui te coule le visage, qui coule le long de tes joues. Qui tâche ce plafond que je regarde sans cesse. Mais je te l'ai dit une fois, une seule fois, c'était une mauvaise route. Un sens interdit qui a aiguisé mes sens. Et voilà ce qu'il en est. Tu n'as pas besoin d'allumer cette lumière rouge. Éteins là. Ces temps sont révolus. J'aurai voulu. Mais je n'ai pu. Prend mon cadeau comme le dernier que je puisse te faire. Comme le seul que j'aurai jamais pu te faire. Le rouge de la rose se noie dans le rouge de ton sang. J'ai tout de même pris mon pied. Je suis certain que toi aussi.

La lune me regarde.
La lune me scrute. J'entends un fracas. Non. Ne m'envoie pas les démons de la nuit. Ne fais pas tonner cet orage sur mon corps déjà si fragile. Ne détruis pas mon âme. Retire ces monstres qui viennent m'emporter par ta rage. Calme toi, mon amour. Calme toi. Ne me regarde pas. Laisse moi seul. Continue ta route. Laisse moi continuer mon spectacle. Je te promet que chacun de mes gestes te seront dédiés. Mon amour. Retire cette haine. Et la perfidie de cette lumière. Je peux t'entendre, mon ange.
Des injures?
Mon ange?
Tu me parles?
Comme cela?

La tête se tourne.
Le sourire s'affiche. L'air béât je regarde la lune et ses yeux rouges. Non, argents. Je ne sais plus. Je ne vois plus. Mon dieu. C'est elle. L'autre. Ma première. Celle que je ne puis refouler. Celle qui est encore en vie. La seule. Ne m'en veux pas, mon ange. Elle vient me chercher. Elle me délivre du mal. Le mal du mâle en puissance. Je n'aurai jamais du. Non. Jamais. Mais je l'ai fait. Accepte mes excuses. Éteins cette lumière rouge et laisse moi partir. Partir avec elle. Elle sait détruire les murs pour me déloger de situations impossibles. Je dois l'en remercier. Vivre pour elle. Sourire pour elle. Comprend-tu cela mon amour? Je vois cette tâche s'évaporer sous une tonne de poussière, dois-je en déduire que tu acceptes? Que tu me pardonne? Merci. Merci. Mes yeux peuvent à présent se poser sur cette beauté sanguine. Cette rouge lune. Cette rose argentée.

-Tu en as mis du temps. Un peu plus et tu aurais pu me voir arborer un collier à ma taille, de la dernière mode! Je ne l'aurai pas volé.

Je regagne mes esprits.
Mon corps se meut. Mes sens s'aiguisent à nouveau. Je peux dire, qu'une fois de plus, j'ai connu l'enfer. Qu'une fois de plus, elle m'avait sorti de là. Je lui dois tout. Ma vie. Bien que ceci n'importe peu au monde. Mais grâce à elle, le spectacle pourra continuer. Le rideau se lèvera. Encore et encore. Again and again. Piano, va, va, fortissimo! Si! Presto, pronto. C'est comme ça que je l'aime. Toujours là pour moi. Comment ça? Mon amour change rapidement? Non. Elle, c'est depuis toujours. Du moins, elle m'a aidé à me construire une nouvelle vie. Une renaissance. J'ai toute ma confiance placée en elle. Ma mère. Ma soeur. Ma compagne. Elle m'attends, là, majestueuse sur son destrier sous l'âtre des étoiles. Mon dieu, qu'elle est belle. Artistique. Précieuse. Je me lève pour te rejoindre. Mes jambes me font souffrir, mais je m'avance. J'escalade ces débris. Me voilà à l'air libre. Comme un oiseau. Mais je ne peux voler. Mes ailes sont brûlés. Je n'ai plus d'elle. Donc je ne peux plus voler. Petit oiseau qui n'a pas d'ailes... Je grimpe à l'arrière de ce cheval avec quelques difficultés. Mais me voici à nouveau à ta hauteur. Ta grande hauteur.

-Ne parle de cela à personne. Je te prie. Garde cela pour toi.

C'est l'air con.
Tout de même. Ce genre d'histoire. Et puis, personne ne comprendrai. Personne ne saurait. Personne n'aura vécu la même histoire. Je suis le seule. Les autres sont des ignorants. À part Sélène.

-Peut-être pourrions nous revenir ici, un jour. Cela nous fera quelques souvenirs.

Oui, accepte mon sourire.
C'est la seule chose que je puis t'offrir pour le moment. Ne m'en veux pas, c'est ainsi. C'est comme ça que je suis. Mais je te promet, sache le, que je ne mettrai plus à défaut. Plus jamais je ne causerai aucun soucis de la sorte. Je me contenterai de te suivre, de loin, mais te suivre tout de même. Je me contenterai de te protéger, comme tu me protèges. Je veux être un vrai compagnon. Ton compagnon. Accepte donc ce sourire en gage de promesse.

-C'était plutôt confortable. Quand on oublie les toiles d'araignées, les tâches et la décoration insalubre...

*Épisode huit (encore et encore et encore!) Le tango de Roxanne. C'est ta chanson - Moulin Rouge.

Épisode acht (Far, far, far away !*): "Wanted dead or alive. Rock of ages."**

Parfois je dors, et parfois ce n'est pas avant plusieurs jours
Et les gens que je rencontre repartent toujours de leur côté
Parfois tu peux dire quel jour on est
Par la bouteille que tu bois
Et les fois où tu es seul, tout ce que tu peux faire est penser

Je suis " une cavalière ", sur un cheval (d'acier) je chevauche
On me veut mort ou vif
Mort ou vif *

L'azur suit la silhouette de Stradivarius. Le nez se plisse de regarder le pauvre hère se traîner comme une loque. Tu te détruis Strad’…Tu es le plus bousillé de nous tous, ta vie n’est que funambulisme sur le fil de la mort…Tu joues avec les autres et avec toi-même, fais gaffe à ne pas te perdre, à jamais…La dextre hésite à lui donner aide afin de se hisser sur Nestrecha, la Lune réprime son geste, lui laisse sa fierté, ce soir son ami est tombé et ce pour mieux se relever, elle le sait.

Les bras enserrent la taille gracile, un esquisse de sourire, nuls mots et de capter ce sourire renvoyé, le prendre, l’accepter et effacer la rancœur des péripéties d’un ami perdu dans les méandres de sa folie. Elle seule avait su apprivoiser l’animal meurtrier en lui, en lui laissant la liberté de laisser libre cours à ses pulsions assassines tout en gérant les problèmes qu’il s’attirait fatalement.

Elle l’avait vraiment cru mort pendants ces longues années de séparation, l’imaginant tombé dans un des traquenards que la vie lui mettait continuellement dans la face. Elle est heureuse que ce ne fût pas le cas, mais il faut dire que dernièrement le Tueur à la Rose jouait avec le feu et se brûlait les doigts, même les ailes. Sélène secoue négativement la tête en un reproche silencieux pour lui, et l’anéantissement de ses pensées à elle.

Oui elle sait, son penchant pour elle. La Lune a déjà croisé l’un de ces regards que les hommes vous portent quand ils vous admirent, ou son sourire béat d’un enfant amouraché, ou ses allusions verbales qui ne laissent aucun doute quand vous connaissez l’énergumène, ou bien, plus récemment, ce baiser volé alors qu’il était ivre de vin d’Anjou, ivre d’elle…La Lune éperonne Nestrecha, ils n’ont que trop tardé et déjà elle entend les cris de la maréchaussée à l’intérieur de la cellule.

La Frison file, galope à l’instar des pensées lunaire, qui s’étonne, se demande comment elle fait pour attirer les hommes ainsi, comme le miel attire les abeilles ou les ours au choix. Elle se souvient des paroles affabulatrices de l’Empailleur du Cartel qui la décrivait comme Astre lumineux satellisant les hommes autour d’elle, elle avait rit mais depuis a bien apprit la leçon. Et maintes fois, à ses dépends.

Elle soupire, ralentissant sa monture maintenant qu’ils ont passé la frontière Angevine, la route s’arrêtera là pour l’heure. Un feu de camp plus tard, assise les jambes repliées à elle, enserrées de ses bras et le menton posé sur les genoux, elle laisse les azurs se perdre dans les flammes avant de prendre la parole…

Bon maintenant, trêve de plaisanterie. Tu cherches quoi ? A mourir ?

*fort fort lointain
**Voulue morte ou vivante

Épisode acht (es ist nicht sehr gut!*): "Don't fear the reaper"**

La tête contre son corps chaud.
Les mains enlaçant son corps svelte. Le regard fermé. Les joues roses. Le sourire au visage. Comme si rien ne s'était passé. Comme s'il n'y avait jamais rien eu. Comme si nous deux ne faisions qu'un en cet instant. Les rôles s'étaient inversés, une nouvelle fois, comme depuis toujours. Ce n'était pas le prince charmant qui venait délivrer la belle princesse piégée de sa tour de verre. C'était chose inverse. Si seulement, et seulement si, je puis être considéré comme charmant, ou encore prince. Ni titre, ni valeur. Que quelques sobriquets me servant de surnoms affectifs ou non. La cavalcade, la fuite, ne dura pas assez longtemps alors qu'elle devrait durer une éternité. On est si bien en cette position. On est si bien avec elle. On est si bien avec cette seconde mère, cette soeur, cette amie, cette femme. L'astre argenté se pose sur moi tel un ange protecteur et son étreinte me réchauffe le coeur. Ces quelques années oubliées où la perception de cette personne n'avait plus cours. Ce fut quelques années que j'aurai pu oublier. Quelques années sans valeur, sans conséquences. Sans foi, ni loi. Je crois, alors, que je suis porté sur l'inceste. Cela ne me dérange pas, j'ai déjà tellement d'autres tares plus importantes, plus remarquables. Une de plus, une de moins. Cela ne choquera plus. Ne choquera pas. L'amour rend aveugle, n'a pas d'yeux, n'a pas de préjugés, survient lorsque l'on ne s'y attend le moins. C'est une troisième renaissance. Elle qui me l'aura donné. Elle qui me l'aura offert à nouveau. Elle, et toujours elle. Je lui dois tellement. Si seulement je pouvais lui rendre la pareille.

La lune s'éclaire à moitié par le feu.
Rares sont les fois où la lune est pleine. Ravivée par les flammes d'un feu flamboyant. La cavalcade se termine. Nous étions tout deux plongés dans quelques pensées plus ou moins obscures, sans paroles échangées depuis le passage de la frontière. Ce feu de camps me procure un certain plaisir, et je m'amuse avec un bâton à bouger les rouges braises. À voir ces étincelles rejoindre la multitude des étoiles dans ce ciel noir et scintillant. Je souris, comme un gosse, mais je souris. Mine de rien, je suis heureux. Après les péripéties de la vieille, je ne saurai expliquer le pourquoi du comment. Le principal étant que je me porte bien, non? Cela doit dépendre pour qui, bien entendu. Mes mains caressent à présent mes jambes endolories. Je perdrai surement de la vitesse et de la discrétion, à l'avenir. Si je ne prend pas soin de moi. Je ne suis plus un chat errant sautant de toit en toit. Mais un vulgaire éléphant vieux de nombreuses années. Certain qu'au niveau anonymat, ça n'aide aucunement. Et à ce moment précis, l'abcès sembla se percer. Sembla percer ce silence pesant, du moins, pesant point pour moi. Je me contente de l'instant, seulement. L'erreur eut été de regarder le passé et de ne plus voir le futur tout en lamentant de présent plus qu'imparfait.

Il ne faut pas craindre la faucheuse.
J'entends ces mots. J'entends la résonance de la force utilisée dans ce langage. Des mots employés. De la profondeur d'un sérieux dans la voix. Je ne sais pas ce que je cherchais. J'ai simplement agis. Sans réfléchir. Comme lorsque tu m'as trouvé. Lorsque je n'étais encore qu'un enfant. Un malheureux. Un fantôme errant. Un imbécile. Un sombre idiot. Un freluquet. Tâché de sang. Sans sourire. Sans autres fantasmes que la mort. Il te fallait donc une réponse. Une réponse sincère. Comment te répondre à cela? Puisque je ne sais rien. Je ne peux rien. Je ne contrôle rien. Seule la faucheuse décide et contrôle mes mains, mes bras, mes jambes. Elle contrôle tout, sauf mon esprit. Tel un roi qui sait avancer un pion, il ordonne, le pion exécute, mais ce roi ne peut contrôler l'esprit de son pion. C'est ainsi. Je ne peux contrôler mes gestes. Mais j'ai conscience. Conscience à demi-teinte. Je me préserve de certaines choses, tout de même. Et je souris. Je souris. Je sais que je peux toujours voler, quitter mon corps pour m'en aller dans un monde meilleur. Je l'ai fait plusieurs fois. Et c'est beau. Là-haut. J'arrive même à te percevoir lorsque tu es nue dans un bain. Non, je ne suis pas un voyeur. Je suis un homme. Un homme avec un esprit qui peut voler.

-La faucheuse ne me veut pas. Elle me crache au visage. M'ordonne. J'exécute. Je ne peux mourir. Même si je le veux. Même si je le voulais.

C'est la vérité.
Avec toutes les choses mauvaises que j'ai pu faire. Toutes les atrocités commises. Toutes ces voix qui me traversent l'esprit. Ces choses malsaines. Ces semblant de vie passées. Non, la faucheuse a trop à gagner à me laisser en vie, trop à perdre à me ceindre dans ses bras gelés. Je suis certain que si je me coupe les veines, le sang ne coulera pas. Je ne dois même pas avoir de sang, comme je n'ai pas de coeur. Oui, avec ce que je fais, je ne puis rien avoir de vivant en moi. Juste mon esprit. Et encore.

-L'amour de deux personnes n'est qu'un. Elle était là, comme je te vois. Mais à présent, elle est partie. La nuit dernière arriva pleine de tristesse. Il était clair qu'elle ne pouvait continuer. Continuer avec moi. Le vent s'engouffra dans mes oreilles. L'air devint lourd. Les bougies tremblèrent, puis s'éteignirent. Les rideaux volèrent, et il apparut. N'aie crainte. Disait-il.

N'aie crainte de la faucheuse.
J'avais peur, au début. Puis, à force de la voir, de le voir, ce démon, cette mort, je n'ai plus de craintes. J'ai l'habitude. Je le connais. Il me parle souvent, trop souvent. Et je sais que je dois aller dans son sens. La faucheuse sait faire mal. Sait faire souffrir. Donc, j'obéis, sagement. Efficacement.

-Tu sais. C'est rare que je ne prenne pas de plaisir à planter ma dague dans le corps impuissant d'une personne. C'est rare que je ne ressente pas comme un orgasme à offrir la mort. C'est rare que je culpabilise à faire ce cadeau, ce dernier souffle. Je n'arrive pas à comprendre. C'est un cadeau si doux, si confortable. C'est ce qu'il me dit. Ce qu'il me dit.

Il me le disait clairement.
La mort est magnifique. Un doux repos éternel. La mort donne des ailes. C'est une seconde vie sans malheurs, sans souffrances, sans tares, sans traces de désarroi. La mort rend riche et pauvre. Plus besoin de se nourrir, plus besoin de vivre. tout nous est offert. Nous n'avons plus qu'à profiter. Dans la joie et la bonne humeur. C'est ce qu'il me dit. Il doit avoir raison. Il connait cette chose. Il sait de quoi il parle.

-Tue là.

Non.
Jamais de la vie.

-Sélène. Ne deviens jamais comme moi.

Non.
Jamais de la vie.

-Tue là.

Non.
Plutôt mourir.

-N'aie crainte de la faucheuse.

Épisode huit (Ce n'est pas très bien)
**N'aie crainte de la faucheuse. Blue Oyster Cult

Épisode acht (acht'tention !): "I'm not dead. Pink."*

Je ne suis pas morte, pas encore
Je ne suis pas morte, juste sans attaches
Peu importe vers où je vais
Je n'ai pas du tout peur
En dessous des coupures et des ecchymoses
J'ai finalement gagné ce que personne ne perd

Les saphirs glissent des braises virevoltantes au visage de son ami. Dieu qu'il a changé,. Elle scrute les traits de son visage à la recherche de ceux du jeune garçon qu'elle avait rencontré il y a quelques années. Maintenant il est un homme, faciès marqué des aléas de sa putain de vie. Il a morflé c'est certain et morflera encore. Elle connait ses démons intérieurs, ceux qui guident cette main qui ôte la vie sans scrupule. Mais ce qu'elle ne sait, c'est l'ampleur de leur domination de son âme. Les azurs dévorent ce sourire enfantin, la laisse perplexe un instant. Comment peux-tu sourire ainsi après ça ? Comment peux-tu prendre si légèrement l’idée d’être fauché par la camarde ? Sélène plisse le nez à ses mots, tes paroles sont si réalistes…

Tiens c’est ce que je me dis depuis quelques années. La camarde se joue de nous, elle nous invite à son bal, nous entraîne dans une danse, un corps à corps et refuse d’assouvir notre envie d’elle…

Oh ne pense pas que je désire mourir pour autant, mais je l’ai tellement enlacée de cette étreinte douloureuse que j’ai bien cru qu’elle m’aurait amenée vers d’autres cieux. En fait, non. Elle a préféré me laisser là, parmi ces foutus vivants qui vivent leur petite vie tranquille…Et moi, et moi…Je ne fais qu’être la triste spectatrice d’un ballet funèbre…ô combien elle en a arraché de mes bras des êtres aimés, des amis fidèles, des frères et sœurs Libertadiens, et surtout…Mes enfants…

Les paupières recouvrent les azurs humidifiés d’émotion…Elle se laisse transporter par le souvenir douloureux de sa fille Liberta…Petit ange de huit années, blottie contre elle. Petit corps sans vie, transpercé d’une lame Poitevine. La Lune avait hurlé sa douleur, maudit les Dieux et les Diables, maudit le royaume entier et maudit elle-même de n’avoir sur la protéger. Et puis…Trois années plus tard celle de son fils Zoklen, digne héritier de son père colossal. Ils n’avaient que retrouvé sa petite épée de bois près de la rivière tumultueuse. Nul corps à offrir à une mère en détresse, juste cette absence évidente et douloureuse. Et ce silence lourd de souffrance entre Eikorc et la Lune qui refuse de croire à la mort de son enfant…

Elle frissonne, d’un geste de la tête elle efface ses pensées, et les azurs de s’ouvrir sur l’instant présent. Ne pas se morfondre, ne pas se laisser prendre par les sables mouvants de la mélancolie et des regrets, pas ici, pas maintenant, pas face à lui. Etre là pour son ami qui a besoin d’elle, boire ses paroles et frissonner à nouveau de le voir ainsi lui avouer tout naturellement sa folie…Tu es un monstre mais tu es si attachant de par tes émotions, paradoxal que tu es…Je t’ai vu ainsi gamin, et encore ainsi homme.

Je le suis, moins intensément que toi certes, moins influencée par mes pulsions aussi.

Elle ne lui racontera pas sa jeunesse passée auprès du Masque, elle était une de ses tueuses, perfide et sournoise qui jouait de la dague et des poisons. Elle ne lui dira pas non plus le plaisir salace qu’elle prend lors des combats à s’enivrer de l’odeur métallique du carmin de ses ennemis. Elle ne lui décrira pas cette satisfaction jouissive d’apprécier les os céder sous la morsure du métal de son épée, de fusionner l’azur à ce regard perdu étincelant de surprise d’être emporté par la camarde, de prendre au vol ce souffle de vie qui s’éteint, de cette âme qui s’élève. Non elle ne dira rien de tout cela…

L’azur se lève sur lui, la perplexité n’est plus. Et là les évènements la fouettent. L’image d’une rose offerte en taverne quelques jours plus tôt. Geste qu’elle avait mal interprété précédemment, sa première impression était avérée. Sa folie l’amenait à elle…Ou un contrat ? Un frisson parcourt l’échine, elle reste calme, s’étire et déplie son corps…Une main lisse son mantel de cuir, elle fait quelques pas vers Nestrecha, lui caresse le flanc et revient vers le feu de camp s’adosser à un arbre en croisant les bras sur sa poitrine. Lui laisser croire qu’elle n’a rien capté de son message tout en restant sur ses gardes. Une pensée file vers Judas, il avait encore raison. Elle a cette faille qui lui donne cette propension à se mettre en danger. La Lune esquisse un sourire qu’elle offre à Stradivarius..

Je ne crains pas la Faucheuse, Strad’. Et toi ?

Elle arque un sourcil interrogateur, ayant conscience que si son message est perçu à sa juste valeur, la provocation insolente pourrait entrainer les évènements en une danse macabre….

*Je ne suis pas morte. Pink

Épisode acht (Achtung, achtung!): "Make it wit chu"*

Tu veux savoir si je sais pourquoi?
Tu veux savoir si je sais pourquoi je t'ai offert une rose rouge? Tu veux savoir pourquoi je te l'ai offert à toi? Ce que cela signifie pour moi? Je vois bien dans tes yeux argentés que tu ne comprend pas. Ou que tu crois comprendre et que cela peut être terrifiant pour toi. Je suis sûr qu'au fond de tes entrailles, tu te doutes. Mais tu continues à te poser des questions. Tu veux savoir pourquoi j'ai lancé un sourire dans cette geôle? Pourquoi je n'étais pas contre l'idée de la mort? Pourquoi la mort m'a refusé une nouvelle fois? Pourquoi tu as fait l'erreur de m'emporter avec toi? Emporter la faucheuse sur ton destrier, derrière ton dos. Tu ne le vois peut-être pas aussi bien que moi, mais je me sens mal à l'instant, au plus profond de moi. Il s'avère que je détiens une information te concernant. Une information que je ne puis te divulguer. Une information que tu apprendras tout de même de moi, mais que trop tard. Si j'ai le courage de la transmettre. Si je trouve la force de l'exécuter. Car, en plus d'être une information, cela reste un ordre. Un ordre que je ne puis refuser. Je ne peux pas vraiment dire que je sais. Je comprend juste pas le mauvais oeil. Je ne comprend pas comment un peut faire deux. Je ne peux même pas me rappeler comment tout cela à commencé. Ou bien comment commencer la fin. Je ne suis pas ici pour l'enlever, seulement voir jusqu'où ça penchera, encore et encore. Non, je suis là pour l'enlever. Mais je ne sais pas encore comment. Ou si je le peux réellement.

-La faucheuse est devenue une amie, Sélène. Une amie indéfectible et puissante. Parfois, elle me fait peur lorsqu'elle me sourit. Sourire édenté. Parfois, elle m'inquiète lorsqu'elle m'ordonne. Ordre irrésistible. Parfois, je l'aime lorsqu'elle me caresse. Cela m'apaise. Mais son souffle froid et brûlant à la fois me parvient toujours dans le dos. Je frissonne chaque jour que Dieu fait, Sélène. Je frissonne. Toujours.

Je veux le faire.
Je veux le faire avec toi. N'importe où, n'importe quand. Je veux le faire. Je veux le faire avec toi. Ces mystères de la vie, c'est vraiment pas mon truc. Si je te dis que je connaissais le soleil et la lune, je te mentirai très certainement. Tout ce que je sais, c'est que je veux le faire, le faire avec toi. Non, je dois le faire. Je dois le faire avec toi. Ma main farfouille ma besace, et j'en sors une rose dont les épines qu'échauffent les doigts. J'apporte la prunelle sur son rouge et hume son odeur apaisante. Presque la même odeur que ton corps. Je sais que si j'arrache la moindre pétale, ton souffle sera court. Deviendra court. Si tu savais que cette rose offerte en taverne n'était pas venue à toi par hasard, ou par la simple volonté d'un homme à te faire du charme. Charme dont tu n'as aucunement besoin, venant de moi. Je sais aussi que ce sang qui me coule sur les doigts, venant d'une épine me le transperçant, je sais que ce sang tu pourras me le verser. Tu es dangereuse. Je sais l'être aussi. Mais je ne veux pas te faire de mal. Un jour, tu faneras. Je fanerais avec toi. Non, je ne veux vraiment pas que tu partes en première. Je veux que tu continues ton spectacle. Je préfère que le miens cesse. Je préférerai le faire avec toi. Je veux le faire avec toi. Je suis malhonnête de profiter de ton amitié. Tu m'as sauvé. Et je vais te répondre que je te sauve, que je t'offre un présent, une bénédiction. Mais c'est faux. Je t'offrirai juste le souffle de la mort qui me suit partout. Rien de plus. Rien de moins. C'est ma malédiction.

-Ma Lune. Je suis vraiment désolé. Terriblement navré. Je ne voulais pas. Et voilà que je dois faire. Tu es trop bonne. Cela te jouera des tours. Cela me joue des tours. Tu aurais du les laisser me pendre. Me laisser seul. M'étouffer dans ma gerbe pour ne plus respirer encore. Tu aurais du. Mais tu n'as pas fait. Tu es trop bonne, ma Lune.

Pourquoi devrai-je le faire?
Parce que tu es sur la liste noire. Sur la liste à l'écriture sanglante. Tu fais partie de ceux qui ne doivent plus respirer. Qui ne doivent plus exister. Pourquoi es-tu ce ceux-là? Pourquoi est-ce que ça doit me tomber dessus? Triste ironie, mon amie. Mais je ne peux refuser. C'est ce pourquoi je suis né. L'histoire de ma vie est faite de petits chaos placés bout à bout. De petites choses affreuses qui se transforment en monstruosités. Tu es un petit chaos. Je suis ta monstruosité. Tu es mon amie, ma soeur, ma femme, ma mère. Et j'ai ordre de te libérer. De libérer les autres de ta présence. Mais je n'en ai pas l'envie. Je n'ai pas ce besoin. Je ne ressens pas de vibrations, de plaisirs à cette idée. Je souffre. Oui. Devant toi, je souffre. Horriblement. Mon coeur défaille. Je vis d'atroces choses en si peu de temps. Je défaille, mon amie. Je défaille. Je n'ai plus envie de le faire. Plus envie de le faire avec toi. Non. Je me vois jeter cette rose que j'hume tranquillement devant un feu bouillant, un soleil éternel transformant le visage d'une belle en un croissant de Lune. Je me vois me lever et m'approcher doucement de toi, m'abaisser à ta hauteur alors que tu te trouves là, tranquillement, adossée à un arbre, les bras croisées. Tu dois te douter, je le sais. Mes yeux transpercent les siens. Une goutte tombe. C'est de ta faute. Ou de ma faute...

-Cesse de pleurer. Fais-le. On dirait une gamine flétrie.

-Je ne peux... pas...

-Si. Tu en as la force. Ce n'est qu'un bout de viande avariée.

-C'est... mon amie.

-Il n'y a que moi qui compte. Tue-là.

-Excuse-moi... Sélène...

Le tintement d'une lame.
L'argent d'un morceau d'acier sortant de ma botte. Un petit son très distinct qui se fit sentir délicatement dans l'écho de la forêt. Ce couperet qui se tient à présent le long de ta gorge. Seule la force saurait manger à te l'enfoncer au travers de ta peau, de tes muscles, de tes os. Dans un fracas craquant. La mort te croquerait. Elle serait heureuse de te serrer contre elle. Elle me le dit. Je puis l'entendre. Elle trépigne, derrière moi. Elle te veut. Elle ne veut que toi. Son nouveau jouet pour l'éternité. Je ne suis que son livreur. Livreur d'âmes. Je tremble. Tu le ressens? Tu ressens ma peine à exécuter cela? Mon regard se pose un instant sur mon autre dague. Celle qui se trouve à ma ceinture. Celle dont le pommeau est dirigé vers toi. Tu sais. Tu peux la prendre. Je ne ferai rien pour t'en empêcher. Peut-être que la mort aura quelqu'un d'autre à accueillir. Fais le. Mes yeux te l'ordonnent. Profites en. Je me laisserai faire. Comprend-tu? Allez! Bouge! Fais quelque chose! Prend là! Transperces moi! Purifie-moi! Ne me laisse pas te faire du mal. Mon amie. Mon amour. Ma Lune. Ne te fais plus attendre. Il faut que tu partes. Comprend le. Avant qu'il ne soit trop tard. Elle me surveille. Elle me dit de me dépêcher. Elle a hâte. Je ne pourrai la retenir plus longtemps. Elle fera bouger mon bras. Et ton cou se transpercer.

Fais-le.

-Fais-le!

Par pitié.

-Tranche là!

Je veux que tu le fasses.
Que tu le fasses avec moi.

*Épisode huit (attention, attention!) "Le faire avec toi" (Queen of the Stone Age)

Épisode acht (Achtung, achtung!*): "Sick, sick, sick"*

I know what I've done,
Je sais ce que j'ai fait,
But tell me what did I miss ?
Mais dis moi qu'ais-je manqué ?
So please don't save something
Donc s'il te plait n'épargne pas quelque chose
Waste not, save nothing
Ne gaspille pas, ne sauve rien
Loose the halo, don't need to resist
Perds le halo, tu n'as pas besoin de résister
A lick of the lips and a grip on your hips
Un lèchement des lèvres et une prise sur tes hanches*

Tu es Fou.

Tu es un grand malade mon ami. Le nez se plisse aux mots lancés dans la nuit, putain de faille, à trop donner sa confiance on en crève, à tendre la main on se la fait mordre...L'azur aussi froid que le métal cingle Stradivarius, capte chaque geste, la danse est amorcée, corps à corps à venir, qu'en ressortira t'il ? Un battement de cœur dérape sur une pente sans fin, la rose tranche la nuit de son carmin révélé à la lumière du feu, les ombres dansent, moires lumineuses. Les spectres sont de sortie ce soir. L’azur glisse sur les traits de ce visage qui ne trahit aucune émotion. Pourtant elle sait qu’en lui n’est que tornade émotionnelle, une nuée de paradoxes en tout genre, il n’a jamais su gérer, mater la bête en lui, dommage. Il est beau, de cette beauté captivante, puant le mâle et réveillant les hormones féminines sur son passage. Elle aurait pu s’éprendre de lui, l’aimer, en faire son amant, il a ce charme mystérieux qui ne laisse pas indifférent. Elle aurait pu oui, mais non.

Elle reste impassible. Le jeu est leur vie, elle attaque rarement la première, aimant apprécier l’adversaire, le juger, le jauger, avant d’agir. Le visage lunaire impavide se voit frémir légèrement, il lui fout dans la trogne sa faille. Trop bonne…Si tu savais mon ami combien je peux être rancunière, combien je peux devenir assassine si tu exploites ce côté-là, si tu en abuse, si tu me trahit…Elle l’écoute, lit entre les lignes tout en restant silencieuse, ne lui donner aucune indication sur ce qui se révèle à elle, sur ce qu’elle pense, sur ce qu’elle compte faire…ou pas. La rose tombe et sonne le glas. Tu as été Faucheuse du Masque et pour l’heure elle se tient là en face de toi, ombre maléfique à l’arrière de ton ami. Il se lève, elle ne bouge pas d’un pouce, le laisse venir à elle sans frémir, si la camarde la veut, qu’elle vienne la chercher ! Les azurs se mélangent, s’épousent en une étreinte sans émotion, ne rien montrer bien que le palpitant s’affole, l’adrénaline impulse dans les veines lunaires, bouillonnement interne, ne rien sortir, pas encore…

La poitrine se soulève sous un cœur prêt à rompre, elle n’a pas peur, la vie coule en elle et l’instinct animal refait surface, la bête endormie s’éveille sous le danger. Tu ne m’auras pas comme cela, jouons, dansons, donnons vie à cette issue macabre, laissons de côté la facilité, cherchons l’obscure difficulté. Prenons plaisir. Un chuintement métallique zèbre le silence nocturne, les carmines s’entrouvrent, offrent un léger soupir sous le frisson dévalant le derme d’un cou pâle qui s’offre, veine palpitante d’un carmin vital. Une caresse et je suis à toi à jamais. Les iris se dilatent légèrement, je ressens ton émotion, mais…tu trembles ? Je me reprends, ne pas te laisser violer la faille pour mieux prendre ma vie, ne pas penser que tu puisses t’émouvoir de me tuer.

Voir ton regard fuir vers l’espace qui sépare nos deux corps, elle laisse ses bras se décroiser doucement et revenir le long de son corps, paumes s’imprégnant de la chaleur de l’écorce. La langue vient humidifier les carmines asséchées, je sais que tu détiens une autre dague, là, à portée de main, trop facile. Fidèle à elle-même, la Lune préfère jouer de la provocation, elle entame la danse macabre, un pas en avant et d’appuyer la peau d’albâtre sur la lame assassine, sentir le derme crier sa douleur sous l’entaille infime. Larme de sang sinuant lentement pour venir mourir au creux de ses seins. Le perturber, profiter de sa faille à lui.

Prends ma vie puisque c’est écrit…

Elle ment. Oui elle ment pour sa survie. La danse continue, furtivement et rapidement, un pas en arrière et la paume Lunaire d’asséner un violent coup au menton de Stradivarius le faisant reculer, abasourdi ou surpris. Ne pas le laisser reprendre ses esprits… Deux pas en avant, la dextre vient agripper l’intérieur du poignet armé tandis que la sénestre se défoule de deux coups de poings sur le nez. Elle l’entraîne en une valse de coups, les corps tournants sous l’impulsion de l’emprise Lunaire. Ses mâchoires sont crispées, lui donner leçon, sa faille n’est pas exploitable, non. Il devrait savoir qu’elle est ambidextre, usant des deux mains lors d’un combat. Elle se délecte du sang jaillissant du nez fracturé, apaiser sa colère, lui faire mal, tribu à payer pour la trahison. Toute axée aux assauts qu’elle porte, elle ne voit pas la racine d’un arbre. Elle sent l’équilibre se briser, la danse continue au sol, corps à corps roulant dans les feuilles d’automne….

* Attention attention
* Queen of the stone age. Sick, sick, sick = malade, malade, malade

Épisode acht (aïe, aïe, aïe): "What you want"*

Qu'est-ce que tu veux?
C'est ainsi. Je suis comme je suis. Je ne suis guère un homme bon. Je ne suis pas celui que l'on aime avoir contre soit. C'est aussi pour cela que je n'ai jamais réellement connu l'amour, la vie à deux. Je ne sais même pas comment il est possible que deux êtres ne puissent faire qu'un. Trouver son âme soeur, sa moitié, ce qui fait que nous vivons en harmonie. Moi, je ne suis qu'un pauvre hère, titubant de monde en monde avec le peu de vie que je transporte. Mon simple compagnon, mon violon. Mes seules amies, mes lames. Je mêle actuellement larmes à lames car ce que je veux, c'est partir loin. Loin de toi. Loin de cette obligation formelle. Et de ce désir que la mort me fait couler dans les veines. Cette volonté de tuer, de broyer, de détruire, de consumer ce que Dieu a fait de plus beau. Casser la merveille pour ne plus en bâtir sur cet amas de poussières que sécrète ton corps sans vie. Je ne pas envie de te fouler du pied. Que tu disparaisses à jamais. Je n'ai pas l'envie que tu partes loin de moi. Je te veux à mes côtés. Pour la vie. Mais c'est trop tard. Entre ce que je veux, et ce que je peux. Il y a un grand écart.

J'aurai aimé te le dire lorsque nous serions rentrés à la maison.
J'en ai marre de communiquer à travers des sourires vains. Et cette niaiserie que l'on partage entre amis ou inconnus. Dis moi seulement ce que tu ressens. Pour que je ne sois plus seul, aussi. Je veux juste que tu saches, qu'à cet instant où tu me casses le nez, je me sens tout aussi froid et engourdi que toi. Je pourrai, certes, m'envoler. Et partir pour de bon. Et tu pourrais être le soleil qui tombe sur les montagnes. Mais il est trop tard. Tu sais ce que je veux. Et tu veux ce que je sais. Je souffre sous tes poings d'acier. Et je me laisse faire, un peu. Sans trop chercher à me défendre ou à riposter. Je n'en ai plus le courage. Mon corps tremble, emplit de perplexités. De paradoxes. Je ne sais pas si je dois te tuer, ou si je dois me tuer. L'atmosphère pesante de ton poing sur ma mâchoire fait que je ne peux plus réfléchir en silence. Je n'ai plus cette capacité à cette heure-ci. Et ta voix qui me hante encore. Qui me demande de prendre ta vie. Tu sais ce que tu veux, mais ce n'est pas ce que je veux. Que veux-tu que je fasse? La vie ne nous laisse aucune chance. Sourions à la mort.Il n'y a plus que cela. Rien d'autre qui ne compte.

Tu me tombes dessus.
Je ne suis qu'un marionnette désarticulée. Tu peux asséner autant de coups que tu le souhaites. Je suis à toi. Je le mérite. Tu peux m'écraser, me terrifier, me planter là. Laisser mon âme reposer enfin en paix. Si elle daigne trouver le chemin d'un repos éternel et sans fissures. Je puis même te lancer un sourire à l'heure où tu frappes encore alors que nous sommes tout deux à terre. Tu vois, cette racine nous rapproche, comme si rien ne s'était passé. Elle te fait tomber, près de moi, comme si nous étions deux amants amoureux. Jeunes. Fougueux. Mais je sens mon propre sang qui me tombe sur les lèvres. Il a tel goût? Je ne m'en doutais pas. Je ne l'avais jamais goûté. Merci pour cette première fois. Première fois avec toi. Je sens ma tempe prête à exploser. À rendre l'âme. Je sens que je vais exploser et ne plus jamais te sourire si tu continues ainsi à me frapper sans aucune pause. Je sais que je te trahis. Tu me punis. Je respecte juste les ordres que l'on me donne. Et...

-Vas-y. Elle est à toi. Baise là. Frappe là. Prend le temps se savourer sa mort. Caresse là à l'en faire crever.

Qu'est-ce que tu veux?
Je n'ai pas envie de la tuer.

-Elle se livre à toi. Tu n'as que peu à faire. Elle se laissera faire. À toi de lui offrir la lune. Je saurai l'accueillir.

Comment?
Je n'ai pas la force de le faire.

- Ta lame est à portée. Elle se trouve là, juste à terre. Tu n'as qu'à tendre le bras pour l'attraper et la tuer.

C'est vraiment ce que tu veux?
Je ne peux pas la laisser faire?

-Si tu meurs. À toi les tourments éternels. Je la violerai par l'intermédiaire d'un autre. Tue là.

Je sens les os de mon crâne.
Je les sens s'enfoncer en moi. Toucher l'intérieur de ma tête. Mon cerveau est atteint par tant de violence. Je ne parviens plus à faire la part des choses. Avec le sang qui jaillit sur mon visage, je ne parviens plus à te voir. À te sentir. J'hume l'odeur de ma propre mort qui viendrait bientôt si je ne bouge pas. Je ne sais plus qui tu es. Je ne devine plus les formes de ton corps. Je ne devine plus tes yeux turquoises qui se posaient sur moi avec délicatesse. La délicatesse d'une amie. D'une proche. Je sens poindre une simple haine qui s'accouple avec la mienne, naissante, à nouveau. Une pulsion s'empare de mon être. Je sens ma main s'emparer de la dague qui se trouve non loin d'elle, laissée à l'abandon. Laissée pour morte dans un coin de la nature. Sans qu'elle ne s'en soucie. Je m'en empare, et lui assène un coup entre les côtes. La pointe fendant l'os et n'allant pas plus loin creuser la cage thoracique de la belle Lune. Je ne peux pas viser tant que tu es ainsi à me frapper. Je ne sais pas si je l'ai fait exprès de te rater ainsi. De rater ton coeur ou un autre point sensible de ton anatomie. Je ne sais plus rien. Je suis perdu dans les méandres de mon esprit. Mais je sens une légère souffrance émanant de ton être. Comme si j'avais tout de même réussi à te faire lâcher prise. J'en profite, de cet instant, pour te renverser sur le côté. Je lâche ma lame, je ne veux plus m'en servir. Ton sang coulera de mes mains. Côte à côte. À terre. Je te porte un coup de poing à la gorge me servant à retrouver mon équilibre pour me placer sur toi. Je sais que ta respiration se fait plus courte. Je prépare ma force pour te choquer l'esprit et te le rendre à néant.

-Passe lui le bonjour quand tu le verras. Comme je le vois.

Rien.
Rien ne se passe. Je te regarde. Je te vois à travers un film rouge sur mes pupilles. Je ne devine pas la couleur qu'emprunte tes sentiments. Je ne parviens à rien. Je ne peux pas te porter ce coup. Je suis fébrile. Faible. Pour la première fois. Je crois que je ne sais pas ce que je veux. Je veux juste que nous rentrions à la maison. Tout les deux. Oublions cette affaire, serrons la main, et continuons ensemble. Tu le veux bien? Non, bien sûr que non. Il est trop tard. Mon esprit s'embrouille, les voix se font plus pénétrantes.

-Un coup dans la carotide. Et c'est ficelé.

Pourquoi m'avoir choisi?
Ne peux-tu attendre sa mort?

-Elle mourra trop tard si tu ne t'en occupes pas. Vas-y!

Va te faire voir.
Enfoiré. Je ne peux.

Je sais que tu ne me pardonneras pas.
Mais je me relève et me tiens debout, devant toi. Je te tends la main. Tu ne l'accepteras pas. Tu es trop fière, ma Lune. Et je t'ai trahis. Je trahis même la mort. Je ne mérite la confiance de personne. Surtout pas de toi. Je te laisse partir. Loin de moi. Laisse moi partir. Loin de toi. Tu verras. Tu ne me verras plus. Je serai transparent à ton existence. Je ne serai plus jamais là pour te causer le moindre soucis. De toutes façons, en refusant ce contrat, je signe mon arrêt de mort.

-Ne me maudis pas. Sélène. Je le suis déjà. Pars. Je ne veux pas de ta mort.

Je ne peux tenir plus longtemps.
Mes jambes me font atrocement souffrir de la chute de la veille. Je m'écroule à genoux devant toi. Devant cette dague qui attends certainement que tu l'utilises. Tu ne me laisseras plus vivre après cela. Je sais ce que tu veux. Je sais ce que tu feras. Délivre moi du mal. Ceci est mon corps. Livré pour toi. Et pour ceux que j'ai offensé.

Lune.
J'étais heureux de te rencontrer.
Je dois à présent te faire mes adieux.
Adieux.
J'entends le cri de la mort.
Terrifiant à souhait.
Elle m'emportera sans broncher.
Cette fois.

*Ce que tu veux.

Épisode acht (aïe, aïe, aïe): "I want you stay"*

Ce n'est pas une vie que tu vis
Ce n'est pas juste quelque chose que tu prends, c'est offert.
Nous tournons en rond, et en rond, et en rond, et en rond.*

Elle laisse évacuer sa colère, les corps s'emmêlent dans une lutte silencieuse. Elle sent qu'il ne se débat pas mais n'arrête pas pour autant de le rouer de coups comme elle peut dans leur chute libre. C'est elle ou lui. L'impulsion, l'instinct, fait qu’elle refuse de se donner à la Faucheuse. Non pas maintenant, pas ce soir, pas ainsi, pas par lui. La danse des corps s'arrête, elle finit sur lui, féline le chevauche, les poings s'abattent, douloureuse rencontre avec sa mâchoire mais peu lui chaut. Elle lui en veut, la rage l'habite et son exutoire est son visage qui se boursoufle sous les coups lunaires. Le sang ne l'arrête pas, au contraire il avive son appétit, s'enivre de son odeur métallique. Pour peu les larmes brouilleraient l'azur de cette trahison. Il a osé passer la frontière, elle l'a rejoint...

L’azur flamboie, l’esprit est loin très loin d’eux. Elle n’a plus la lucidité d’arrêter la confrontation, il la voulait, elle le veut mais pas comme il l’entend. Elle veut sa mort, elle veut qu’il souffre, il a réveillé l’animal enfouit en elle. La senestre se lève dans ses cheveux à moitié défaits afin d’attraper le fin stylet qui les retient, la dextre le maintient au cou, un appui intimant à l’immobilité du corps. Elle hoquète, souffle coupé et azur dilaté perdu sur le visage méconnaissable. Elle reste quelques secondes qui lui semble une éternité ainsi, figée, statufiée de surprise la main effleurant le stylet. Elle cherche à comprendre, la douleur se diffuse en son corps, les sourcils se froncent sur un souffle court et saccadé. L’azur glisse, vient accrocher la lame plantée en elle, source de cette brûlure insupportable. Le bras retombe ballant, laissant le stylet en place, la main glisse de sa gorge. Les épaules s’affaissent doucement, les paupières recouvrent l’azur.

Une seule pensée…Fait chier.

La douleur est mordante sous la blessure, elle ressent celle aussi de ses poings qu’elle tente de resserrer en vain. Elle le sent la renverser au sol, son corps n’obéit plus, vide d’énergie, agonisant de souffrance. La tête vient frapper le sol mollement, les paupières révèlent l’azur voilé, les carmines échappent un gémissement tandis que la lame quitte son corps. Puis vient le choc à sa gorge. Les azurs s’écarquillent, elle se tourne sur le dos, regard planté dans son Astre de nuit, nauséeuse et la bouche ouverte sur un râle à la recherche d’air, les reins cambrés, poitrine convulsée, douloureuse du manque de souffle de vie. Elle sent un poids sur elle la ramenant à l’instant présent, elle toussote, râle, expire et inspire douloureusement, l’azur perdu sur un visage ensanglanté.

Est-ce ainsi que tout doit finir ? Achève-moi…Ne me regarde pas, achève-moi…

Elle frissonne, le froid l’envahit, le poids se soulève, elle sent légère. L’azur se trouble, elle se sent partir dans les méandres quand un bruit sourd la ramène, elle devine sa silhouette à genoux auprès d’elle. La colère a disparu laissant place à la souffrance, elle prend sur elle, se redresse douloureusement, empoigne son col, corps tremblant, visage grimaçant de douleur. Elle râle, son souffle n’étant pas encore totalement revenu, puis s’écroule au sol, l’entrainant avec elle… Face à face silencieux, les visages si proches qu’elle peut ressentir son souffle caresser le sien. Le poing s’abat mollement sur la poitrine de son assassin. La voix enrouée sortant d’une gorge douloureuse lui murmure…

P’tit con…Regarde-nous…On a l’air malins…Rentrons…

Elle esquisse un sourire douloureux. Non je ne t’en veux pas, tu as montré ta loyauté, tu as combattu tes démons. Mais putain ça fait mal.

* Rihanna i want you stay = je veux que tu restes

Épisode acht (acht is beautiful): "The blood is love"*

Je t'ai perçue.
Au delà de la compréhension. Ces lignes de vie ont été tracées et ne peuvent être effacées. Nos yeux nous suffisent à comprendre. A comprendre que nous nous sommes égarés. Que je me suis égaré. Car tout est de ma faute. Ma faute, mienne. Tu ne fais que répondre à la violence que j'infuse dans ta vie. À la violence infusée au souffle de ma vie. Aux démons qui déchirent mes entrailles et m'amènent à la pire des choses. Surtout celle de penser à te perdre à jamais. À ne plus sentir ce vent de vie qui caresse mon visage à présent que nous sommes presque en harmonie contre le sol frileux. Tu me colle ton poing magnifique sur ma poitrine dans une mollesse extrême, se heurtant à la force de jadis. Tu me glorifies de quelques mots qui chantent en mes oreilles d'une douce mélodie. Toi, tu sais me pardonner. Tu sais qui je suis. Tu comprends pourquoi je fais cela. Tu es douce. Tellement douce. Trop douce. Je m'empare de cette main qui sentirait presque mon coeur battre à tout va. Je m'en empare pour la serrer dans la mienne. Pour te faire comprendre que plus jamais je ne porterai de coups envers ton être que j'idolâtre tant. Ton être qui ne fait qu'un avec mon esprit. Du moins, c'est ce que je pense. Ce que je ressens. Même si tu n'éprouves pas la même chose pour. Réciprocité en un sens unique. Ouvre tes yeux. Prise de vue d'un azur profond et nage jusque l'eau et le ciel. De deux, ne fassent qu'un. Mes yeux sont injectés de sang. Du sang d'une haine que je porte à l'encontre de ceux qui m'infligent cela. Du sang que tu as fait gicler de mon nez brisé et des coups portés sur mon visage. Nous sommes beaux, ainsi. Nageant dans le sanguinolent. Heureusement, nous ne sommes allés plus loin dans ce déchirement. Je t'aurai pleuré. Toute ma vie durant. J'aurai chialé comme un môme. Sache le. Nous sommes si proches. C'est beau. Magnifique. Tes lèvres m'appellent. Tes yeux me sont doux que le Malin ne saurait que me murmurer à nouveau.

-Goûte à ta proie. Elle est faîtes pour cela. Ouvre ton appétit. Fais vibrer ton amour jusqu'à l'étouffer avec.

Ouvre ta bouche.
Touche de tes lèvres les miennes. D'un baiser qui puisse traverser la mort et survivre. Tes mots ont marqué au fer mon esprit. Ce n'est plus de la haine que j'entends en mon esprit. Des mots d'amour. Entremêlés de quelques troubles, encore. Mais j'entends l'amour. Vif. Rougeâtre. Lyrique. Magnifique. Et je goûte à ce que tu m'offres. Non, je ne me rend peut-être pas compte. Mais je goûte ce que je te prend. Sans mendier. Je m'accapare. Sans même te laisser le temps d'en placer une. J'agis. Au point où nous en sommes, tu ne pourras plus rien dire. Non, plus rien. Tes lèvres sont enlacées aux miennes. Point l'espace d'un vent, d'une parole. Laisse-moi apprécier ce que je chéris depuis une décennie. Même si cela pourrait-être de l'inceste. Je m'en fous. J'aime. Je croque même la chair pour marquer ton appartenance à ma volonté. J'apprécie ce goût sanguin traversant mes dents pour s'enjoindre à ma langue. Cette vivifiante bouchée de vie. D'amour. J'ai toujours aimé le sang. Ce n'est pas la première fois que je le prend en bouche. Mais c'est la première fois que je ressens de l'excitation. Je sens toutes mes veines se contracter. Le liquide parcourir les quatre coins de mon anatomie à une vitesse fulgurante. J'en oublie mes douleurs. J'en oublie les alentours. J'en oublie même que tu es là, cause de mon bonheur présent. J'en oublie mon démon qui ne cesse de réclamer plus d'amour à ton encontre. Je suis, une fois de plus, dans ma bulle. Increvable.

-C'est bien. Vas-y. Plus fort.

Et je te tiens toujours la main.
Enveloppée comme si nous seuls portions un anneau de chair et de sang. C'est si difficile de... Enfin, tu vois. Mes yeux ensanglantés sont clos. Je ne te vois pas. Je ne te sens pas. Et pourtant, une pensée me dit que peut-être es-tu en train d'étouffer. Ta respiration était si lente, si difficile. Ta voix était si rauque et essoufflée. Peut-être suis-je en train d'en faire trop? Peut-être suis-je en train de t'empoisonner. Inconsciemment. Peut-être es-tu déjà morte à l'heure où je continue de t'embrasser avec fougue et passion. Non, ce n'est peut-être pas les termes adéquats. Je t'embrasse comme un fou qui perd la raison, une fois de plus. Ce qui partait d'une bonne intention. D'une juste cause. Cela est en train de te tuer. Très certainement. Mais rien ne saurait m'arrêter. J'ai tant désiré ce moment. La graine attend que la faucheuse recouse. Chaque respiration est un art. Ma dignité peut froisser et briser ton coeur. Ramène tout tes morceaux chez toi. Tu demandes quand tu es seule ce qu'est l'amour. Je vais te répondre. L'amour, c'est le sang. Et je le goûte, encore et toujours alors que tu peines à te maintenir en vie. Je suis un sauvage. Un fou. Un monstre. Tu es ma victime. Même sans le désirer, je perd le contrôle sous le joug de la faucheuse. Tu aurais du me tuer au lieu de prendre pitié de moi. Tu aurais du sauter sur l'occasion dès que tu le pouvais. Mais tu es trop bonne. Tu es trop douce et délicate. Tu ne te rend même pas compte que j'aurai ta peau, un jour ou l'autre.

-C'est le moment. Laisse moi guider ta main. Tu ne sais pas comment on fait ces choses là.

La mort, c'est l'amour.
À mort, à mort. Amor, amor. Amour, amour. Le sang est l'amour. L'amour est la mort. Je ne contrôle plus mon corps, le laissant à la merci de la mort. Je suis certain que, toi aussi, au fond de toi, tu rêves de cet instant. Je t'offre à présent l'usage de ta main qui était mienne tout ce temps. J'ai besoin de mes deux mains. Pour ton bien. Pour ton plaisir. Plus que pour le miens. Je ne suis pas égoïste. Je sais partager. Des fois. Parfois. Ma main semble guidée. C'est la faucheuse qui guide mes pas. Elle ne veut pas que je foire ma première. Elle veut être d'une aide précieuse. Elle ne veut pas que je me sépare d'elle. Elle veut se faire passer pour une amie. La plus fidèle. La plus précieuse. La plus fantastique. Elle guide ma main sur tes courbes avantageuses. On dirait que tu débats. Pourquoi? Mon autre main agrippe ton cou si fin, si glorieux, dans une pression intense. Je ne me rend pas bien compte. Mais pourquoi bouge-tu autant? Tu peux me le dire. J'entends tout. Je peux tout comprendre. Mon autre main continue son ascension de monts en monts. Puis, descend pour caresser tes côtes. Une à une. Délicatement. L'index trouve une entrée et s'y faufile. Dans un trou de chair et de sang, je sens l'os. Je farfouille sous ta peau. J'appuie sans me rendre compte que, peut-être, je te fais mal. Mais pourquoi fais-tu tant de mouvements? Tu apprécies? Tu prend autant de plaisir que moi? Tu fais des bruits étranges. Comme si tu n'arrivais pas à respirer. Non, ma Lune. Tu dois prendre tellement de plaisir que tu ne parviens à te contrôler. Je suis sûr que tu ne tarderas pas à crier. Je sais que mon doigt, bien placé, sur ton flanc te gratifie d'un orgasme spectaculaire. Je suis aveuglé par mon désir et ton plaisir. Je suis heureux de te rendre heureuse. Je suis sûr que tu es heureuse.

-C'est bien. Tu es doué. Tu la tiens. Elle t'aime. Je le vois. Continue comme ça. Elle est bleue d'orgasme.

Sur mon index coule ton sang.
J'appuie à l'intérieur de ton être. Sur le blanc de ton os. De ta côte. Je m'y prend bien, la mort me flatte. Je souris. J'aimerai plonger mon azur sur le tiens. Mais je ne puis ouvrir mes orbes ensanglantées. L'amour rend aveugle. Je suis bien comme cela. Et tu as l'air d'être bien aussi sous mon emprise. Je sens ton cou gonfler sous ma pression. Je sens ton ventre gigoter sous mes pulsions. Sache que je continuerai jusqu'à ce que tu étouffes d'un délicat gémissement. Tu es si douce. Si chaude. Si bonne. Ma douce Lune. M'aimes-tu? Tu peux le dire. Nous sommes proches à présent. Nous ne sommes qu'un. Comme dans mes rêves. Dis le. Dis le. Ma Lune. Dis le. Tu m'aimes. Je le sais. Je le sens. J'arrive même à sentir ton coeur. Il semble ralentir. Parfois s'accélérer. Tout semble bien. Tout semble bon. Tu aimes cela, mon amour? Je sens la veine de ton cou prête à exploser. C'est ça, l'amour. L'amour, c'est le sang. L'amour, c'est nous.

L'amour, c'est le sang.
L'amour, c'est ce temps.
Que nous vivons tout deux.
Ton visage est si bleu...

Le temps s'accélère intensément.
Sur le rythme de mes sentiments.
Mon doigt, en toi, s'épanouit.
Sur rythme cardiaque inouï.

-Je t'aime Sélène.

L'amour, c'est le sang.
Et c'est moi qui le dis en premier. Tu ne sembles plus pouvoir bouger les lèvres. Tu ne sembles pas prête à le dire. Je prend les devants. Nous ne pouvons pas rester ainsi sur des non-dits. Je veux que tout soit clair entre nous. Que tu saches à quel point je pense à toi chaque jour. À quel point j'aime ta présence. Ton parfum. Ton sourire. Tes yeux doux. Je veux que tu saches que je te dois tout. Que je n'ai plus de patience à présent pour te divulguer mon amour. Que je n'aurai jamais pu te tuer, même si l'on devait me l'ordonner encore une fois. Saches que c'est une preuve d'amour que d'avoir refusé ce que l'on m'a ordonné. Oui, Sélène. Ma Lune. Je t'aime. Tu peux me le dire aussi. Je te sens, mouvante de désir et trempée d'un délicat amour pour moi. Je le sais. Je le sens. Mon esprit en est tellement embrumé. Dicte moi que tu m'aimes. Je serai le plus heureux des hommes. Et j'arrêterai tout le mal pour être seul avec toi.

-Elle va bientôt crever pour toi.

*Épisode huit (huit est beau): Le sang est amour - Queen of the Stone Age.

Épisode acht (acht is awful) : "Epitafium"*

Donne-moi juste une raison
Une toute petite sera suffisante
Juste une seconde, nous ne sommes pas brisés mais juste fêlés**

L’azur regarde sans voir, perdu sur la masse difforme du visage face au sien. Est-ce vaine tentative que d’essayer de comprendre le flot tumultueux de tes émotions, passions, envies et pulsions ? La faille s’ouvre en un gouffre béant, l’envie de lui redonner sa confiance l’étreint, d’autant plus quand sa main prend la sienne, douloureuse d’avoir tant frappé. Le pardon s’accorde comme les deux silhouettes abîmées au sol froid devenu lit d’amants qu’ils ne sont pas. Les lèvres s’attirent, se frôlent silencieusement, s’abandonnent, se livrent d’elles-mêmes magnétisées par leurs jumelles, enivrés de leurs souffles mêlés, enivrés de l’odeur du carmin. Baiser en offrande, trêve ou pacte de paix ?

Ou…Baiser mortel, étouffant, insinuant un poison mortel d’un ballet de langues caressantes. Le corps de la Lune se tend, instant affamé d’une morsure profonde de lèvre, baiser scellé de sang Lunaire. Le souffle manque, redevient fil ténu, le palpitant s’affole de manque d’air, les poumons se compriment, les azurs se dilatent, se dispersent dans le néant. Le corps soubresaute, ton poids imprime sa marque, ta main serre le cou gracile sinué d’une carotide agacée de palpitations. Un baiser insuffle la vie, l’amour, le tien insuffle la mort…Baiser cannibale, baiser vampirique, tu aspire chaque souffle ténu de ma vie, broyant ma côte de ton doigt inquisiteur, corps à corps qui n’a que pour extase que celle de la douleur...Du baiser passionné au baiser mortifère, il n’y a qu’un pas et tu viens de le franchir…

A mort, amore, amour…Le corps convulse de douleur, étreintes sauvages apparentées à l’acte de chair. La Lune couche avec la Mort. La blessure offerte comme un ventre la fait gémir de douleur sur le baiser forcé. Il viole son corps d’une torture indéfinissable. La main lâchée tente de le repousser en vain. Les pieds raclent le sol à la recherche d’un appui, en vain. L’heure est donc venue pour elle de s’abandonner, nauséeuse de trop souffrir, au supplice infligée par la Faucheuse au travers de son ami. La main libre tombe mollement au sol, entre en contact avec le froid de l’acier.

L’azur s’illumine d’une étincelle de lucidité et d’espoir. Les doigts furètent la lame de la dague abandonnée, en saisissent le manche, se crispent. Un long cri étouffé s’échappe des lèvres Lunaires dévorées tandis que s’abat l’arme dans le flanc du Tueur à la Rose. Il libère l’emprise du baiser, la lame revient s’enfouir maladroitement dans les chairs de l’amoureux fou, cisaillant plusieurs fois la peau et les muscles de la cuisse alors qu’il se redresse…

Sang pour sang.

Pugilat sanglant, combat d’arène jusqu’à la mort et que le meilleur vive ! Mais sous quel regard d’empereur se joue la scène ? Je suis venue, j’ai vu, je suis vaincue…Pas encore...Sélène tente la fuite, rampe sur le sol d'automne. L’humus odorant du sous-bois taquine le nez aquilin de ses effluves…La nausée se transforme en aigreur à la remontée puissante. Oui, autant vomir, gerber ce mal et s’en remettre. Mais le destin est farceur, et joue de multiples facéties qui colorent la vie ou l’assombrit…A l’instant, tout n’est pas rose, les notes de couleur s’étalent sur une palette infernale, le noir se marie si bien avec le rouge et cette foutue boule interne qui lui tortille les boyaux refuse d’éclater en une gerbe magnifique au sol…

La main frappe la terre, l’azur se pose sur sa jument, les carmines ensanglantées échappent plusieurs claquements de langue. Nestrecha s’ébroue, se meut doucement vers elle… Revenons quelques instants auparavant, quand la Lune est allée caresser le flanc de sa monture…ce qui a échappé au regard de Stradivarius, est cette senestre venue délier les rênes. Pas folle la mercenaire, elle sait qu’en cas de danger, la fuite peut être salutaire. Savoir prévoir le plus de solutions possibles est signe d’une vie plus longue qu’elle ne devrait… Pour l’heure, la main ensanglantée et tremblante se tend sur la bride, tire dessus doucement, murmure intimant à la bête de s’abaisser…Tenter de se hisser et fuir..

* huit est affreux. Epitaphe. Artrosis.
** Give me a reason. Pink.

Épisode acht (you'll love it or hate it...): "New born"*

Tu ne m'aimes pas?
Ne ressens-tu pas la même chose que moi? Ne ressens-tu pas la même émotion que moi? Ne partages-tu pas les mêmes émotions, le même désir, la même attirance? Pourtant, tu n'as pas rechigné à accepter mes lèvres lorsque je les ai porté aux tiennes. De ce mariage, tu n'étais pas contre. Comme si tu le désirais tout autant que moi. Et à présent, tu changes littéralement de couleur. Tu vires du rouge au bleu. De l'argent au noir. N'apprécies-tu pas comment j'embrasse? Pourtant, je ne me sens pas si mauvais que ça dans l'art même du baiser. Je ne ressens pas de gêne venant de ma personne. Je ne comprend pas pourquoi tu gigotes ainsi. Pourquoi tu changes ainsi. Tu semblais partante. Tu semblais d'accord. Et puis, je prend du plaisir à tenter de te donner du plaisir. Je te touche comme jamais je n'ai touché une femme. Je sens l'orgasme monter en moi. Mais je ne te sens plus. Tu es froide. Tu sembles désirer me repousser. Les petits cris ne sont pas ceux qui j'espère entendre. Peut-être suis-je réellement en train de t'empoisonner. De te faire du mal. Peut-être que c'est l'étreinte de la mort qui te refroidis. Je comprend. Elle est glaciale et austère. Elle n'est pas douce dans sa manière, dans sa façon d'être. Elle peut être un peu animale et fourbe. Et, dans son baiser, peut remplir ton esprit d'une noirceur sans pareil. Je comprend donc que tu puisses avoir peur, avoir mal. Pourtant, j'essaie de donner le meilleur de moi-même. J'essaie vraiment de te montrer ce que je ressens pour toi, depuis le premier jour. Tu as toujours su reconnaître qui j'étais. Même lorsque tu voulais connaître mon âge, tu as su tourner de telle façon que je ne pouvais rien te faire. Alors que je venais quelques instants auparavant de couper les boules d'un homme qui souhaitait le connaître. J'aurai pu te tuer à cet instant. Mais ton sourire, ton assurance, ton éloquence t'ont sauvé la vie. T'ont sauvé la mise. Je ne peux décemment pas te crever aujourd'hui, comme ça, dans un milieu sombre et nauséeux. En pleine nature. Non, tu mérites mieux que ça. Tu mérites mon amour. Mais tu me rejètes. Je ne comprend pas.

-Elle convulse de bonheur. Ne réfléchis pas. Agis.

Relie le monde.
Relie-le à toi-même. Étire le comme un souffle de naissance. L'amour que tu caches. L'amertume à l'intérieur. Tout cela grandit comme un nouveau-né. Quand tu as vu, trop vu, trop jeune. Le manque d'âme est partout. Je me sens renaître de mes cendres lorsque je suis avec toi. Et en cet instant où nos coeurs s'entremêlent dans une danse magnifique, une valse des cygnes, je me sens comme un nouvel homme. Comme une renaissance. Comme si toute la noirceur s'en était allée. Comme si elle ne reviendrait pas. Je me sens comme un écu neuf. Toi, tu sembles prendre cela comme une danse macabre. Non, ma Lune, je ne te tuerai pas. Mon doigt, en toi, ne fais que mouvoir pour t'offrir l'extase. J'offre habituellement la mort, mais à toi, j'offrirai le ciel. Le septième. La septième mélodie. Je peux te faire voler. Te faire grandir prêt d'un astre encore plus flamboyant que l'amour que tu eusses pu connaître auparavant. Te faire tout oublier. Te faire revivre. Mourir pour mieux vivre. Tu n'en as vraiment pas conscience. Tu sembles vouloir m'échapper. Tu sembles farfouiller autour de toi pour trouver une échappatoire. Je m'en fous. Je continue. Tu apprendras à aimer ce que je t'offre. Je te l'offre de bon coeur. Je m'abreuve de ton sang, de ta force, de ta fougue. Ton sang dans ma bouche m'octroie un fantasme résolu. Je le sens, ce sang titillant ma langue avec délicatesse. Ce goût fabuleux fondant dans ma gorge. Coulant au-delà du palais. Grandissant dans le gosier en éclatant d'une richesse merveilleuse. Doux nectar que je prend là à la source même de la Lune. Doux nectar qui me donne l'éternité à t'aimer. Et je le sens, aussi, sur mes doigts mouillés. Je cherche à acquérir ton coeur. Je cherche à le prendre. À l'embellir. Je fouille et refouille pour le trouver. Seulement. Il est trop tard. Tu as trouvé ma faille. Tu m'as rejeté. Tu m'as renié. J'ai mal. Je souffre. Je suffoque. Mon flanc est tiraillé par une atroce douleur. Plus puissance et plus fourbe encore que ce que mon nez détruit me fait ressentir. Puis, je ressens la même atrocité dans ma cuisse. Multiples coups donnés. La défaite. Je me rend. Je me refroidis. Je sens perdu. Je n'ai plus cet extase. Je ne ressens plus ce qui était en moi il y a quelques instants encore. J'ai juste mal. Je tombe à terre.

-Garce! Je la veux, elle! Pas toi! Continue! Vois ce qu'elle t'a fait! Poursuis! Achève! Tue!

Le temps à errer sans espoir.
La distance à chez toi. Tout cela ne mène nulle part. Peu importe ta valeur, tu ne reviendras plus jamais sur terre. Tu es prête à exploser. Tu enfles, comme une baudruche, parce que... Parce que tu as vu. Tu as trop vu. Le monde est sans âme. Tout comme moi. Tu me rends ce que je suis réellement. Tu me retrouves comme le monstre que je suis. Cette douleur, cette impuissance me gagne et me rend plus fort. Je ne suis pas normal. Je suis un associé du démon. De la mort. Je ne suis pas humain. Je ne me sens pas comme tel. Ne joue pas trop à cela avec moi. Tu pourras perdre. Et je ris. Contre cette terre molle, fraîche et humide. Je ris. D'un rire résonnant dans les bois. Rebondissant de tronc en tronc. Flirtant avec les ténèbres et les feuilles mourantes. L'humus cumule les larmes. Et je ris. Je ris. Peut-être trop. Mais je me sens renaître. D'un coup de lame, je suis à nouveau moi-même. Ou pire qu'auparavant. Tu es tellement douce, ma Lune. Tu sais comment prendre les hommes. Comment me prendre. Moi. Oui, tu es excellente. Pourquoi fuis-tu? Tu n'as plus de force. Tu n'as plus de splendeur. Tu déprimes. Monotonie existentielle. Scrute mon sourire. Il est pour toi. Vois-tu mes dents sublimées de ton sang? Je m'en abreuve encore de mon esprit. Si délicat. Si prolifique. Il doit en rester encore. Tu es une source. Ma muse.

-Détruis la faible.

Montre moi que c'est réel.
Nous perdrons notre dernière chance de nous en sortir. Brise juste le silence. Car je suis en dérive, loin de toi. Rapproche-toi de moi. Ne cherche pas à m'abandonner. Mon amour. Je ne te veux aucun mal. Pourquoi le prend-tu mal? Je voulais t'aider. T'aimer. Te chérir pour l'éternité. Et, maintenant, je suis à terre. Et je ris. Encore. Je te vois si proche de ton destrier. Essaie juste de te hisser. Essaie juste, pour voir. Non, tu as raison. Si je m'approche. Tu n'existeras plus. Vas-y! Pars! Pars! Pars! Fuis! Je suis fou! Je vais te détruire! Ne plus te voir exister! Je pleurerais sur ta tombe! Non, tu n'auras pas de tombe. Tu reposeras sous terre parmi tant d'ossements déjà. Mais je pleurerais tout de même. Ma tête me fait souffrir. Mes plaies aussi. Je me sens exploser. Je me sens dérailler. Tu es si loin de moi, maintenant. Je plane. Je perd tout. Rapproche toi. Par pitié. Reviens vers moi. Tu ne peux pas me laisser. Ma Lune. Je ne peux te laisser. Je t'aime. D'un amour puissant. D'un amour un peu sauvage. Je regarde mes doigts. Qu'y vois-je? Toi. Ton sang. Je les porte à mes lèvres. Je les lèche. Que c'est délicieux. Que c'est fantastique. Tu vois ce que je ressens pour toi? C'est une renaissance à chaque fois que je te goute. Ne faisons pas de grumeaux. Pardonne moi, et rapproche toi. Que je puisse t'étreindre. T'éteindre. Non! T'étreindre. Simplement. Sûrement. T'étouffer. T'étoffer. Amour, amor. Ah! Mort!

-Tu n'as qu'une chance. Va vers elle.

Les feuilles morts sont devant mes yeux.
Et plus loin, ton corps. Face à ton destrier. Tu veux vraiment t'en aller et me laisser là, seul, sous la brise glaciale de la bise mortelle que m'infligera sans manquer la faucheuse qui me sourit. Triste sort. Ce n'est pas gage d'amour. Je te comprend. J'essaie, moi aussi, de me hisser sur mes jambes. La douleur de la veille n'y aidant déjà pas. La douleur d'aujourd'hui ne m'offre pas la possibilité. Tu as de l'avance. Tu gagnes du terrain. Je suis juste derrière toi. Mais je n'avance pas vite. Je me traîne au sol. Ma cuisse m'alerte. La plaie s'agrandit. Mon muscle est tétanisé. Je sens chaque parcelle de peau se craqueler. Je sens le sang s'écouler sur le sol à chaque mouvement que je fais. Je sens que ma force me perd. Que ma force me quitte. Je crois que je n'y arriverai pas. Je crois que je suis bloqué ici. Non. Pour toi, je soulèverai des montagnes. C'est ma renaissance, aujourd'hui. C'est un nouveau moi. N'ai pas peur. Je suis là. Je me rapproche. Je vais t'aider à monter sur ton cheval. Je vais l'aider à te porter. Tu fuiras la mort. Peut-être pourras-tu me sourire à nouveau, un jour. Un jour. Peut-être. Jamais. Sans doute. Mes coudes frappent la terre. Je me glisse tant bien que mal. Je n'ai pas de vitesse. Je m'approche tranquillement. Je te vois. Tu es presque debout. Tu es presque à toucher au but. Je suis encore trop loin. Pourquoi m'as-tu fais cela? Je ne comprend pas. Je ne comprend rien.

-Encore un peu. Et tu pourras la gouter à nouveau.

Oui, encore un peu.
Attend-moi, mon amour. Je suis à portée de toi. Je m'agrippe à ta botte. Tu sens? Là? Que je te touche? N'aie crainte. Ce n'est que moi. Ton ami. Ton amour. Nous avons partagé tellement de choses ensemble. Tu ne peux pas me répudier de la sorte.

-Elle est à toi! Vas-y!

Oui, encore un peu.
Tu es à moi. Tu crois vraiment que je vais te laisser partir? Tu crois vraiment que j'aurai enduré tout cela pour te perdre à jamais? Ne jamais jamais voir ton visage? Plutôt crever. À toi de crever. Si je ne peux t'avoir, personne ne t'aura. Je me hisse sur mes genoux. Je sens que je vais bientôt perdre ma jambe. Mais je suis convaincu que je dois te retenir. Tu ne me laisseras pas. Sens ma main s'emparer de ta hanche, y prendre appuie. Sens ma colère s'emparer à nouveau de ton corps. Sens la souffrance que j'endure par ce poing que je porte à ton dos. Oui, ton dos. Ce n'est pas glorieux.

-Détruis là! Vas-y!

On en est plus très loin.
Je te vois. Maintenant. Comme une frêle chose. Impuissante. Tu es à deux doigt de la fin et je continue, encore et encore à te faire supporter cela. Non, mon amour. Ma Lune. Pourquoi suis-je ainsi? Pourquoi dois-tu souffrir de mes pulsions, de ma folie? Je ne puis continuer, je ne puis poursuivre. Sauve-toi. Pars. Loin de moi. Laisse-moi crever, seul. Je m'épuise. Je sens que tout m'abandonne. Que ma vie se sauve. Je te caresserai bien une dernière fois. Je porterai bien des mots chaleureux à ton encontre. Je n'en ai pas la force. Je suis épuisé. J'ai froid. La mort me retient à un fil. Un fil qui se dénude de plus en plus.Je t'aime. Sélène. Je t'aime...

-Putain! Saigne-là! Vite!

Renaissance.
Et comme un impact au cerveau. Je m'évanouis sous un choc. Je tombe à terre. M'écrase au sol. L'humus recouvrant à présent mes lèvres. Je perd connaissance. J'ai froid. J'ai mal. Je souffre. Ce n'est qu'une chose bien méritée. Je n'ai que ce que je mérite. Je n'aurai pas du succomber à mes démons. Je n'aurai pas du te faire souffrir. Non. Je mérite la mort. Elle pourra enfin venir me chercher. Me trouver. M'emporter sur cette barque de bois noire sur le fleuve glacée du Styx où des millions d'âmes se percutent à jamais, pour l'éternité. J'ai assez joué. Le jouet de la mort. Hadès me sourira. Mais me renverra à mon triste sort. N'ayez aucune pitié pour moi. Je ne suis rien. Rien d'important. Qu'une vermine. Qu'une misère. Qu'une absolue cruauté en ce monde. Qu'une merde horrifiante. Je ne mérite aucun regard. Mis à part toi, ma Lune. Personne ne m'a jamais vu. Personne n'a jamais porté le regard sur ma personne. J'ai toujours été anonyme. On ne connaît même pas mon vrai nom. Toi même tu ne le connais pas. Je ne crois pas te l'avoir dit. Ni mon âge. Mais tu connais plus de choses qu'aucun autre. Tu es vraiment mon étoile. Je te veux filante. Loin de moi. Je dépéris. Je me sens me quitter.

Dans un souffle dernier.
Je puis te glisser un mot.
Sache que je t'ai toujours aimé.
Et qu'entre nous, ç'aurait pu être beau.

-Sélène... ne m'oublie pas... ne me laisse pas... seul...

Comme une renaissance qui aura échouée.
Je m'écrase. Je ferme l'oeil. Je t'ai regardé une dernière fois. La dernière image malsaine que j'aurai de moi à ton égard. Je t'ai fait tant de mal. Tu ne pourras jamais me pardonner. Laisse-moi ainsi, et je ne causerai plus de mal. Je te le promet. Si tu m'emportes, ça recommencera. Sois certaine de cela.
Mais où que j'aille. J'emporterai ton sourire avec moi.
Je dirai à la mort d'aller se faire foutre. Tu continueras à vivre. Tu le mérites. Tu as déjà survécu. C'est un exploit. Mon héroïne. Je m'excuse. À jamais, je m'excuse. Je n'aurai pas du. Je n'écouterai plus. Je pars.

-Puisse-tu me pardonner...

*Épisode huit (tu aimeras ou détesteras...): Renaissance - Muse.

Épisode neuvième: "About a demon"*

C'est une conversation permanente.
C'est une discussion quotidienne que je partage avec lui. Lui? Mon démon à moi. Celui que je nomme, injustement, Belzébuth, comme dans la mythologie païenne. Celui que je surnomme aussi ma Douce Mort, ou Dolce Morte, suivant les accents que je souhaite y mettre. C'est depuis mes treize ans que ce second être s'est imprégné dans mon esprit, qu'il hante mes jours et mes nuits et exige que je fasse l'impensable, l'injuste, l'irréparable. C'est à cause de lui que j'agis de la sorte, que je suis ainsi, que je me forge une carapace imprenable, consolidée de mots affreux et d'ordres indélicats. Je bute des gens. Pas par plaisir, enfin si, maintenant par plaisir aussi. Mais c'est pour lui que je fais tout ça. C'est pour le faire taire, lui donner ce qu'il cherche et continuer à vivoter ci et là comme je l'entend. J'exécute mes contrats, il me fout la paix. Il est vrai, cependant, que des fois mes pulsions n'ont pas besoin de lui pour intervenir. J'apprécie aussi étriper, ensanglanter, faire déglutir le fer d'une bouche inamicale. J'y ai prit goût, j'y suis habitué, ça fait parti de moi, de mes sens, ça me chatouille de toutes parts. Actuellement, lorsque j'embroche une âme et l'envoie paître par delà le Styx, j'arbore une bosse particulière, placée un peu en dessous de la ceinture. Je suis fou. Un monstre. Je m'en contente, au moins je ne suis pas comme tout les autres. Je n'ai pas une vie banale. Pas une vie aisée non plus. Je dois renoncer à beaucoup pour pouvoir vivre convenablement. Sans penser aux autres. Enfin, ça, c'était avant de la rencontrer. Même si, grâce à elle, il s'éloigne. Il reste là à commander mes sens.
Nous nous amusons toujours à deux.

-On s'fait chier aujourd'hui...

-Non, pas trop. Je me prépare pour voir Njut!

-L'autre catin? Sérieusement, elle ne te mérite pas.

-Jaloux.

-Ta mère, ouais.

-Parle pas d'elle comme ça!

-Tu veux savoir comment elle gueule en Enfer?

-Enfoiré, t'amuses pas de ça

-Tu veux pas plutôt t'éclater à buter un clodo dans la rue?

Oui, bon.
Parfois les conversations ne sont pas des plus intéressantes. Elles peuvent être farfelues. Sans queue ni tête. Sans réel intérêt. Des fois, il me fait chier. Des fois, il me fait rire. Des fois, il me fait peur. Mais là, c'est lui qui se fait chier. Il n'apprécie pas réellement que je passe le plus clair de mon temps avec elle, m'éloignant de mon précieux but dans la vie. Si je devais l'écouter, je devrais écouter la vie de nombreuses personnes, continuellement. J'ai autres choses à foutre aujourd'hui. Il ne se rend pas compte que c'est compliqué, parfois, pour moi. Je dois sans cesse me trouver une nouvelle identité, être discret dans les villes dans lesquelles je me rend. Je dois éviter les contacts, les amitiés, l'amour. J'en ai marre d'être invisible, de n'être rien pour quiconque. Je sens que je vais finir par péter un cable. Mais pas autant que parfois, lorsque je m'amuse à jouer à la corde à sauter avec les boyaux d'un misérable. Ça, c'était dans ma fougue jeunesse. Je suis toujours jeune, c'est sûr. Ne me demandez pas mon âge, d'ailleurs, vous en subiriez les conséquences, avec ou sans les décisions de ma Douce Mort. J'vous découperai une partie de votre anatomie à ma guise. Je l'ai déjà fait par le passé, surtout lorsque j'étais à peine adulte et où on m'annonçait que j'étais trop jeune pour participer à telle ou telle chose. Pourritures, on ne joue pas avec ma corde sensible, mon âme, ma ferveur! Espèces d'empaffés. Je suis seul juge de ma vieillesse, de ma force, de ma participation à telle ou telle chose.

-Ouais, enfin. Quand t'as voulu rentrer dans ce bordel pour faire mumuse avec une ribaude et que tu t'es fait recaler par ton âge, j'me suis bien marré.

-Ta gueule. C'était pas pour ça, c'était juste que...

-Ouais, parce que t'avais la gueule d'un puceau sans argent et que la silhouette délicate de ton entrejambe était juste rigolo à voir!

-Mais putain! Sérieusement! Tu peux te la fermer, toi, t'es juste une partie de mon imagination, tu peux rien faire!

-Ah si! Je m'amuse bien avec des cadavres de poulets et de truites faisandées!

-Où?!

-Dans ton esprit!

-T'es sale...

-C'est ton esprit, hen, pas l'miens.

-...

C'est totalement faux.
Je ne m'amuse pas à penser à un poulet que je pourrai éventuellement faire grâce de... C'est juste abominable, j'suis pas de ce genre là! Quant à ce qu'il dit sur les bordels, faut pas l'écouter, il divague.

-Vague.

Vieux con.
Bref. Ce n'est pas toujours simple de paraître normal, joyeux, euphorique, crédible lorsque l'on est hanté par un crevard pareil et...

-C'toi l'crevard

Et...
Je dois avouer que parfois, souvent, j'aurai préféré ne pas être de ce monde plutôt que de flirter avec l'esprit insolent d'un démon qui ne me fait faire que des conneries. J'ai longtemps cherché une possibilité de m'en séparer, de le faire partir. J'ai songé aux potions médicamenteuses, mais rien. J'ai alors plongé dans l'alcool, comme une loque, une épave, un détritus. Mais rien. J'ai même terminé au même stade que les clodos que je butais. Je butais aussi des rats, pour les bouffer. Pas pour les enfiler, je vous arrête de suite! Vous êtes dégueux, sérieux. Bref, j'ai même songé à l'exorcisme, mais alors là, si je me lance là-dedans, je vais terminé grillé. Comme une brochette de rat laissée trop longtemps sur le feu. Le soucis, c'est qu'il s'accroche durement, péniblement à moi. Il n'y a que l'amour que je porte pour cette femme qui le fait taire de temps en temps, mais je crains qu'il ne jaillisse de plus belle m'ordonnant de lui faire du mal. Je crains ça comme jamais car il est tellement virulent, il me rend tellement fou lorsqu'il est énervé que je ne peux faire autrement que de lui obéir pour me libérer d'un poids. C'est qu'il est lourd, ce con. Vraiment très lourd. Je ne souhaite à personne de vivre ce que je vis actuellement. J'ai vraiment l'impression d'être un monstre repoussant.

-T'es un monstre. T'es repoussant. T'es laid.

-Tu vas te taire?! Oui?! Je suis en train de raconter une histoire.

-Tout le monde s'en branle. Moi le premier.

-N'écoute pas, alors.

-Je te signale que ça résonne dans ta boîte crânienne, donc, j'entend tout.

-Dors.

-Je t'y verrais bien, à ma place! Impossible avec tes jérémiades et tes conneries vociférées.

-T'es irrécupérable.

Je me souviens d'une époque.
Il était infect. Encore plus qu'actuellement. Il y avait ce gentil garçon, tout petit, tout mignon, tout chétif. Le genre de gars qui n'a rien demandé à personne et qui ne cherche pas la merde. Et bien, juste parce qu'il avait une sale gueule, alors que c'est pas vrai, l'autre con s'est réveillé et à brusquement ordonné que je l'éventre juste pour savoir ce qu'il avait dans le ventre. Paraît qu'il voulait aussi voir ce qu'un être comme ça pouvait avoir dans le cerveau. Franchement, je n'avais aucune raison de faire ça. J'avais pas envie, du tout. Pauvre gosse. J'ai donc vaqué à mes occupations, cherché à m'éloigner de cette tentation. Enfin, ce n'était pas du tout une tentation, mais ça risquait d'en devenir une, malheureusement. Je me suis donc enfilé plusieurs godets. Et lui, de continuer de plus belle en m'expliquant que nous allons réellement nous amuser, que ce sera si simple, si beau d'enlever la vie à l'innocence même. Ce serait un doigt d'honneur au Très Haut. J'en ai rien à carrer du Très Haut, franchement. Il peut faire ce qu'il veut ce gars à la barbe blanche, j'ai pas besoin de lui faire un doigt d'honneur. Bref, malgré lui avoir dit d'aller se mettre un doigt au... où je pense, il a poursuivit en allant plus fort. Dans ces cas là, j'ai une affreuse migraine qui s'amplifie. Je ne peux plus penser, je ne peux plus agir. Je reste là comme une affreuse merde à me soutenir le crâne, à devoir supporter jusqu'à ne plus pouvoir. Et là, j'explose. Les yeux révulsés, blancs, j'entre dans une rage folle, envoie tout valser sur mon passage. Je n'arrive pas à me faire discret. Et lorsque je sors, je me met en quête de ma proie. Je l'ai vu, le gamin. Mais je ne pouvais rien faire pour lui épargner la mort. Je l'ai donc soulevé d'une main à son cou, contre un mur. Je lui ai ouvert le ventre. Je me suis approché pour laisser apprécier son spectacle à mon démon. Il riait, lui. Mon mal au crâne diminuait, mais il était trop tard. Il fallait, en plus, qu'avec mon épée je lui découpe son crâne pour laisser apparaître le cerveau. Le soucis, c'est que quand on fait ça avec une épée, on est un peu trop bourrin, donc le cerveau ne ressemble plus qu'à de la bouilli. Après cela, il a encore fallu que je me cache, que je me barre de là, que je me fasse discret et que je m'invente une nouvelle vie. Encore une.

-Ah ouais! Je me souviens de cette histoire là. C'était super amusant!

-Il faudrait que je songe à te trouver une copine ou t'acheter des livres pour te divertir.

-Non, non. Ça c'était plutôt sympa à regarder! Ça giclait de partout, le gosse avait rien compris!

-Le pauvre...

-T'es vraiment un rabat-joie!

-T'aurai du t'insérer dans un autre cerveau, en ce cas.

-Ouais, non, le tiens est confortable, en plus, y'a de la place! C'est super! J'ai même une piscine!

-T'es vraiment incroyable...

-Je sais, je sais! On me le dit souvent!

-Qui?!

-Toi.

Enfin, voilà.
Avoir un truc comme ça dans son cerveau, ça aide pas trop dans la vie de tout les jours.
C'est un lourd fardeau à se trimballer.
Un affreux connard.

-Et même que, des fois, ze vomis!

*À propos d'un démon

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