"Voilà maintenant cent soixante deux ans que nos pères, nos mères, donnèrent naissance sur ce continent de terres et d'acier à une jeune et belle nation. Plus d'un siècle de paix, de prospérité, dont vous êtes les dignes héritiers. Un siècle de quiétude et de mérite que nos alliés d'antan ont maintenant pour ambition de venir nous ôter. Alors, jeunes, mais aussi anciens et valeureux héros de nos heures passées, je vous le dis, le moment est venu de défendre l'héritage de nos ainés. Nous sommes réunis sur un grand champ de bataille de cette guerre. Un champ de bataille où sommeille...

- Psst.

- ...

- Psst !

- Chut !

- Tu crois qu'il en a encore pour longtemps ?

- Aucune idée, qu'est-ce que ça peut faire ? Pressé d'embrasser la ferraille ?

-  Certainement pas. Je piquerai du nez bien avant le premier coup de trompe. Pas toi ?

- Non, maintenant silence !

"... Nous consacrerons tous nos efforts à défendre ces terres, nos terres, contre ce nouvel âge de ténèbres. Mais, dans un sens plus large, nous ne pouvons dédier, nous ne pouvons consacrer, nous ne pouvons sanctifier ce sol..."

- Ça fait combien de temps que t'es dans le milieu ?

- ...

- Hé !

-La ferme ou tu vas gicler.

- J'ai connu pire.

- Tant mieux, silence !

- Non mais sérieux, combien de temps ?

- Tu vas me foutre la paix si je réponds ?

- Seulement si j'aime bien la réponse.

- Cinq mois.

- Cinq mois seulement ?

- ...

- Hé !

- Tu vas la fermer ta gueule, merde ?!

- Oh vous allez la fermer, vous deux ? On se tait ou on nous fout en première ligne.

- C'est lui qui...

- "C'est lui qui, c'est lui qui..." Vous avez quel âge ? Fermez-la, c'est tout.

- D'acc...

- J'ai dit, silence !

"Les braves, vivants et morts, qui se battirent ici le consacrèrent bien au-delà de notre faible pouvoir de magnifier ou de minimiser. Le monde ne sera guère attentif à nos paroles, ni ne s'en souviendra longtemps, mais jamais il ne pourra oublier ce qui fut accompli ici. C'est à nous les vivants de nous vouer à l'œuvre inachevée que d'autres ont si noblement entreprise..."

- Vibrant, punaise !

- Ça va pas recommencer... 

- J'y peux rien si je m'emmerde. J'ai ces fichues flèches qui me grattent le dos depuis le début de ce sermon. 

- Des flèches ? Qu'est-ce tu fous là ? Ici, c'est les lanciers.

- Je sais, mais je me suis perdu pendant la mise en place. 

- Va derrière, avec les autres.

- T'es fou ou quoi ?

- Chut !

- ...

- ... T'es fou ou quoi ? Si je bouge maintenant, je vais me faire allumer. 

- Pas mon problème.

- Ni le mien en fait. Lance, flèche, des mots tout ça, on a tous une pointe. 

- C'est toi qui vois. Si tu veux crever c'est ton problème après tout.

- Exactement ! Moi c'est Liam, au fait.

- On s'en fout !

- Qui a dit ça ?

- La ferme, corniaud. On va se faire tringler si tu continues à baver. 

- Je crois que tu ne sais pas ce que veut dire le mot "tringler"...

- Juste tais-toi, Tudieu !

- Mais fermez-la, tous ! Vous allez finir devant !

- ...

- ... 

- Psst... Au fait... On se bat contre qui ?

- ...

- Hé !

- Tu le fais exprès ?

- On se bat contre qui ?

- L'ennemi.

- Marrant. En vrai, qui ?

- J'en sais rien, qu'est-ce que ça change ? On va crever dans les premières secondes.

- J'aimerais au moins savoir contre qui je vais filocher.

- Quoi ?

- C'est vrai, quoi. Il y avait besoin de renforts alors je suis venu, mais personne nous a dit contre qui on se frite...

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- C'est quand même mieux de savoir contre qui on se bat ? Rien que pour pas maraver les alliés, d'accord ou pas ?

- J'avais compris !

- Bon, alors tu vois du monde en face ?

- Change de talonnettes.

- Faudrait déjà que j'en ai.

- Alors tire-toi. Va rejoindre ta division !

- T'as écouté ce que j'ai dit tout à l'heure ?

- Mais crénom de... Ferme-là !

- Tu peux au moins me dire que ce tu vois!

- Un barbu mal fagoté, des boules dégarnies et une dizaine de tondus de l'autre côté du champ. 

- Oh.

- Voilà, maintenant silence.

- En vrai, tu crois qu'on a une chance ?

- Tu préfères en faux ?

- Très drôle, on est faits pour s'entendre.

- Non.

- Je pense que si. 

- Moi non.

- Si.

- Va chier.

- Moi c'est Liam au fait !

" ... à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre. Notre pays, nos terres, notre peuple. Aux armes !»

- WOOOOOOOH !

- Oh putain, c'est parti ! Wouhou !

- Enfin !

- CHARGEZ !

- Yeah !

-  Archers, préparez-vous à tirer !

- Oui ! Oui ! Oh oui ! L... Hé ! Poussez pas !

- Dégage toi, tu gênes !

- Hé ho ! On se calme ! Oh ? Tu vas où... j'ai pas ton nom !

- WOOOOOOOOOOH !

- J'ai rien entendu ! Houhouuu ! J'arrive !

- EEEEEETTT COUPEZ !

- Quoi, déjà ?

- Elle est bonne ?

- Parfaite.

- On a fait le pied de grue pendant une heure pour ça ?!

- C'est ça être figurants.

- Ouais, mais quand même.

- VOUS !

- Qui ? Moi ?

- Non, lui ! Le grand plouc avec la lance.

- Moi ?

- Qui d'autre ?

- Une bonne dizaine si vous voulez mon avis.

- Fermez-la ! On vous a assez entendu comme ça !

- Mais c'était pas moi ! C'est ce type qui... 

- Je m'en fiche ! Dégagez ! On entendait que vos jérémiades, vous avez cochonné toute la piste audio.

- Puisque je vous dis que...

- Je me fous de vos excuses, remettez vos tripes et vos jambons à la costumière et décarrez.

- Dites, vous avez un problème avec tout ce qui touche au cochonnet vous.

- Vous voulez prendre la porte aussi, vous ?

- Pas si vous tenez à votre poste. 

- Qu'est-ce que ça veut dire exactem...

- Liam ! Qu'est-ce que tu bavottes ici ?

- Hé merde, regardez ce que vous avez fait vieux clochard !

- Vieux cloch... Ah, Monsieur ! J'étais en train de m'occuper d'évacuer ces deux gêneurs, quand...

- Mon neveu est un gêneur à vos yeux ?

- Qu... Quoi c'est votre neveu ?

- J'y crois pas, cet acteur a un frère ?

- Oui, ce truc ou ce "quoi" comme vous dites est mon neveu. Cela vous pose-t-il un problème ?

- P-pas du tout. Je...

- Ah bah si. Vous comptiez me faire prendre la porte. Assumez maintenant, vieux crado.

- Liam ! C'est comme ainsi que ton père t'élève ?!

- Tu n'as pas idée.

- Je suis désolé, Monsieur. Si j'avais su que votre neveu était...

- Je ne le savais pas non plus.

- Ah.

- Euh... Du coup, je suis toujours viré moi ou... ?

- Vous êtes pas gêné vous ! Dégagez, j'ai dit !

- Ah non, lui il reste. 

- Ce n'est pas à vous d'en décider !

- Hem...

- Enfin, je veux dire... qu'on peut facilement trouver un remplaçant qui lui, sait se taire. 

- Mais c'est pas vrai ! J'arrête pas d'essayer de vous dire que je n'y suis pour rien !

- Vous direz ça à la compta ! 

- Je pense Martin, que ce jeune homme va rester un peu plus longtemps. En fait, il va même rester toute la journée.

- Mais Monsieur....

- Si mon neveu a décidé que son ami restait, je ne vois pas d'objection à ce qu'il en soit ainsi. 

- Les perchistes et ingénieurs du son émettent une opinion bien différente. 

- En ce cas, la solution est toute trouvée. 

- Ravi de voir que nous en venons à la même conclusion, maintenant... 

- Vous savez crier ?

- Pardon ?

- Je ne m'adressais pas à vous, mais à monsieur... quel est votre prénom ?

- Moi ?

- Jusqu'à preuve du contraire.

- C'est Robert !

- Pas du tout, abruti ! Oscar ! Je m'appelle Oscar.

- Très bien. De toute évidence, vous savez crier sur commande.

- Je pense...

- C'est une évidence. Allez dans la loge 3, on a besoin d'une nouvelle silhouette pour le brancardier de l'armistice.

- Ah non ! Si je puis me permettre, nous avions déjà saucissonné un nouv...

- Congédiez-le Martin. Oscar me semble bien plus capable. 

- Je ne vois pas comment vous pouvez voir une telle chose chez un individu dont vous ne connaissiez pas même le nom, moins de cinq secondes auparavant. 

- Buriner des atomes crochus avec mon jeune neveu le temps d'un discours me fait relativiser toute forme de difficulté.

- C'est un compliment ?

- Le meilleur que je puisse offrir à quelqu'un !

- Et vous le dégueuler devant votre neveu ?

- Il est habitué.

- Euh...

- Allez, allez, dans la loge 3, Robert !

- C'est Oscar !

- Pareil ! Des noms tout ça. Le mien c'est Liam au fait.

- J'avais compris !

- Loge 3, allez, allez ! Je t'accompagne !

- Oh shit... 

- Qu'est ce que je m'en fous après tout ? En place pour la scène 4bis ou...

- Et Martin.

- QUOI !? 

- ...

- Pardon, je veux dire... que puis-je pour...

- Souriez un peu.

- De quoi ?

- Et détendez-vous un peu. Il fait gris, il fait tiède. Un peu d'allégresse détendrait tellement plus ce tournage de Bretagne.

- J'essaierai. Autre chose... Monsieur ?

- Hum... seulement de raccourcir certaines scènes. Ce discours était vraiment d'un ennui... 

- J'essaierai !

- Fort bien. Je vais me soulager dans ma loge à présent. Prévenez-moi quand tout sera prêt.

- Je n'y manquerai pas... Pfiou...

- ...

- ....

- .... Qu'est-ce que vous regardez tous !? Filochez ou j'en charcute un !