Prologue
Quelques oiseaux étaient en train de piailler, ils se tenaient fièrement sur les barres de fer soutenant le dôme de verre, de leur piédestal, ils surplombaient l’entièreté des quais de la gare. Leurs regards ne manquaient pas une miette du spectacle qui se déroulaient en dessous, des dizaines de voyageurs qui, dès le matin, se pressaient pour prendre leur train. Le vent parvenait à s’engouffrer dans la gare, il y gagnait en puissance, puis soufflait, hurlait, un hurlement strident qui venait entacher la douce mélodie du chant des oiseaux. Parmi tous ces trains à quai, l’un d’entre eux semblait tout droit sorti d’un autre temps, il se trouvait, en effet, bien loin des trains à grande vitesse que nous connaissons aujourd’hui. Il avait une grande cheminée de laquelle s’échappait une vapeur grisâtre. Mais, malgré l’allure dépassée de la locomotive, il y avait déjà bon nombre de passagers à l’intérieur, et bien plus d’une trentaine qui étaient montés à leur tour, mais nous n’avons vu personne en descendre. L’horloge affichait déjà 11h57 et, dans très exactement deux minutes, un sifflement se ferait entendre, et le train partirait en direction de la prochaine gare. Par ailleurs, quelques adolescents se dépêchaient d’adresser un dernier au revoir à leurs familles, mais nulles traces de la jeune Elly Howe. Pourtant, elle aussi, elle était censée prendre ce train. Se serait-elle défilée ?
Non, elle ne s’était pas défilée. Moins d’une minute plus tard, la jeune femme arriva sur le quai en courant, bousculant quelques parents encore présents. Les cheveux bruns de cette femme lui collaient au visage, ils n’étaient pas attachés, et donnaient encore moins l’impression d’avoir été coiffés. Cette petite course n’avait visiblement pas été pour la ravir, bien au contraire, elle laissa échapper un long soupir qui montrait bien tout ce qu’elle pensait en cet instant, du soulagement et de l’énervement. Cependant, elle avait beau ne plus parvenir à respirer correctement, et avoir de monstreux points de côtés qu’elle ne parvenait pas à chasser, sa course n’était pas encore finie : elle devait encore atteindre le train. Elle n’était pas du genre à être en retard, la situation lui paraissait par ailleurs complètement irréaliste, mais sa montre s’était déréglée, et son cadran affichait actuellement 10h38, sans qu’elle n’ait rien touché.
Cette course avait été d’autant plus compliquée qu’elle n’était certainement pas vêtue pour faire un quelconque effort physique, sans pour autant être habillée de manière chic ou luxueuse, bien au contraire. Elle portait un simple jean slim noir, qui ne lui permettait absolument pas de courir, ainsi que d’un sweat à capuche donc la couleur jaune canari contrastait avec celle de son jean. Ce sweat était, par ailleurs, légèrement trop grande pour elle, on le voyait aux manches qui recouvraient ses mains. Et, elle avait, aux pieds, une paire de baskets de ville blanches, tout ce qu’il y avait de plus classique. Contrairement à d’autres voyageurs, qu’ils aient pris ce train ou non, elle n’était pas beaucoup chargée en affaires, et un sac à dos de randonneur avait été amplement suffisant. Il y aurait, de toutes manières, un moyen de laver ses affaires à l’internat, non ? En tous cas, c’était ce qu’elle espérait. Elle ne regrettait cependant absolument pas son choix qui était de prendre le moins d’affaires possible, surtout après cette course contre la montre.
La jeune humaine ne prit même pas quelques instants pour reprendre son souffle et, d’une maine tremblante, à cause de l’effort physique qu’elle venait de faire, elle sortit un papier d’une de ses poches. Elle déplia ce qui n’était d’autre que son billet de train. Dessus la feuille de papier, il n’y avait aucune indication concernant la destination, juste la mention « train internat D. », la gare, ainsi que l’horaire, en soit, un nombre restreint d’informations qui la plongeait dans le flou complet. Il fallait avouer qu’elle avait eu chaud, rater ce train aurait aussi signifier rater sa seconde chance, celle pour elle de recommencer sa vie autre part. Une lettre reçue un jour, alors qu’elle ne s’était inscrite dans aucun établissement, accompagnée d’une bourse d’étude pour une année, et renouvelable sans conditions. Alors qu’elle doutait, ses parents n’avaient pas hésités une seconde avant de l’y pousser, elle savait qu’ils ne se préoccupaient pas réellement de son avenir, ils souhaitaient juste se débarrasser d’elle au moindre coût, mais ça lui allait.
Un sifflement strident résonna dans la gare, celui-là même qui annonçait que le train allait bientôt partir, dernier avertissement pour les retardataires comme Elly. Cette dernière détacha son regard du billet, le rivant sur l’entrée la plus proche et, à l’aide ses dernières forces, elle fit une dernière course jusqu’à celle-ci. Elle se faufila, avec justesse, à l’intérieur du train, avant que les portes ne se vérouillent derrière elle, ce ne fut qu’à cet instant qu’elle reprit sa respiration. Le train qui allait la mener vers son avenir venait de démarrer, elle voyait le paysage de son enfance défiler sous yeux.
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