Chère Lucy,

Il m'est de plus en plus difficile de motiver mes troupes. Le moral n'est pas bon. Ils savent au fond d'eux qu'ils ne vont pas en ressortir vivants et il devient de plus en plus difficile de le leur cacher.

Je sais que bon nombre d'entre eux voudraient déserter car j'ai été de corvée de censure aujourd'hui. Je dis corvée car c'est pour moi un déchirement de lire toutes ces lettres. Certains ont laissé femme et enfants quand d'autres ont dû abandonner leurs parents. J'essairai de remettre leurs courriers à leur famille si cette guerre finit un jour.

Cela me désole de devoir tirer sur nos propres hommes lorsque ceux-ci tentent de s'enfuir. Hier, Jack a dû abattre le soldat Johnson. Je l'aimais bien, c'était un brave garçon.

Je garde la face. Pas le choix.

J'ai été faire un tour d'inspection à l'infirmerie ce matin. Ils ont dû amputer les deux jambes de Lloyd Smith. Tu aurais vu son sourire lorsqu'on lui a anoncé qu'on allait le rapatrier, je crois que je n'ai jamais vu un homme aussi heureux de perdre la moitié de son corps.

Le caporal nous promet chaque jour que des renforts sont en route. J'en arrive à me demander s'il ne nous dit pas ça pour nous faire tenir.

La bouffe est immonde ici et ça ne va pas s'arranger d'après ce que m'a fait comprendre le chef. J'ai dû perdre vingt bons kilos depuis deux ans.

J'espère que tu te portes bien et que la petite Maddy ne te fait pas trop de misères.

   Ton frère, James.