« Ange l’hiver, démon l’été ». Un surnom idiot que je traîne depuis l’école. Foutu collège ; gosses friqués et bibi fauchée, la joie. Maman plaquée, alcolo, qu’amenait ses jules pour relations tarifées, et boutanche de plus si affinités. Je les entendais gémir sur le sofa. Après j’avais droit à une brève ration d’affection maternelle, accueillie par quelques mots d’amour genre vieille pute, salope de merde, passe-moi du fric, genre dévotion filiale quoi.

Je faisais des pipes aux mecs pour avoir de quoi m’acheter des boucles d’oreilles et un brin de makeup. Telle mère telle fille…

C’était pas Zola, ç’aurait pu être pire. Me suis jamais plainte. Même qu’un jour, un tit con, rien dans la tête, tout dans les bras, s’était mis en tête de me séduire, sans savoir qu’il suffisait d’allonger pour que je m’allonge.

L’avait piqué la tire à son père, un bahut tape-à-l’œil et polluant, pour m’inviter à une ballade. L’avait sifflé quelques Bud pour se donner de l’audace, et question audace, j’ai été royalement servie, m’sieurs dames. Dérapage au premier tournant, le monstre encharpé autour d’un rhododendron, Juliette la gueule enfarinée à travers le pare-brise. Quant au Roméo, les tripes en guirlandes, y manquait de souffle pour exprimer sa passion.

Au sortir de l’hosto, j’ai fait mon baluchon, me suis postée à l’entrée de l’autoroute, ma mini-mini top sexy, assurée d’accrocher le premier chevalier blanc à l’armure étincelante, ou à défaut un routard gros et huileux à la main baladeuse. Après moi le Déluge.

Preuve que je suis une fichue sentimentale, j’avais dans mes effets un souvenir de ma première chevauchée romantique à bord d’un char d’assaut : le petit sapin vert du rétroviseur.