Sur les rives du lac
Pendant mes études j’ai eu un crush sur un de mes profs. Appelons le Vincent. C’était à Lyon, dans une école de commerce. Il était prof d’histoire économique. J’adorais ses cours. Je savais qu’il m’appréciait en tant qu’élève. J’étais assidue, je participais et j’avais des bonnes notes. Et puis…, j’avais un beau cul aussi. Parfois, je me surprenais à le fixer pendant qu’il parlait. Ses yeux bleus, ses mains qui commentaient ses paroles pour leur donner un supplément de sens. Je regardais sa bouche s’ouvrir pour délivrer toutes ses paroles. Je trouvais ses lèvres sensuelles. Il s’arrêtait de parler un instant, et se tournait dans ma direction. Je ne savais trop dire s’il était gêné par l’insistance de ma contemplation ou s’il était dans la séduction. Puis il reprenait et je me disais d’arrêter de fantasmer. J’avais confié à ma coloc, que s’il m’avait donné rendez-vous à la fin des cours, j’aurais pu céder à toutes ses demandes. Elle me dit, t’es folle ou quoi, il a presque 40 ans, c’est un vieux !
- M’en fout, il est si charmant, j’adore son sourire, il me fait craquer.
- Hahah, faut que tu trouves un mec, toi, tu sais !
- Non mais tu sais, je suis pas la seule, l’autre fois, j’ai entendu la prof de marketing parler de lui avec une autre prof dans le couloir : Vincent a beaucoup d’humour, et toujours très avenant je trouve, je me le taperais bien pour découvrir son côté bestial…
- N’importe quoi, elle est nympho cette prof !
Jamais il n’a cherché à provoquer quoi ce soit avec moi. Jamais un mot déplacé, jamais une allusion, pas d’invitation après les cours. Il évitait de rester seul avec moi. Pourtant j’ai eu beaucoup de contacts avec lui, notamment, pour des recherches de stage. J’avais même son mail, et nous échangions sur tout un tas de sujets autour de mes études, ses cours, ou mes stages. Bref, j’étais la groupie type, et ça m’énervait. Lui toujours classe, en chemise, châtain et souriant, svelte avec sa coupe de cheveux bien mise. J’avais son numéro de téléphone, plusieurs fois, je me disais que j’allais l’appeler ou lui envoyer un texto le soir… mais je savais qu’il était marié alors bon.
Une fois mon diplôme en poche, je pars en Italie pour mon premier boulot. J’adore l’Italie, l’accent la bouffe, tout ça… J’habitais donc vers Milan et un jour j’ai un déplacement à Annecy. Je savais qu’il habitait entre Lyon et Annecy. Le soir en mangeant seule dans mon resto, je lui envoie, ma position sur Maps en lui disant que je ne suis pas loin, un peu pour la blague mais honnêtement, c’était plus un prétexte pour qu’on s’écrive, je n’avais aucune idée préconçue, c’était plus un jeu. Je pensais qu’il ne répondrait pas, cela fait un an que j’avais quitté l’école.
Là il me répond qu’on pourrait se voir. Wow, je tombe des nues. Il continue : comme tu as beaucoup roulé déjà, je peux venir jusqu’à toi. Il arrive donc 1h plus tard, j’ai fini mon diner. Je l’attends devant le resto au centre-ville, quartier piéton. On se fait la bise, je suis un peu gênée. Il montre l’étendue du Paquier de l’autre côté de la rue, ce vaste espace vert au bord du lac, et dit : viens on va marcher un peu et tu vas m’expliquer ce que tu es devenue, ça m’intéresse. On traverse et on marche bras dessus bras dessous presque. Il me pose des questions et je lui raconte ma vie. Je ne suis pas obligé de le regarder en face comme on se promène et ça me va. On se promène ainsi, en faisant des tours et des détours, pont des amours, longues allées au bord de l’eau noire. On arrive au casino, toujours illuminé de mille feux. Trop éclairé pour nous. On s’en éloigne en marchant au hasard dans les petites rues. On est sorti de du centre. Je crois qu’on n’est même plus à Annecy. On est rentré dans Annecy le vieux, dit Vincent, avec son grand sourire.
Sorti de nulle part, dans ce quartier paumé, on tombe sur petit un bar isolé. On rentre y’a des drapeaux américains, le serveur avec sa grosse barbe fait un peu motard hipster, il drague mon prof à lui mettre les mains sur les épaules. Je le regarde et je constate qu’il dégage une espère d’aura qui attire à lui aussi bien les hommes que les femmes…
Je souris. On commande à boire et on enchaine quelques verres. Au bout d’une heure, on est joyeux. Je lui propose de sortir nous aérer. Je me sens ivre, ça fait du bien. On marche au bord du lac. On aperçoit les lumières du centre d’Annecy au loin là-bas, dans la baie. Le soir est calme, mais frisquet, on est fin octobre. Les montagnes nous entourent avec protection mais je sens leur fraicheur. On s’arrête sur un banc. Il lève son visage vers moi. Il a l’air un peu déboussolé. Je n’arrive pas à savoir si je me fais un film ou si je sens un truc.
Vincent me dit : tu fais souvent tourner la tête comme ça ? Depuis le début de la soirée, je me sens complètement… enfin… tu te rends compte de ce que tu dégages ?
Je pose ma main sur son dos et le caresse doucement. Il frissonne en disant : Oh, Emma, tu te rends pas compte, j’ai beaucoup de respect pour toi et ce que tu es devenue, mais… comment dire… je suis trop vieux pour toi…
J’ai 25 ans, et lui 40 ans, je le trouve émouvant. Cette différence d’âge ne me dérange pas. D’autant que je ne suis plus étudiante, il n’est plus mon prof, il n’y a aucun rapport de maitre à élève.
- Je m’en fous, Vincent, dis-je, vous me plaisez ainsi.
Je le vouvoie toujours. Je le sens se troubler. Il ne dit plus rien et me fixe intensément. J’ai l’impression de m’enfoncer sous terre, que le lac va nous engloutir. J’ai envie qu’un tremblement de terre nous emporte. Et il m’embrasse. Je peux à peine lui rendre ses baisers tant je tremble de tout mon corps. C’est un tsunami. Celui que j’appelais de mes vœux. Nos bouches se dévorent, comme des carnivores. Ma respiration s’emballe autant que la sienne. Je sens ses mains sur mes épaules, mon ventre, ma poitrine. Je me sens fondre complètement. Si ça ne s’arrête pas on va faire l’amour ici sur ce banc. Je ne contrôle plus rien, je suis prête à tout.
Il fait froid quand même, j’ai un frisson involontaire.
- Oh mais, tu as froid ? je vais te raccompagner.
C’est comme si je venais sortir la tête de l’eau, je regarde autour de moi, un peu déboussolée, je ne sais plus trop où on est… Heureusement la marche nous revigore. Devant le hall de l’hôtel, il me demande : "Emma, tu m’invites à monter avec toi ?"
J’acquiesce timidement de la tête, mais tout mon corps crie Oui, j’ai tellement envie de lui. Je murmure : "Vincent… oui… bien sûr."
Arrivé là-haut, à l’abri entre 4 murs, il m’embrasse en me plaquant contre la porte à peine refermée. Ses baisers sont langoureux, ses mains sont douces sur mon visage. Sa langue est chaude. Ses lèvres moelleuses. Tout est doux. Même la façon dont il me déshabille. Je déboutonne sa chemise bouton par bouton.
Quand je suis nue, je l’attire vers le lit, et me mets face à lui, à 4 pattes. Je ne lui laisse pas le temps de monter dessus, je lui retire son pantalon et découvre son sexe dressé devant moi. Je caresse ses fesses en le contemplant. J’entends sa respiration impatiente. Je le regarde droit dans les yeux. Sa bouche entrouverte est tellement belle. Mes lèvres sont ouvertes devant son sexe. Je le frôle, faisant bouger mon visage de droite à gauche, en saisis le bout. Le lèche doucement. Il halète. Langoureusement, je le fais glisser en moi, au plus que je peux. Je l’entends gémir. Je le suce avec délectation. Il caresse mes cheveux : Oh Emma, tu vas me rendre fou. Il n’en peut plus, il repousse ma tête en arrière. M’embrasse et me fait tomber en arrière sur le lit : Prends-moi, je suis à toi, dis-je.
Je lui dis tu. Je lui offre mon corps. Il n’y a plus de distance entre nous. Il parcourt mon corps. Explore tous mes orifices. Je découvre chaque centimètre carré de sa peau. Nos corps en fusion. La nuit passe si vite. A six heures du matin, quand il me fait un baiser d’au revoir, je me sens fondre encore, et en passant ma main sur sa braguette, je le sens prêt à reprendre. Il fait un effort de volonté pour s’arracher de ma bouche.
Toute la journée j’ai du mal à me concentrer. J’ai réussi à dormir une heure, mais je pense tellement à lui. Mes interlocuteurs pros doivent me trouver bizarre. Heureusement, nous sommes nombreux à ce genre de séminaire. J’ai trop hâte que le soir arrive. Nous nous sommes donné rendez-vous à 18h30.
Il n’a pas beaucoup de temps. Nous nous embrassons comme des morts de faim. Nous sommes dans un parc public. Comme deux adolescents. Je dois rentrer, dit-il, les yeux désespérés. Je suis divorcé désormais, mais j’ai la garde de mes enfants. Je le laisse partir. Avec la promesse de nous revoir.
Deux jours plus tard, en rentrant de mon séminaire, nous nous retrouvons sur une aire d’autoroute. Enfermés dans ma voiture, nous nous sautons dessus à nouveau. Pendant une heure, il me couvre de caresses et ma bouche le fait jouir. Je garde son sperme en bouche pour en avoir le souvenir. J’ai le sens du gout développé et peux reconnaitre avec facilité les différents vins. J’ai le gout de sa jouissance imprégné en ma mémoire sensorielle.
Il me dit qu’il me rappelle. On se rejoint en Italie. Ou ici, n’importe. Tu viens souvent à Annecy, ou à Lyon ? Promesses d’amants désespérés.
Je suis installée depuis des années à Paris, et il ne m’a jamais recontactée. Je le savais mais l’avais regardé parler pour graver son visage dans mon regard. Je l’ai laissé partir car je savais que je gardais son souvenir profondément en moi. Il me suffisait d’invoquer son prénom, Vincent, pour me mettre l’eau à la bouche. Et me remémorer son gout. La texture de son sexe. Son sourire. Son regard humide. Chacun sa madeleine de Proust.
Annotations
Versions