-Rêve-

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 Kini n’ose pas bouger, elle retient son souffle. Comment cette chose est-elle entrée dans sa chambre ? Sans que personne ne s’en rende compte ? Est-ce encore un rêve ? Elle se noie dans les yeux si particuliers de l’alien. Là où le blanc aurait du se trouver, il n'y que du noir. Ses iris et pupilles sont d'un bleu presque astral, mais… elles bougent. Comme se repliant sur elles-même, vers le centre. Kini sursaute quand elle réalise que l’être s’est avancé et se penche sur son lit. Elle bredouille : « Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous voulez ? » Elle n’obtient aucune réponse, à la place, la créature tend doucement sa main vers elle. Ses six doigts légèrement écartés. Sans savoir pourquoi, Kini étend son bras vers celui de son visiteur. Lorsque leurs doigts se touchent, elle reçoit une douce sensation. Un agréable picotement, accompagné d’un chaleur réconfortante. Kini qui était déjà bouleversée par son rêve, se met à haleter. L’alien s’approche encore, faisant glisser ses doigts le long du bras de la militaire. Elle pousse un soupir d’extase et s’allonge sur le dos. Elle se sent si légère, sa tête se vide, et elle frémit lorsqu’elle sent l’extra-terrestre monter sur son lit. Il s’avance, ses genoux touchent ceux de Kini, et la fatigue de la journée précédente s’évapore. Une agréable sensation remonte jusqu’à son bas ventre. L’alien se met à lui caresser le visage, et Kini retient un gémissement de surprise. Elle ouvre les yeux, et découvre l’alien au dessus d’elle, sa bouche entrouverte. Avait-il toujours eu une bouche ? Elle ne sait plus et s’en moque, présentement elle veut l’embrasser. Elle ferme les yeux et se dresse légèrement, elle frissonne en anticipant le baiser, puis sursaute quand sa porte s’ouvre. Un robot entre et déclare : « Cette unité a été envoyée afin de vérifier votre état de santé. Des relevés étranges ont alarmés IAN. » Kini est soudain très embarrassée, elle panique et regarde l’alien, mais ce dernier a disparu. Évanoui sans laisser de trace. Elle se met à frissonner, était-ce une hallucination ? Que lui est-il arrivé ? « Mademoiselle Shika ? Est-ce que tout va bien ? » Elle est soudainement agacée et grogne :

-Oui c’est bon fous-moi la paix ! » La machine réplique :

-Avez-vous besoin de quoi que ce soit ?

-Non, fiche le camp ! » La machine se retourne, laissant Kini seule dans sa chambre. Elle se rallonge, espérant presque que l’alien va revenir, mais après de longues minutes, elle doit bien se rendre à l’évidence, son mystérieux visiteur s’est enfui. Elle a tant de questions… le sommeil l’assomme alors qu’elle se dit qu’il lui faudra vérifier les enregistrements de sa chambre. Une politique de protection de la vie privée interdisait quiconque, hormis IAN, de vérifier les vidéosurveillances des quartiers. Sauf cas de force majeur, validé par l’intelligence artificielle, ou si la personne étant le sujet des transcriptions souhaitait les consulter.

 Le lendemain elle se lève et fait une demande à IAN pour obtenir la surveillance de sa chambre. Elle trouve rapidement le moment où le robot est entré et remonte quelque minutes avant. Elle n’en croit pas ses yeux. Elle se voit seule, mais quand elle regarde de plus près, les draps de son lit se déplacent, comme si quelqu'un d'invisible était là. Elle a un peu honte de le faire, mais elle envoie l’enregistrement à Pearce, en lui indiquant quand et où regarder. Elle lui fait un rapport sur la visite de la chose, s’habille et se rend au réfectoire.

 Plus tard, alors qu’elle mange du bout des lèvres, le directeur de la mission entre comme une furie dans la cantine et se dirige droit vers Kini. Il l’interpelle d’un ton contrit : « Mademoiselle Shika, je peux vous parler un moment ? » Elle se lève, le rejoint dans le couloir et elle n’a pas le temps de lui demander ce qu’il veut, qu’il chuchote furieusement : « Êtes-vous complètement folle ?! » Un peu surprise, elle ne trouve pas quoi répondre, aussi Pearce continue-t-il : « Je vous ai dit que les rapports tomberaient entre les mains de Voidustries n’est-ce pas ? Alors qu’est-ce qu’il vous prend de me faire un rapport officiel selon lequel il y a eu une brèche de sécurité ?! » Kini croise les bras sur sa poitrine :

-Je ne fais que vous dire la vérité. » Pearce réfrène une pulsion avant de rétorquer :

-J’ai vu l’enregistrement de votre prétendu visiteur. Jamais personne n’ira croire qu’une chose pareille a pu se produire ! » Kini s’emporte :

-C’est pourtant ce qu’il s’est passé ! Demandez à Napo et Dina ! » Le directeur soupire :

-Laissez tomber… À l’avenir, pouvez-vous venir me trouver avant de m’envoyer un rapport ? S’il vous plaît ? » Kini n’aime pas cette idée, mais hoche la tête. Pearce souffle avant d’ajouter :

-Je compte sur vous pour vous rendre à l’autre base dans la journée. Nous avons besoin de savoir ce qu’il se passe sur cette foutue planète. » Puis il s’en va sans autre cérémonie. Kini le supporte de moins en moins et retourne terminer son petit déjeuner avec une moue boudeuse.

 Avec son équipe ils revêtent leur scaphandre de combat et se dirigent vers la première base. Ils passent par le relais installé la veille et le trouve éteint, recouvert d’une sorte de lierre rouge. Kini est médusée, les plantes ont poussé si vite. Elle utilise un couteau de combat pour libérer l’appareil, et ce dernier redémarre doucement en rechargeant ses batteries à l'aide d'un panneau solaire. Ils reprennent leur marche et finissent par atteindre leur objectif, l’endroit a des airs de fin du monde. Le bâtiment est infesté de la même espèce végétale qui a paralysé le relais. Il y en a partout, rien n’est épargné. Napo murmure : « Bordel de merde... » Ils tentent de relancer les systèmes, mais le générateur est vide, et tout le circuit électrique est couvert de plantes rouges. Stig affiche une mine troublée :

-À votre avis, c’est arrivé avant, ou après, la panne de la base ? » Napo grogne :

-Quelle différence ? » C’est Kini qui intervient :

-Si ce sont les plantes qui ont causé l’arrêt de la mission, alors ce sont elles le danger. Si ça n’est pas le cas... » Stig termine :

-On a un autre problème sur les bras... » Les lieux sont bien sinistres, silencieux, sombres. L’imagination de Kini s’affole et elle revoit ces vieux films où les créatures attaquent depuis les ténèbres. Elle se remet les idées en place et utilise le relais pour contacter Pearce. Elle lui fait un rapport de la situation et l’administrateur ne cache pas sa déception. Il n’est plus possible de récupérer les données, l’équipe repart. En chemin, Kini aperçoit un extra-terrestre. Leurs regards se croisent et elle se fige, une fois plus happée dans le bleu de ses yeux. Elle s’apprête à demander à ses collègues s’ils voient la même chose qu’elle, mais la créature s’est à nouveau enfuie. Elle peste intérieurement et garde pour elle cette information. Ils finissent par rentrer à la base, aucun incident supplémentaire à signaler. La fin de journée s’écoule paisiblement, durant le dîner Molie Francis, la botaniste rousse, explique qu’elle a dû détruire un échantillon : « Une sorte de lierre rouge. La plante se développait sans terre, eau ou soleil. J’ai à peine eu le temps de l’analyser, mais cette chose croit à grande vitesse. » Kini, Napo et Stig lui font part de leurs observations sur la deuxième base. Le végétal intrigue d’autant plus la botaniste qui pose milles questions aux soldats, incapables de comprendre le tiers de ce qu’elle raconte. Ils finissent de manger, Kini se rend à son bureau où elle épluche la surveillance des alentours de la base. Elle pique du nez sur son travail quand un robot entre dans la pièce et se met à clamer : « Mademoiselle Shika est requise aux quartiers de monsieur Kawhena immédiatement ! Mademoiselle Shika est... » Puis il répète en boucle jusqu’à ce qu’elle percute : Napo ! Elle se lève et part en courant vers la chambre de ce dernier. Quand elle arrive le colosse est dans le couloir, recroquevillé de peur. Elle se rue sur lui et inquiète : « Qu’il y a-t-il ? » Le géant n’ose pas répondre. Un robot s’approche et la voix de IAN explique :

-Tout semble indiquer que monsieur Kawhena a été victime d’une crise de panique. » Napo se décide enfin à parler :

-Il y avait une de ces choses sur moi… Je ne pouvais plus bouger… et quand j’ai enfin pu... » Kini se dirige vers la chambre et entre. L’endroit est vide, évidemment. Elle retourne auprès de Napo et lui murmure :

-Je vous crois. Il faudra vérifier la surveillance de votre chambre pour voir ce qu’il s’est passé. D’accord ? » L’homme reprend peu à peu de sa prestance, cependant il marmonne :

-Je peux dormir avec mon flingue ? » Ce n’est normalement pas autorisé, mais Kini décide de faire une exception en le laissant faire. Napo se dirige vers l’armurerie sans un mot de plus, laissant sa supérieur seule.

Elle va se coucher en se posant des tas de questions. Elle remue sans cesse dans son lit, pourquoi Napo a-t-il eu peur des extra-terrestres ? Sont-ils mauvais ? Le sien va-t-il revenir lui rendre visite ? En a-t-elle envie ? À cette pensée, sa main glisse dans sa culotte, sur sa fente. Elle est humide et devient tout à coup très embarrassée… Elle se relève, se passe sous un douche froide et retourne ensuite dans son lit. Furieuse contre elle-même, elle se roule dans ses couvertures et s’assoupit.

Elle survole la jungle rouge et blanche, elle ignore comment, mais elle connaît le chemin. Plus loin il y a une barrière rocheuse claire. Entre deux pans escarpés, il y a un passage étroit, puis derrière se cache une vallée, au creux de laquelle se trouve un temple. Une sorte de pyramide aux parois lisses. Un ziggourat en pierre sombre, couvert de végétaux carmins. À l’entrée, deux aliens bleus l’attendent. Quand ils la voient arriver, ils se caressent. Peau translucide contre peau translucide. Chair bleu contre chair bleu. Ils s’embrassent, ondulent ensemble et finissent par fusionner. À leur place apparaît alors un seul être, similaire aux premiers. Il est cependant plus massif, et possède quatre bras. La porte du temple s’ouvre et il l’invite à pénétrer à l’intérieur.

Son réveil la projette dans son lit, elle garde un souvenir vif de son rêve. Presque comme si elle s’était véritablement rendue dans ce lieu. Lorsqu’elle ferme les yeux, le chemin y menant lui est encore connu. Un soudain désir de s’y rendre la traverse, et elle reste allongée sur son lit, se forçant à le refréner.

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