Treizième chapitre : Maureen

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C'est par un beau midi de printemps que Mickaël m'a annoncé sa venue, pour la semaine de Spring Bank. Il veut me présenter Maureen. Je dois garder le secret, vis-à-vis d'Ingrid, Henry et Véra. J'aime bien cette petite connivence avec mon petit-fils. Bien entendu, je ne dirai rien. Je suis vraiment curieuse de faire la connaissance de cette jeune femme. Ces derniers temps, j'ai senti Mickaël plus mûr, plus adulte. Son expérience avec Betty lui a servi, du moins, je l'espère. Et il prend vraiment de l'assurance sur le plan professionnel. Depuis le début de l'année, Harris a pris un apprenti. C'est à Mickaël de le former. C'est la première fois qu'il a à jouer un tel rôle. Cela montre la confiance que lui accorde son patron.

Je comprends très vite que Mickaël est vraiment retombé amoureux. D'abord, il ne m'aurait pas amené une jeune femme qui n'aurait pas compté. Ensuite, et même si l'amour d'une grand-mère peut lui aussi rendre aveugle, je peux assurer qu'ils vont vraiment bien ensemble et que je ne l'avais jamais vu aussi bien avec quelqu'un. Maureen est, comme Betty, une jeune femme très agréable. Mais elle n'a pas du tout le même caractère. Elle est très heureuse de découvrir la région. Elle vient d'Irlande, ne connaît que les alentours de Glasgow. Ils se sont rencontrés depuis peu, mais je peux déjà déceler entre eux une profonde entente. Et puis, cela se voit : elle est très amoureuse de Mickaël.

Le dernier soir de leur séjour, cependant, Mickaël reste un long moment avec moi. Il me paraît un peu soucieux et je ne pense pas que ce soit la perspective de rentrer à Glasgow qui lui fait ainsi froncer les sourcils. Il me demande ce que je pense de Maureen. C'est la première fois qu'il me demande aussi franchement ce que je pense d'une de ses petites amies. A-t-il besoin d'être rassuré ? Il m'avoue alors qu'elle vient de lui révéler bien des aléas de son passé. Elle semble avoir connu des difficultés, j'espère que cela ne les empêchera pas d'avancer. J'aimerais que Mickaël puisse vraiment se poser, construire quelque chose de sérieux.

**

Un nouvel été est passé. J'ai vu les enfants, Véra, Jimmy et Léony sont venus bien entendu. Mais aussi Mickaël, Maureen et Sam, avec des amis de Maureen. Très gentils, et ayant un petit garçon qui m'a fait craquer. Ils ont passé quelques jours sur Skye et je les ai accompagnés sur Mull. Ce n'est plus de mon âge de faire de grandes explorations comme quand ils étaient plus petits et que nous les avions emmenés sur les différentes îles, jusqu'à Inverness ou Ullapool. Mais enfin, cela me faisait plaisir de les accompagner. Alors que Mickaël emmenait Maureen sur les Hébrides, Sam est resté avec moi. Il est allé voir Jenn plusieurs fois. Il ne s'est pas vraiment confié, mais je pense que ma présence lui faisait du bien. Et finalement, je crois bien que Jenn et lui vont se remettre ensemble.

J'espère que ce sera une bonne fois pour toutes. Sam mérite Jenn. Et Jenn mérite Sam. Mais il va falloir que chacun fasse des efforts. Enfin, ils sont amoureux et ils ne doivent pas oublier que l'amour permet de vaincre bien des difficultés.

**

Je continue à croire que lorsqu'une étoile s'en va, une autre arrive. Helen, la mère de Jenn, est partie juste avant la Noël. La pauvre souffrait tant que cela en a été une délivrance. Mais pour Jenn, sa sœur et son père, c'est dur. J'ai félicité Sam, car il a été à la hauteur, même si cela l'a renvoyé vers de douloureux souvenirs. Je suis repartie plus tôt que prévu à Glasgow, pour les fêtes. Puis Mickaël et Maureen m'ont ramenée et sont restés quelques jours avec moi, pour leur semaine de vacances. Les Highlands avaient pris leurs couleurs d'hiver, c'était très beau.

Maintenant, le printemps arrive à grands pas. Mickaël a prévu de revenir passer un week-end avec Maureen, ils ont soi-disant besoin de respirer un autre air. Je peux le comprendre.

Sauf qu'ils arrivent avec une drôle de surprise. Ils viennent m'annoncer que je vais être à nouveau arrière-grand-mère, et Mickaël me confiera que cet enfant sera certainement profondément Highlander. Maureen est persuadée qu'ils l'ont conçu ici, durant leur petit séjour d'hiver. Moi, je veux bien y croire...

Mon premier arrière-petit-fils voit le jour à Fort William, comme son père. Parce que Mickaël tenait à ce que son enfant naisse ici, et Maureen le voulait tout autant, si ce n'est plus. Et puis, juste avant l'été, tout s'est un peu précipité.

Je ne sais pas comment Sam a fait son compte, mais alors qu'il était venu passer deux jours ici avec Jenn, il a rencontré un des restaurateurs de la ville. Ce dernier cherchait à vendre son fonds de commerce, pour partir en retraite. Sam s'est renseigné, a discuté. Il en a parlé à Mickaël. Je ne pense pas que Mickaël était très "chaud" à l'idée de se lancer déjà, de devenir son propre patron. Ils en ont longuement parlé avec Harris, celui-ci les a encouragés. Il leur a dit que c'était normal, qu'il s'attendait de toute façon à ce qu'un jour, ils aient envie de monter leur propre affaire. De mon côté, j'ai dit à Mickaël que j'avais de l'argent pour lui. Cela pouvait leur permettre de financer en partie l'achat du restaurant.

Maureen a été la première à me rejoindre. Elle a fermé sa boutique début juin, car elle fatiguait trop, et est aussitôt venue se reposer à Fort William. La naissance est prévue pour le début octobre, mais enfin, je me méfie. Je lui ai raconté la naissance de Mickaël et cela l'a beaucoup fait rire. Mickaël et Sam ont fini la saison pour Harris, puis ils sont arrivés début août. Mais ils n'ont pas vraiment pris de vacances. Ils ont commencé par faire des travaux dans le restaurant, notamment dans la cuisine, et puis ils ont changé la décoration. C'est important de montrer un autre visage. Ils ont aussi embauché une serveuse et se sont mis en contact avec des fournisseurs locaux. Mickaël a rencontré quelques pêcheurs, il tient à travailler le poisson frais, les coquillages, comme il le faisait à Glasgow. C'est de toute façon ce qui a commencé à faire sa réputation. Ce serait idiot de faire autre chose. Ils se lancent modestement : ils ne seront que tous les deux en cuisine. Ils ne peuvent pas prendre trop de couverts. Ils ont pu ouvrir début septembre. J'espère que ça va marcher. Ils prennent un risque. Mais ils savent aussi saisir une opportunité.

Je ne vais pas me plaindre. Maureen et Mickaël se sont installés avec moi. Au début, je leur ai dit de se trouver une maison, quand même, pour eux. Aujourd'hui, je suis une vieille femme, et eux, ils sont jeunes. Mais Maureen m'a dit :

- Mais pourquoi, Mummy ? Vous ne voulez pas qu'on soit avec vous ?

Mickaël a renchéri, en disant :

- Ne me sors pas une de tes excuses à deux balles, ça ne marchera pas. La maison, ici, est grande. Tu es toute seule. Ok, on va déranger tes petites habitudes. Mais je suis certain que tu seras enchantée d'entendre les gazouillis d'un petit bébé, entre ces murs, bientôt.

Le bougre, c'est qu'il a raison.

Et voilà donc, en cet automne, que Maureen revient de la maternité, avec dans les bras un petit Killian. Je ne sais pas encore s'il aura les beaux yeux bleu-gris de sa maman, ou le regard vert doré de son père. C'est un détail...

**

C'est vrai, j'appréhendais un peu leur arrivée à tous les deux, comment cela se passerait. Si Maureen se plairait aussi, dans une vieille maison comme la mienne, avec la présence d'une vieille femme comme moi. Mais tout s'est fait en douceur. Elle a trouvé son rythme de vie, même avant la naissance de Killian. Et depuis que ce petitou est là, je dois avouer qu'il nous occupe bien toutes les deux. J'aide Maureen autant que possible, et je dois reconnaître qu'elle m'aide aussi beaucoup. Nous allons souvent faire les courses ensemble, si je veux rendre une visite à une amie ou même à Mary, elle peut m'y conduire. C'est plus simple. Elle aime aussi passer du temps au jardin et nous avons déjà réfléchi ensemble au prochain potager, à ce que nous y ferions pousser. Elle projette également, au printemps, de redonner un peu d'éclat à mes parterres et à mes fleurs. Je dois avouer que j'ai du mal à me baisser pour travailler la terre, maintenant. Cela ne pourra que l'embellir.

Elle s'est confiée aussi, une ou deux fois. Oh, simplement et avec peu de mots. Sur ce qu'elle a vécu, l'attitude de ses parents. Mais même si elle ne s'est pas étendue sur le sujet, j'ai bien saisi qu'elle en souffrait encore, et surtout du comportement de ses parents qui la prive ainsi de voir ses jeunes frères et sœurs, d'entretenir des liens avec eux. Elle avait espéré que la naissance de Killian leur donnerait envie de la revoir, de faire connaissance avec leur petit-fils, il n'en a rien été. Je ne comprends pas cela. Je ne comprends pas comment des parents peuvent se priver et se couper ainsi de leur enfant, surtout quand c'est une jeune femme aussi douce et gentille que Maureen. Elle n'a rien fait de mal : elle a juste voulu vivre autre chose que ce à quoi son premier mariage la cantonnait.

Mais nous ne parlons donc pas de cela bien souvent. Au contraire, elle préfère évoquer avec moi notre quotidien, les projets de Mickaël et de Sam. Elle prend plaisir aussi aux visites de la famille, des amis. Elle et Jenn s'entendent bien, même si leurs caractères sont très différents. Et puis, il m'arrive de lui raconter ma propre histoire.

Mais j'espère que je ne l'ennuie pas, à lui parler souvent de Steven, de mes parents, de la vie que nous avons menée ici, avec Donan et Finella. Avec Mary et Kathleen. Mais je crois que non, car, souvent, c'est elle qui m'interroge et lance la conversation à ce sujet. Et j'apprécie de pouvoir parler avec elle, de lui raconter toute cette histoire. J'aime son écoute, sa gentillesse aussi. Je crois que Mickaël ne pouvait pas trouver de meilleure compagne, de jeune femme qui le complèterait le mieux, qui le soutiendrait aussi le mieux dans ses projets. Lui, il est heureux, ici. Je le savais bien. C'était son rêve, depuis tout petit : vivre dans les Highlands. Et, au moins, ce rêve-là, il peut le réaliser. Et je suis bien contente d'y contribuer un petit peu...

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