Chapitre 10
Lorsque j'ouvris les yeux, je me rendis compte que je m'étais endormi dans le lit de Maya. J'essayai de sortir du lit sans la réveiller. Je n'étais pas du matin, et je n'avais pas envie de lui parler. Je retirai délicatement son bras et sa jambe posés sur moi.
J'enfilai mon pantalon quand elle commença à bouger. Je ramassai donc en quatrième vitesse le reste de mes affaires et sortis le plus vite possible de son appartement. Je me dirigeai vers le parking avant de me souvenir des événements d'hier. J'appelai de nouveau un taxi. Je songeais à prendre un abonnement ; je passais plus de temps dans un taxi que dans ma voiture. Ou prendre un chauffeur. Ça me permettrait même de pouvoir rentrer avec ma voiture lorsque j'étais bourré. Il fallait que je trouve des candidats, j'aimais vraiment cette idée.
Devant chez moi, j'aperçus la voiture de Victoria. Étrange, elle n'était toujours pas partie travailler ?
En passant la porte de chez moi, j'aperçus ma maison saccagée. Non mais c’était une blague ?
— Victoria, tu as intérêt à être morte, car je te promets d'horribles souffrances ! hurlai-je.
Mes œuvres d'art originales subissaient des gribouillis qui les défiguraient, et ma chambre ressemblait à un champ de ruines. Mes cactus s'étaient faits couper en deux. Une bouteille de vin avait été renversée sur mon magnifique canapé hors de prix. Je me dirigeai vers la porte de ma chambre et vis cette dernière ouverte. La serrure avait été forcée. Je n'allais pas me contenter de tuer cette garce, j’allais la torturer.
Plus j’avançais et plus la rage bouillonnait en moi. Toutes mes affaires, que j’avais accumulées au fil des années, avaient été réduites à néant à cause de ses stupides caprices d’enfant gâtée. De nombreux scénarios d'elle agonisant surgissaient dans ma tête. Bien que cela semblât un peu insensé, cela me permettait de me détendre légèrement.
Ma chambre était en pièce. Tous mes costumes taillés sur mesure, dont le moins cher coûtait tout de même cinq mille euros, étaient découpés et éparpillés en mille morceaux. Ma télévision avait la télécommande coincée dans l’écran.
Les poissons, eux, avaient disparu.
Je ne donnai pas cher de sa peau. Le silence oppressant de la maison fut brutalement déchiré par mes hurlements de frustration et de rage. Mes cris résonnaient contre les murs, brisant la tranquillité apparente.
Je balayai la pièce du regard, observant les traces de ma colère. Une chaise renversée gisait au sol, ses pieds brisés. Les livres, autrefois soigneusement alignés, étaient éparpillés, leurs pages déchirées. Un vase en morceaux jonchait le tapis, ses éclats reflétant la lumière de la lampe vacillante.
Chaque objet détruit, chaque meuble renversé, devenait le miroir de ma propre fureur intérieure. Les rideaux arrachés pendaient lamentablement, les coussins éventrés laissaient échapper leur rembourrage. Les dégâts étaient partout, un témoignage silencieux de la tempête qui avait ravagé mon esprit.
En regardant ce chaos, je sentais ma rage se dissiper lentement, remplacée par une étrange sensation de vide. Le désordre autour de moi semblait presque paisible après l'explosion, une représentation tangible du tumulte qui m'habitait.
Les mots lancés à Victoria au téléphone, promettant d'horribles souffrances, ne semblaient plus n'être que des paroles en l'air.
Possédait par une rage incontrôlable, mes pensées de vengeance commençaient à prendre le dessus sur toute rationalité.
Tout ça, c’était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, je ne pouvais plus contenir ma fureur. Je serrai les poings, mon regard injecté de colère fixé sur les débris qui jonchaient le sol.
— Victoria !
Ma fureur, nourrie par la destruction de tout ce que je chérissais, promettait d'atteindre des sommets alors que je cherchais celle qui avait osé détruire mon univers.
Je fonçai droit vers sa chambre. Sans grand étonnement, tout était nickel, bien que je n’aperçusse pas ses poissons. Un papier reposait sur son lit.
"J’espère au moins que tes voitures de sport et tes motos n’ont rien. C’est tragique ce qui est arrivé à tes affaires."
Je fixai le mot. Mes yeux suivirent chaque lettre, et ma colère atteignit un point de non-retour. Elle osait non seulement détruire mes biens, mais en plus, elle se vantait de sa petite escapade destructrice. Un rire sarcastique s'échappa de mes lèvres, un rire qui résonna dans la maison comme un avertissement sinistre.
Sans perdre une seconde de plus, je partis voir l’état de mes voitures et motos. Je soupirai de soulagement en n'apercevant aucun dégât visible. J'espérai au moins qu’elle n'avait pas trafiqué le moteur.
Je repartis à sa recherche. Elle devait forcément quelque part ici, puisque sa voiture était toujours sur le parking. En passant devant la piscine, j’aperçus une silhouette allongée tranquillement sur les transats. Bien qu'il ne fût que dix heures, le soleil était déjà bien présent.
Je m’approchai en découvrant que qu’il s’agissait bien elle.
Dans d'autres circonstances, j’aurais laissé mon regard dévier sur son corps en maillot de bain. Mais la rage ne me permit pas de voir autre chose que sa tête au bout d’une pique.
— Ça t’amuse de tout détruire ?
— Je n’ai pas tout détruit. Je n’ai pas touché à ton parking.
Je rigolai d’un rire sans joie tout en regardant autour de moi. Dans la piscine, j’aperçus ma cafetière flotter. Encore une.
— Tu pourrais renouveler tes idées stupides, ça devient vraiment redondant de voir ma cafetière dans l’eau, crachai-je.
— Mais vu la colère qui bout en toi, ça fonctionne toujours.
Son petit sourire narquois ne quittait pas son visage.
— Tu es la pire des garces.
Elle se redressa vivement pour me faire face. Ses lunettes de soleil couvraient ses yeux.
— Moi ? Une garce ? Tu te moques de moi ? Tu me fais vivre un enfer depuis que je suis arrivée ! Tu as tué mes poissons ! Je te hais tellement que chaque cellule de mon corps me crie sans cesse de te tuer !
— Parce que tu crois que je t’aime ?
— Alors mets fin à ce contrat !
— Toi, tu n’as qu’à le faire ! Si j’avais pu, crois-moi, je l’aurais déjà fait depuis longtemps. Ça fait un peu plus d’une semaine qu’on cohabite, mais j’ai l’impression que ça fait des mois, tellement tu me pourris la vie. Tu es une erreur de la nature, Victoria, tu devrais te remettre en question. Tu ne t’es jamais demandée pourquoi personne ne reste dans ta vie ?
Un silence tomba. Je savais que mes mots étaient horribles, que je l’avais blessée. Mais je m’en moquais. Un sourire de satisfaction ornait mon visage en voyant qu’elle ne trouvait rien à redire. Je me retournai, prêt à m’en aller, mais me retrouvai dans la piscine. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait avant de remonter à la surface et de voir Victoria se diriger vers les baies vitrées de la maison.
Elle m’avait poussé dans l’eau ?
L’eau froide n’atténuait pas mon irritabilité envers elle. Au contraire, ma rage montait d'un cran. Je sortis de la piscine en trombe, trempé et en colère.
— Tu crois que c'est drôle, Victoria ?! Tu t'es vraiment surpassée dans l'art de la stupidité.
Elle me fixa avec un regard défiant, mais je vis une lueur de satisfaction dans ses yeux.
— Je voulais juste te rafraîchir les idées, Thomas. Tu en avais bien besoin, répliqua-t-elle avec un sourire moqueur.
Je m'approchai d'elle, mes vêtements collaient désagréablement à ma peau.
— Écoute bien, Victoria. Tu as franchi toutes les limites. Je vais me venger, et tu n’auras plus que tes yeux pour pleurer. Même si pour cela je dois rester marié avec toi et récolter tout ce que tu possèdes de Glamourous.
Elle éclata de rire, comme si ma colère la divertissait.
— Ose essayer, et tu verras à quel point ta vie peut encore empirer, menaça-t-elle d'un ton glacial.
Mon calme intérieur vacilla, mais je réussis à ne pas succomber à sa provocation. La vengeance devait être calculée, mesurée. Je la fixai intensément, pour lui montrer que je ne cédais pas à son jeu. Bien que je devais avouer qu’une part de moi appréciait cela. Personne ne m’avait jamais tenu tête comme elle le faisait. Nos fortunes étaient identiques, notre popularité aussi, sans parler de nos égos, ce qui promettait une guerre des plus intéressantes.
— Prépare-toi, Victoria. Ta petite comédie prend fin ici. Tu ne peux pas échapper aux conséquences de tes actes, déclarai-je d'un ton grave.
— Si tu crois qu’un gamin comme toi me fait peur. Regarde ton visage, tu te fais battre par n’importe qui.
Elle rigola en me tournant le dos. J’attrapai, sous l’effet de la colère, le premier oreiller qui me tomba sous la main et lui lançai directement à l’arrière de la tête. Ma réaction était puérile, je le savais très bien. Mais je ne trouvais rien de mieux sur le coup.
Je ne savais pas si je devais être rassuré de constater que je n'étais pas la seule personne immature ici. Cependant, lorsque Victoria se remit de cette attaque, elle se tourna vers moi, le visage furieux. Elle attrapa un autre oreiller posé sur le canapé et me frappa avec violence. Nous nous retrouvâmes dans une bataille d'oreillers absurde, chacun de nous lançant des attaques peu coordonnées, emportés par la colère et l'impulsion du moment.
La scène était à la fois ridicule et libératrice. Les oreillers volaient dans tous les sens, les plumes s'éparpillaient, créant un chaos supplémentaire dans la maison déjà ravagée. Entre deux éclats de rire incontrôlés, je me surpris à penser que cette bataille d’oreillers ne se trouvait qu’être une métaphore parfaite de notre relation tumultueuse.
L'épuisement l’emporta sur notre furie. Nous nous retrouvâmes haletants, les oreillers en lambeaux autour de nous, les cheveux de Victoria étaient en pagaille. Les regards que nous échangions étaient chargés de haine, une haine qui dépassait le simple désaccord et qui s'était incrustée profondément dans notre relation.
Pourtant, au fond de moi, une voix murmurait que cette haine ne visait pas seulement Victoria. Une partie de cette colère était tournée envers moi-même, envers la situation dans laquelle je m'étais laissé entraîner, envers le fait que j'avais laissé ma vie déraper à ce point.
— C'était absurde, avouai-je en riant, l’adrénaline retombant.
Victoria me fixa, son expression passant de la colère à la surprise.
— Oui, c'était ridicule, mais ça fait du bien. Une sorte de défoulement, je suppose.
Les mots prononcés dans la colère ne pouvaient être effacés aussi facilement que les oreillers jetés dans cette bataille futile. Nous restâmes là, silencieux, le visage marqué par l'épuisement physique et émotionnel pendant quelques minutes. Le jeu de la vengeance avait commencé, et il semblait que nous étions prêts à jouer sans retenue. Je partis finalement en premier pour me doucher, les vêtements mouillés qui collaient à ma peau me promettaient une pneumonie si je ne me changeais pas rapidement.
— Range le bordel que tu as mis, Victoria, si tu veux que je sois un minimum indulgent envers toi, lançai-je en partant.
Sous la douche, je ne pus m’empêcher de penser à tout ce qui venait de se passer. Je la détestais.
Je n’avais sans doute jamais autant détesté quelqu’un de toute ma vie. Pourtant, je trouvais cette bataille d’oreillers assez amusante. Était-ce à cause du fait que j’avais enfin pu me libérer de toute cette haine que j'accumulais ? Je ne voyais que cette raison.
Une chose était sûre, je devais me venger, mais comment faire ? La vengeance, sourde et froide, devenait ma seule motivation. Le jeu était loin d'être terminé, et je comptais bien remporter la partie, faisant payer à Victoria le prix de son affront envers moi. L’objectif n’était plus qu'elle craque et rompe le contrat, j’avais bien compris qu’elle ne le ferait jamais. Non, maintenant c’était simplement une guerre dont le seul but était de gagner. Elle plierait devant moi, suppliant que je m’excuse. Mais comment faire ?
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